Art & Culture

Bibi Seck, Zouzibabe, Emjie : rencontre avec les DJ belges les plus populaires du moment

Alors que la plupart des DJ sont épuisés en raison du décalage horaire indissociable de leur carrière, l'énergie des Belges Bibi Seck, Zouzibabe et Emjie semble inépuisable. Non contentes de figurer parmi les DJ les plus populaires du moment, elles produisent, chantent et sont à l’initiative d’une incroyable plateforme féministe. Cet été, elles se produiront toutes les trois au Paradise City Festival.
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Bibi Seck

Basée à Anvers, Bibi Seck (24 ans) est déjà un grand nom de la scène nocturne belge à coups de sets groovy, euphoriques et énergiques.

L’O : Comment avez-vous atterri dans l’univers du DJing ?
Quand j'avais 16 ans, je traînais chez un ami qui savait mixer. Il m'a montré comment faire et dès que je suis rentrée chez moi, j'ai acheté du matériel pour m’y mettre. J’ai organisé une fête au Izzy Maze à Anvers et j’étais moi-même aux platines. Et avant même de m'en rendre compte, je décrochais mon premier contrat...

L’O : Selon vous, qu'est-ce qui vous distingue des autres DJ qui émergent aujourd'hui ?
Ça fait déjà un moment que je suis active. J'ai commencé par le hip-hop et la trap underground, puis j'ai découvert la dance, le funk, la soul, le disco. Ça me convenait beaucoup mieux. Je pense qu’un DJ a besoin de passer par cette phase de développement personnel. C'est ma marque de fabrique, tout comme le fait que je ne suis pas sectaire ; ma préférence ne va pas forcément aux productions de certains labels, parfois il suffit que le public réagisse positivement.

L’O : Qu'est-ce que ça fait d'être une femme dans un monde souvent dominé par les hommes ?
Au début, c'était vraiment difficile. Je me sentais souvent sous-estimée, mais ça m'a poussée à travailler encore plus dur. Aujourd'hui, la situation est en train de se normaliser et mon travail est plus valorisé. En tant que femme, j'ai parfois une meilleure idée de ce qui fait danser les autres femmes. Et si les filles ne dansent pas sur la piste, ce n'est pas une fête réussie à mes yeux. (Rires)

L’O : Supposons que vous ayez un DJ set ce soir. Comment vous préparez-vous ? Vous avez une routine ?
Je me lève et je cherche de nouveaux morceaux sur mon ordinateur. Même si j’en ai déjà des milliers en stock, j'ai toujours besoin de nouveaux tracks. Ensuite, je mixe un set et je le note dans mon carnet pour le jouer le soir même.

L’O : Vous concevez donc votre gig le jour même ?
Parfois, j’y consacre plus de temps, mais j'ai déjà pas mal d’expérience, donc j'ai toujours quelques mixes de réserve dans lesquels je peux puiser. Si c'est un nouveau festival de grande envergure, j’y pense quelques jours à l'avance.

L’O : Vous avez commencé à mixer jeune. Pouvez-vous citer quelques moments forts de votre carrière ?
L'été dernier a été l'une des meilleures périodes de ma carrière. Pendant mon show au festival de Horst, j'ai ressenti beaucoup d'amour. Et je me souviens avoir découvert un super morceau sur mon vélo il y a quelques mois et avoir pensé : je dois le jouer au Paradise City Festival. Je me suis imaginée sous un soleil radieux devant une plaine immense et une foule déchaînée, et c'est exactement comme ça que ça s’est passé, sur ce morceau. J’étais sans voix... C'était un moment très émouvant. Et un soulagement après avoir été contrainte à l’inaction pendant si longtemps.

Emjie

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© SQ Brussels

Emjie, de son vrai nom, Julie Morton, est née à Charleroi mais vit à Bruxelles depuis dix ans. Après un crochet par la mode, la jeune femme de 27 ans s'est fait remarquer dans l’industrie de la musique par ses sets électrisants et son sens du rythme. 

L’O : Quand avez-vous commencé en tant que DJ ?
En 2019, j'ai rejoint un ami dans un club à Barcelone. À ma grande surprise, il s’est retrouvé derrière les platines et il a vraiment mis le feu. C'était trop cool, je ne savais même pas qu'il savait mixer ! De retour à la maison, j'ai acheté un contrôleur et tout s’est enchaîné. 

L’O : Qu'est-ce qui vous distingue des autres DJ qui émergent aujourd’hui ?
Il y a tant de DJ talentueux et nous avons tous le même objectif : rendre les gens heureux avec notre musique. Ce qui m'aide, c'est ma capacité à sentir le public et à échanger des émotions avec lui. Je suis également ouverte à l’énergie des gens et je remarque qu'ils sont très réceptifs à ma musique. Mes shows oscillent entre "tension and release", entre des morceaux tendances et des trésors cachés. 

L’O : Supposons que vous ayez un DJ set ce soir. Comment vous préparez-vous ? Vous avez une routine ?
Je planifie mes sets un certain temps à l'avance, je n’attends pas le jour J. J'ai besoin de temps pour dénicher de nouveaux morceaux. Le jour même, je suis assez chill, je pense à la tenue que je vais porter le soir, je vais manger un bout avec des amis avant le show et je vérifie si tout est OK sur le plan technique. 

L’O : Quels sont les moments forts de votre carrière jusqu'à présent ? 
Je viens de rentrer de Tulum, où j'ai pu donner mon premier show mexicain à Tech Maison. Quelle expérience de faire la fête au milieu de la jungle ! En Belgique, j'ai eu la chance de jouer en novembre dernier à Full Circle, un festival de trois jours à Anvers qui rassemble une foule d'artistes belges - techno, house et hip-hop - dans différents clubs de la ville. 

L’O : Quelle est la prochaine étape pour Emjie ?
Beaucoup d'événements et de voyages sympas sont prévus, mais tout dépendra des restrictions sanitaires. L'année dernière, je dansais encore en tant que spectatrice au Paradise City Festival et cette année, mon nom sera sur l’affiche. La vitesse à laquelle les choses peuvent évoluer est incroyable. Je vais également me concentrer davantage sur la production et j'espère sortir un EP bientôt. 

L’O : La production ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
J'ai commencé comme DJ il y a trois ans, et comme productrice il y a un an. Pour mieux ressentir la musique et comprendre comment moduler le son, j'ai appris à travailler avec des instruments analogiques. Je mélange les deux techniques de musique live dans mon studio et de musique numérique sur mon ordinateur. Ça me permet de trouver le juste équilibre entre le feeling humain et la conception sonore parfaite lorsque je produis un morceau. Il me faudra peut-être encore dix ans avant d’obtenir des résultats dont je suis fière mais quoi qu’il en soit, j’ai envie de réaliser mes propres productions, car c'est la clé pour décrocher des contrats à l’étranger. 

L’O : La consécration internationale fait donc partie de vos objectifs ? 
Absolument, j'adore bouger. J'ai travaillé dans la mode pendant trois ans, j'ai organisé des défilés pendant les Fashion Weeks et j'ai beaucoup voyagé à Paris, Amsterdam, Londres, New York, LA, etc. Être sur la route, entrer en contact avec les gens et découvrir leur culture me procure énormément d'énergie. Et j’ai aujourd’hui la chance de pouvoir combiner ça avec la musique. 

Zouzibabe

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© D.R.

Rencontre avec la Bruxelloise Zoé Devaux. La DJ de 27 ans et fondatrice de la plateforme féministe Rebel propose de nouveaux rythmes sur le danceflfloor, du R'n'B à la house en passant par la club music et les breaks.

L’O : Vous vous êtes lancée en tant que DJ professionnelle l’été dernier. Quand avez-vous compris que votre carrière décollait ?
Ce qui m'a vraiment aidée, c'est de jouer à une Fifty Session l’été dernier au Parc Royal de Bruxelles. C'était incroyable ! Je n'étais pas préparée à ça. J'ai joué après Morgan et Joanna. Je pensais que je serais chargée de mettre un fond musical au moment du dernier verre avant que les gens rentrent chez eux. Mais au lieu de ça, ça s'est transformé en une vraie fête et tout le monde a dansé jusqu'à la fin. Depuis lors, j'ai eu la chance de décrocher d’autres sets, ce qui m’a permis de me faire connaître comme DJ. Je travaille désormais avec l'agence artistique E314 et je jouerai aux festivals Listen, Horst et Paradise City. Ce qui est encore plus excitant, c'est que mon set au Paradise City est prévu le premier soir, le vendredi, qui plus est sur la scène dont la programmation a été confiée à notre collectif Rebel.

L’O : Rebel est ta propre plateforme féministe, c’est ça ?
Tout à fait. C’est une plateforme féministe sans but lucratif qui sensibilise les gens à la visibilité et à la sécurité des femmes et des autres minorités sur la scène musicale bruxelloise. Nous voulons rendre les clubs plus sûrs pour les femmes, tout en participant à leur émancipation.

L’O : Qu'est-ce que ça fait d'être une femme dans un monde souvent dominé par les hommes ?

Je me suis souvent dit que je n’étais pas à ma place en tant que DJ, que je n'étais pas assez douée. Je souffrais de ce qu’on appelle le syndrome de l'imposteur. Grâce à mon master en études de genre et à mon évolution en tant que professionnelle et DJ, j'ai acquis plus de confiance en moi et je me sens désormais aussi capable que n'importe qui d'autre. Les choses changent, mais pas assez vite, c'est pourquoi je travaille à développer Rebel.

L’O : Quelle DJ avez-vous toujours admirée ?
Shanti Celeste ! Quand je l'ai entendue pour la première fois, j’ai été bluffée. Mais j'aime aussi les sons UK : Peach, Moxie, Saoirse, Sherelle, Sally C, OK Williams sont de grandes sources d’inspiration... J’irai certainement vivre un jour au Royaume-Uni.

L’O : Supposons que vous ayez un DJ set ce soir. Comment vous préparez-vous ? Vous avez une routine ?
J'organise ma musique en playlists mensuelles. Pour les shows, j'ai l'habitude de faire des playlists aussi, ce qui me permet de me souvenir des morceaux que j'apprécie et de l'ambiance qu'ils peuvent transmettre à mon set.

L’O : De quoi rêvez-vous encore ?
J'aimerais me sentir suffisamment à l'aise pour utiliser le micro plus souvent pendant mes sets. Ça met l’ambiance tout en créant un lien avec le public.

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