Almine Rech x Umar Rashid : l'expo incontournable de l'hiver à ne pas manquer à Bruxelles

Originaire de Chicago et basé à Los Angeles, le peintre de 47 ans qui se fait aussi appeler Frohawk Two Feathers évoque dans son œuvre les paradoxes de trois anciens révolutionnaires fictifs qui deviendraient ensemble consuls de la République franglaise à l’extrême fin du XVIIIe siècle. Un (vrai) point de basculement historique et sociologique, vivier d’inspirations allégoriques. il y représente Lucien, tribun passionné qui nourrit une passion pour la violence. Charles aussi, un chef militaire talentueux dans la bataille mais étonnamment peu charismatique. À leurs côtés, le capitaine Tarek. Les personnages sont construits : ce Grec de Turquie élevé en France rejette tout ce qui a trait au Saint-Empire romain germanique, conspue les Mamelouks, responsables du massacre de sa famille en Égypte. Cette équipe éclectique, composée de figures emblématiques d’une conquête de soi, feront de la République franglaise un véritable empire.

"S’il y a un moyen de le construire, il y a un moyen de le détruire. Il y a des choses qui ne sont pas hors de notre contrôle." Tel est le mantra lié à cette exposition, réalisée dans la continuité de la récente série d’exploration plastique multiforme d’Umar Rachid, (Ancien Regime Change, Parts 1 – 6), représentation de l’inexorable chute des chefs révolutionnaires de la Frangleterre, combattants de la liberté devenus tyrans avides et assoiffés de guerre. 

Umar Rashid est un conteur comme il y en a eu tout au long de l’histoire, indispensable pour transmettre une autre émotion des turpitudes du monde et du déroulement des batailles intimes. Dans cet opus réinventé d’une Frangleterre fantasmée (faisant fi du Brexit et des guerres d’un autre millénaire, la France et l’Angleterre auraient fusionné), l’artiste extrapole l’évolution napoléonienne de trois leaders franglais confrontés aux assauts d’une adversité inattendue - il y a toujours un ennemi quelque part, pour qu’une bonne fiction mette en présence des personnages qui vont se révéler : une coalition de forces prussiennes,  autrichiennes, russes et ottomanes sur Terre, avec le sel d’une force rebelle spatiale, appelée Control. Une guerre des étoiles, militaires. 

"If there’s been a way to build it" se joue en différents lieux, en Europe et en Égypte, dans la stratosphère et sur le sous-continent indien. Le travail de Rashid est décalé, humoristique, d’un second degré acerbe utilisé comme filtre pour revoir et critiquer l’essence même de l’histoire dont le destin est de se répéter en boucles inexorables, parfois désespérantes. L’artiste décrypte : "Ici, on commence à voir émerger des leaders d’un nouveau genre, mais animés par des desseins de l’ancien monde." Pour lui, "l’élan révolutionnaire s’est lentement transformé en empire, comme d’habitude." Son propos souligne notamment les lignes floues de la narration dans cette série d’œuvres : dans l’imaginaire Empire franglais, les limites entre l’histoire, l’historiographie (son récit), les icônes, l’iconicité et la création d’icônes restent malléables. Il emprunte ainsi aux inspirations de différentes cultures populaires, à des figures historiques et évoque d’indispensables références musicales: une sorte d’air du temps culturel imprègne fortement ses peintures, dessins et sculptures.

L’art d’Umar Rashid est spectaculaire, imprégné de références réelles réinterprétées, à l’instar d’une Janet Jackson bataillant dans l’espace avec son équipe contre un groupe de rebelles déterminés à prendre le contrôle de la planète. L’artiste tisse une toile de récits fantastiques et afro-futuristes qui sont des grilles de lecture décalées, avec une visée pédagogique. Ses toiles monumentales font voyager le spectateur dans ses espaces allégoriques, fondamentalement ancrés. 

alminerech.com à Bruxelles, jusqu’au 13 janvier 2024.