Art & Culture

"Dolls" : l'exposition de Madelynn Green à ne pas manquer à la galerie Almine Rech

L’artiste américaine Madelynn Green expose pour la première fois à Bruxelles, et pour la deuxième fois dans l’espace lumineux de la galerie Almine Rech. Peintre engagée d’une contre-culture nourrie des contrastes de la photographie argentique, elle raconte la société en recherche d’équilibre, et dépeint le quotidien de pantins incarnés.

© Madelynn Green / Courtesy of the Artist and Almine Rech - Photo: Melissa Castro Duarte
© Madelynn Green / Courtesy of the Artist and Almine Rech - Photo: Melissa Castro Duarte

Elle a presque 30 ans, et joue encore un peu à la poupée. Elle les habille de questions d’actualités, colore en exergue les concepts sociaux et politiques qui lui tiennent à cœur. Elevée dans le Midwest, elle s’inspire des ressentis de son enfance, les décline en camaïeux de réflexion teintés du réalisme photogénique de sa vie d’adulte à Londres. Madelynn Green travaille à partir de photos et de vidéos, trempe son pinceau dans la moiteur des boîtes de nuits et dans la densité chamarrée des foules. 

La scénographie de la vie

Pour cette série de tableaux et de dessins, jubilatoires et implacables, l’artiste questionne l’ironie de l’auto-mise en scène, pimping moderne lié à l’addiction aux regards posés sur soi. Ou comment on a déplacé la projection de sa propre fantasmagorie du monde autrefois appliquée à des poupées, sur soi, face au miroir, en abyme du selfie. "Dolls" soulève la poussière de la célébrité sous les paillettes de l’esthétique, embarque les poupées dans une auto-narration dont les actrices sont de minuscules projections humaines destinées aux enfants, ou d'élégants mannequins drapés de bijoux. En anglais, "doll up" signifie s’apprêter à la limite du déguisement. Ces personnages se préparent à sortir, ils se parent pour répondre aux attentes d’un public supposé, peut-être même pour surprendre, pour briller parmi une foule de poupées. Madelynn Green trace son récit en peignant des perruques sur des mannequins étranges, intensifie son propos par aplats de couches de maquillage anxieuses, touche au paroxysme dans la foule qui les entraîne, s’ennuie dans les nuances cendrées de la nuit. 

Des tempos dans l’expo

Dans le volet "Female Figures", des mannequins réalistes arborent des perruques impeccables et subliment des expressions mélancoliques. Leurs émotions sont toujours sujettes à interprétation, dans un camaïeu sensoriel et profondément pensif, glisse doucement vers l’ombre. Leur beauté archétypale de plastique est fabriquée, mais leur humanité affleure à la surface des pots de cosmétiques exposés, à la pointe des recourbe-cils. Des plateaux de mise en esthétique rappellent l’univers chirurgical, des choix éclairés parfois, dont l’éclat dans l’acier peut devenir aveuglant. Dans la partie "Rouge", l’artiste interprète d’un pinceau aigu et sans houppette, le processus souvent difficilement lisible de se pomponner. "Perfect Nails Spa" de son côté évoque l’obligation de paraître que l’on n’ose plus gratter du bout de l’ongle, révèle les esthéticiennes qui s'inclinent aux pieds des clientes. Madelynn Green réattribue les outils de la coquetterie et s’arrête sur la position pas uniquement figée de qui incarne ces poupées. Elle s’interroge, et le public avec elle : "à quel moment une personne devient-elle un corps ?" Dans "Glamour", le dépouillement final de la poupée raconte l’absence de lustre à trébucher seul au salon après une soirée, la tête shampouinée à l'alcool, l’estomac barbouillé. La faim justifie les moyens, debout pendant des heures, à chercher les regards. La maison de poupées de Madelynn Green bouscule l’acception figée de la beauté, et démaquille l’humanité face à ses toiles. 

Exposition "Dolls" par Madelynn Green, du 27 octobre au 3 décembre 2022 à la galerie Almine Rech, Rue de l'Abbaye 20, 1050 Ixelles.

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