Mode

Que dit le rebranding de Pretty Little Thing de l’état actuel de la société ?

Le rebranding de Pretty Little Thing, avec son "Clean Girl Aesthetic", marque un retour à une beauté épurée et naturelle. Mais au-delà de l'esthétique, ce changement soulève des questions sur les valeurs sociales, économiques et politiques qui façonnent notre époque, entre récession et conservatisme croissant.

© Instagram @prettylittlething
© Instagram @prettylittlething

Ces dernières années, la mode a connu une évolution remarquable, marquée par un rebranding de certaines marques populaires. L'une des transformations les plus frappantes est celle de Pretty Little Thing, qui, à travers un virage stratégique, se réinvente en adoptant le "Clean Girl Aesthetic". Ce changement radical, symbolisé par une nouvelle identité visuelle – une typographie plus épurée et des mannequins dont les corps ne sont plus sculptés par la chirurgie esthétique, notamment l’option populaire du Brazilian Butt Lift (BBL) – invite à une réflexion plus profonde sur les changements sociétaux, la récession économique et l’acceptation croissante d’une certaine forme de conservatisme. Un retour à l’esthétique minimaliste et naturaliste peut-il vraiment être le reflet de tendances plus sombres ? Et cette tendance vers le "clean girl" n'est-elle qu’une extension d'une époque où la perfection de l’apparence et des codes sociaux se resserrent dans une atmosphère plus normative, voire réactionnaire ?

 

Le "Clean Girl Aesthetic" : un retour au minimalisme, mais à quel prix ?

Le "Clean Girl Aesthetic", tel qu’il est désormais incarné par des figures comme Hailey Bieber ou Sofia Grainge Richie, se distingue par un style à la fois simple et travaillé, où chaque détail semble naturel, mais en réalité, minutieusement pensé. Les caractéristiques visuelles sont frappantes : des tenues épurées, souvent monochromes, des peaux éclatantes de naturel, des cheveux soignés sans artifices, et un style global qui respire le "less is more". Si cette esthétique flatte l'idée d'un luxe discret – un peu "old money", un peu "naturel" – elle repose aussi sur des critères de beauté de plus en plus normatifs.

L’adoption de cette image par des marques comme Pretty Little Thing, qui auparavant s’était souvent associée à une image plus provocante, souvent sexy et "curvy", marque un tournant. En abandonnant les références plus "BBL", les courbes exagérées et une sensualité affichée, la marque semble opérer une mise en retrait, vers un idéal plus minimaliste, plus sobre. Mais est-ce un choix de design esthétique, ou une réponse à une réalité économique de plus en plus contraignante ?

 

Le conservatisme esthétique et la récession économique : un lien insoupçonné ?

Le "Clean Girl Aesthetic" pourrait, en apparence, n’être qu’une réponse aux nouvelles attentes des consommateurs : des visuels plus épurés, plus "naturels" et moins "artificiels". Mais si l’on y regarde de plus près, cette évolution de l’image de Pretty Little Thing résonne avec un retour de certaines valeurs conservatrices qui gagnent du terrain dans la société. L'adhésion à des standards de beauté plus proches de la minceur et de l'élégance discrète pourrait-elle également être le reflet de l’atmosphère d’une société en crise économique ?

Les marques réagissent à un contexte où les consommateurs, confrontés à des préoccupations financières croissantes, cherchent des produits moins flashy et plus durables, moins influencés par une industrie du luxe ostentatoire. Ce retour au minimalisme pourrait ainsi se traduire par une forme de "retour à la simplicité", une tendance qui rejoint d'autres phénomènes, comme la remise en question du consumérisme et de la surconsommation. En période de récession économique, les marques ajustent leurs codes pour répondre à des attentes plus sobres, moins flamboyantes et plus adaptées à des budgets réduits.

Il est donc possible de voir dans ce virage de Pretty Little Thing un simple ajustement à la réalité économique. Mais, si l'on considère l'évolution des modèles de beauté et l'impact de la mode sur la société, cette transition visuelle pourrait aussi correspondre à un phénomène plus vaste : la montée en puissance de certaines valeurs traditionnelles. L’"aesthetic" esthétiquement plus sobre et purifiée, proche de l’idéalisme bourgeois ou "old money", pourrait bien faire écho à des tendances sociales plus conservatrices.

 

Kylie Jenner et la montée du conservatisme dans la culture populaire

Kylie Jenner, une autre figure de proue du monde du luxe et de la beauté, incarne également ce phénomène de repositionnement. Après une période marquée par une hypersexualisation publique et une augmentation de la taille de ses lèvres, elle semble désormais adopter une approche différente. Son image a été récemment réorientée : elle s’affiche de plus en plus sobre, avec des tenues minimalistes, et semble s’éloigner des traits les plus évidents de la chirurgie esthétique.

Sa relation avec Timothée Chalamet, le golden boy d'Hollywood, marque également un tournant. Son apparition aux côtés de l'acteur à des événements comme les Oscars n’est pas anodine. Chalamet, devenu égérie de Chanel, semble incarner une figure parfaite de l’élégance intemporelle, sans excès, un peu comme l’a incarné jadis le style "old money". Kylie, en s'associant à lui, et en adoptant un look plus sobre et épuré, semble participer à ce retour à une forme de respectabilité plus traditionnelle, même si elle demeure une figure emblématique des nouvelles élites de l’ère numérique. Après tout, la maison Chanel l’a bien invitée à son dernier défilé haute couture, alors qu’aucun membre du clan Kardashian-Jenner n’avait jamais été invité, si ce n’est Kris Jenner à l’époque ou Karl Lagerfeld était encore à la tête de la maison.

Ce repositionnement de Kylie et de nombreuses autres célébrités est-il le signe d’un renouveau des idéaux de beauté et de valeurs "conservatrices", notamment dans les cercles médiatiques et les sphères de pouvoir ? Loin des extrêmes et des excès du passé, ce "clean chic" semble finalement correspondre à des attentes sociales qui épousent des formes d’élégance plus discrètes, mais peut-être aussi des valeurs plus restreintes.

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Kylie Jenner au défilé Chanel haute couture printemps-été 2025.

Le retour du "look masculin" et les parallèles politiques

Une autre tendance surprenante, bien que plus discrète, est le retour de la petite moustache chez les hommes, un phénomène qui, de manière plus provocatrice, fait écho à des mouvements politiques plus inquiétants. Ce détail de style, notamment observé chez des figures comme Justin Bieber, Jacob Elordi, ou encore... Timothée Chalamet, mais aussi les membres du milieu "hipster", pourrait, par son coté rétro et presque militaire, rappeler des symboles moins glorieux de l’histoire.

Est-ce que le retour de la moustache, mais aussi cette réinvention des codes de beauté chez les femmes, est lié à la montée d’un conservatisme politique et culturel ? Les symboles esthétiques, même dans la mode, peuvent avoir une portée bien plus grande que l’on ne croit. Le contraste entre l’image "clean" de la mode contemporaine et l’écho possible de valeurs plus réactionnaires laisse entrevoir une tendance qui pourrait bien être un signe d’un changement sous-jacent dans les aspirations collectives, un changement qui pourrait faire face à la montée de politiques autoritaires et nationalistes.

 

Une récession esthétique et politique ?

En fin de compte, le "Clean Girl Aesthetic", la transformation de marques comme Pretty Little Thing et l’évolution de figures comme Kylie Jenner ne sont peut-être que les symptômes d’une époque en mutation. Un retour à des formes de simplicité, de discrétion et de naturel peut être interprété à la fois comme une réponse à des difficultés économiques et un signe de réorientation des valeurs culturelles.

Est-ce un retour au conservatisme, au style sobre, voire à une forme de perfection plus figée ? Peut-être. Mais ce qui est certain, c’est que cette tendance marque un moment charnière dans l’histoire de la mode, et dans l’évolution des symboles sociaux. Un moment où l’esthétique se fait l’écho d’un monde qui semble vouloir se protéger des excès passés, mais qui n’est pas sans conséquences, parfois inquiétantes, sur les attentes sociétales.

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