Maison Natan : Édouard Vermeulen nous parle de sa collection printemps-été 2022
Studio de création, un après-midi d’automne. Édouard Vermeulen, le directeur artistique et fondateur de cette intuition de l’élégance et de la Couture belge, nous accueille dans la boutique du rez-de-chaussée de la boutique mère de l’avenue Louise, où sont présentées les silhouettes de l’hiver, robes sophistiquées pour les fêtes et pantalons denim à la coupe ample et structurée pour urbaine chic. Il nous invite à l’étage, siège de la création de la maison. Avec son bras droit Gloria Barudy-Vasquez, le créateur travaille sur la future collection printemps-été 2022. Autour de la grande table blanche, face aux couleurs et aux échantillons de tissus, ils collaborent comme on danse. Au mur, des moodboards, patchworks d’images d’inspiration, leur renvoient les intuitions de la prochaine saison. D’une seule voix, ils commentent : "Notre luxe, c’est de prendre le temps de rêver, laisser l’imagination agencer les matières et les couleurs." Autour de nous, on perçoit l’activité maîtrisée d’un univers Couture et Haute Couture, qui cultive la passion du savoir-faire.
Le plaisir de créer
Le duo créatif souligne qu’il ressent comme un privilège de pouvoir s’accorder l’espace d’imaginer, de se projeter dans l’avenir : "À réfléchir toujours le temps en avance, on risque de ne plus voir passer le présent. C’est pourquoi nous respectons les étapes de la création : nous explorons les couleurs, les lignes ; nous étudions chaque pièce en amont de sa conception en pensant à la cliente qui pourra l’adopter ; nous adaptons les coupes, les accessoires." Avec toute l’équipe d’artisans et de techniciens de la construction du vêtement qui les secondent, ils s’organisent en fonction des priorités, des disponibilités de chacun. À l’étage, le chef d’atelier et certaines couturières travaillent pour la maison depuis parfois plus de vingt ans. Pour ces professionnels rodés, chaque collection porte sa cadence : "Nous sommes flexibles en fonction des événements de la saison, qui influencent les inspirations." La maison produit quatre collections par an, deux Couture, deux Prêt-à-porter. En termes de création, les réflexions se chevauchent dans la répartition des étoffes et des ornements ("la différence se situe au niveau du service, quand il s’agit de sur-mesure"), en fonction des livraisons des fournisseurs, fidèles depuis longtemps et fiables même pendant la crise sanitaire : "Chacun a répondu présent en soutien. Avec eux, nos livraisons sont faites à temps, la concentration de l’équipe est ininterrompue." En termes de création, Gloria Barudy-Vasquez précise que les lignes de la collection Couture se répercutent sur le prêt-à-porter, jamais le contraire. L’équipe imagine ensuite les accessoires, ceintures, broches, fleurs cousues, paillettes : "On finit par les chaussures et les pochettes, une fois les thèmes de couleurs définis." Ici réside un autre luxe de la maison : avoir toutes les matières et les artisans présents sur place.
Une production d’ultraproximité
Sur les cinq étages de l’hôtel de maître sont répartis le studio de création, l’atelier de production, les services administratifs et la vente, avec la vaste boutique lumineuse au rez-de-chaussée. Directement au-dessus du studio, la fabrication est assurée sans temps différé et avec une absolue réactivité par les couturières expérimentées. Cette proximité permet de rester en contact avec les aspirations et les réactions des visiteuses du showroom. Édouard Vermeulen analyse : "Je rencontre désormais ma troisième génération de clientes ; je m’aperçois que l’usage et la durabilité des collections se renouvelle et se régénère. Il faut pour cela que les vêtements soient contemporains, et évoluent avec les attentes des femmes dans les différents moments de leur journée. On sait que la mode se répète, mais elle se modernise aussi. On observe une évolution des modes de vie, et entre générations, les clivages s’amenuisent. Mère et fille, on peut piocher des pièces, l’une dans le vestiaire de l’autre. La sophistication transcende les saisons. C’est positif, autant pour les parents que pour les jeunes. À l’atelier aussi, l’expérience des uns soutient les autres dans leur évolution. Le relationnel se diversifie, on a des amis de tous âges, et vestimentairement, le décloisonnement suit le même mouvement. Le vêtement nous aide à nous sentir plus accessible, si les circonstances nous y invitent. Cependant, je pense qu’on n’est jamais trop habillé. Le soin que l’on se porte, la posture, le langage, l’élégance du regard que l’on porte sur soi façonnent la personnalité."
Le luxe dans la durabilité
Produisant à la pièce et à la main, la maison s’applique également à opérer une rationalisation par la réutilisation de tissus : "On ne produit et on ne teint que les matières dont on a vraiment besoin, en conservant les bases qui ne seront pas utilisées dans l’immédiat pour une autre attribution, d’autres finitions. Les matières premières deviennent plus chères, alors on innove, on équilibre, on cherche les meilleures options. En toute chose, on respecte l’origine belge ou européenne des matériaux, par exemple pour le coton traité, craquant comme du papier." Pour la collection Couture printemps-été 2022 qui a défilé à Bruxelles un peu plus tôt, la maison Natan a composé une explosion de couleurs, des lignes vaporeuses et structurées, elle a valorisé la démesure de volumes extrapolés. Par des effets de plumes, les dégradés de couleurs produisent un effet imprimé. En portant évidemment attention à ce que les pièces montrées soient portables : "C’est aussi ça, l’éthique de production." Les silhouettes cultivent la longueur, mais aussi du très court, "à porter éventuellement avec un pantalon". L’architecture des robes insuffle du mouvement dans l’allure. Édouard Vermeulen rappelle que lorsque l’on essaie des vêtements devant le miroir, il est important de bouger, de marcher : "La posture statique n’est pas représentative en regard de l’importance du mouvement d’un vêtement." La collection déroule une gamme de couleurs vitaminées, optimistes, interprétées en pièces durables, pour ne pas être tentés d’emboîter le pas à la surconsommation. Transposer une allure intemporelle à toutes les situations ouvre également le champ de la tendance à l’écoconscience.