Quand trois actrices belges se livrent au jeu du shooting mode pour Maison Natan
Photographie : Zeb Daemen
Production et stylisme : Lieve Gerrits
Maquillage : Vera Dierckx avec Dior
Assistante Maquillage : Anaïs Wagner
Assistant photographie : Louis Kerckhof
Coiffure : Ed Moelands pour Alex & Ed Studio avec R+Co.
Total look : Natan
Bérangère McNeese
À 32 ans, cette Bruxelloise belgo-américaine affiche déjà une carrière bien remplie. Elle a joué dans ses premières publicités lorsqu’elle était enfant, prenait en même temps des cours de théâtre, et a été repérée par des directeurs de casting. Le hasard n’y est pour rien : toute jeune, elle leur envoyait des courriers pour manifester toute sa motivation. Elle s’est installée à Paris à tout juste 18 ans pour y suivre des études de journalisme (elle a d’ailleurs effectué un stage chez nos consœurs du ELLE Belgique). Elle a obtenu son master, alors même qu’elle était très consciente que ces études constituaient surtout une occupation, et non une vocation. En revanche, elle s’est parallèlement impliquée dans des cours de théâtre, est passée par le Cours Florent, a couru les conservatoires d’arrondissements. Mais Bérangère avait du mal à concilier la liberté nécessaire au jeu à la rigueur d’un cadre figé. Après quelques petits rôles dans des longs métrages, en 2012, elle plonge dans les braises du métier, avec le rôle de la fille de Dany Boon dans Le volcan.
Elle a participé à de nombreuses productions, mais voulait raconter des histoires de femmes qui lui ressemblent. C’est ainsi qu’elle a autoproduit deux premiers films courts, joué dans l’un d’eux, reçu le Magritte du meilleur court métrage en 2020. À peine trentenaire, elle anticipe déjà le futur de sa carrière : "Pour une actrice, le temps qui passe est souvent pénalisant." Autodidacte, avec le sentiment d’illégitimité qui colle souvent au rôle, elle travaille en permanence sur sa confiance. Actuellement, on peut la voir dans la série HPI sur TF1 et la RTBF, dans Braqueurs sur Netflix, bientôt dans les prochaines productions de Pascal Elbé, François Pirot (aux côtés de Jérémie Renier), et Giovanni Aloi (avec Leila Bekhti et Anthony Bajon). Ceci, tout en développant un long métrage, en cours d’écriture. "Lors du premier confinement, le fait que tout le monde soit à l’arrêt m’a permis de m’apaiser. J’ai pu m’investir dans l’écriture. Puis au second, tout s’est emballé, j’ai été sollicitée comme jamais." À courir d’un projet, d’une vie et d’une ville à l’autre (elle navigue entre Paris et Bruxelles, entre Montmartre et la gare du Midi), comment se ressource-t-elle ? "Auprès des autres, mais j’ai aussi besoin de ma solitude. Je me nourris de mes voyages, je me reconnecte à moi-même quand je rends visite à ma grand-mère aux États-Unis. Et puis, je marche, de la musique dans les oreilles. C’est la bande originale de la vie qui nuance mes pensées et qui me plonge dans mes émotions, mon drama personnel. Ces moments cathartiques de réflexion, j’ai besoin de les vivre seule."
Le cinéma et la mode s’accordent toujours très bien pour raconter des histoires, et Bérangère connaît bien la Maison Natan, qui l’a habillée pour une remise de prix aux Magritte. Elle dit de ce shooting : "J’ai aimé investir cette forme de rôle, en essayant de ne pas trop me regarder, et de ne pas être trop dure avec moi-même. Ça s’apparente à un jeu enfantin. La mode éveille ma curiosité, et je suis très consciente du potentiel de narration d’un personnage par le costume. Les vêtements dans un film, c’est toute une partie de la dramaturgie qui se joue d’elle-même. Mais au quotidien, je suis plutôt pratique, jean-basket-Thalys ! Quand j’investis dans une pièce de mode, c’est pour qu’elle traduise mon indépendance, qu’elle projette une personnalité forte et assurée. Toute ma vie, j’ai choisi des tenues qui ne me définissaient pas trop, pour rester comme une toile neutre à la composition d’un personnage. Je porte beaucoup de noir, qui laisse place à la projection, de l’écran à la chambre noire. Mon dernier achat, ce sont des bottes Chloé de seconde main. Le vintage est pour moi un véritable postulat, et pas seulement en matière de vêtements. J’aime que les objets aient eu plusieurs vies avant la mienne. Ça enrichit mon quotidien. Les pièces qui voyagent à travers le temps et qui arrivent jusqu’à maintenant, ne peuvent pas être une erreur."
Sophie Maréchal
Sa vie a démarré comme un film, elle qui a failli naître sur une brocante. Bruxelloise, elle est diplômée de l’INSAS en interprétation dramatique. Le feu sacré qui l’a menée au cinéma ? Dans son cas, il a été attisé par un coup de vent, parce qu’elle le lie au hasard : c’est en accompagnant une amie à un casting alors qu’elle avait tout juste 15 ans, qu’elle s’est vu confier son premier rôle. D’interprétations en personnages, de courts métrages en séries jusqu’aux longs métrages, et notamment un rôle dans le nouveau film de Benoît Mariage Saint Habib, elle glisse de l’autre côté de la caméra, prépare son premier court à elle. On peut la voir dans Engrenages, et elle interprète Zoé Fisher dans La Trêve diffusée sur Netflix, la RTBF, Canal+ et France 2. Sophie construit sa carrière par vagues successives : "Je me laisse prendre, et si ça s’arrête, ça s’arrête. Mais le cinéma, c’est ma maison." Elle a pris des cours de scénario, et après dix ans de plateau, elle monte son premier projet personnel. "La réalisation, c’est la suite logique. J’aime être au service des œuvres, mais aussi raconter des histoires. Je n’ai pas envie de jouer dans mon premier film, pour pouvoir me concentrer complètement sur la mise en scène." Elle tournera donc en octobre à Bruxelles et en Côtes-d’Armor l’histoire d’une working girl hyperactive, super connectée, complètement déconnectée d’elle-même et de ses sentiments. Un film ancré dans les préoccupations de l’époque, avec une dimension onirique et poétique : "L’un des personnages est un ballon d’hélium qui relie deux personnes."
La réalisatrice elle-même est très active, et pour préserver son énergie créative, elle médite beaucoup. La question qui se pose à son héroïne est celle d’une génération tout entière : comment rester aligné quand on est tout le temps en ligne ? Sophie est présente sur les réseaux sociaux pour des raisons professionnelles, mais elle les tient à distance raisonnable. "Sur Instagram, l’image retravaillée, qui doit tout dire sans mot, ça m’interpelle. Comment le monde a-t-il filtré la représentation de la société, avec des cadrages pensés et des images retouchées ?" Alors la mode, domaine de peau et de toucher, lui a semblé une expérience intéressante lorsqu’on lui a proposé de participer à cette journée de shooting pour la Maison Natan : "De façon générale, je m’intéresse peu à la mode, mais je sais qu’elle possède sa culture, et je sens que je devrais me pencher un jour sur le sujet. Notamment sur la question de comprendre ce que notre garde-robe dit de nous-mêmes. Pour des soirées et des événements par exemple, je peux y aller fort sur les paillettes et les plumes, j’aime les tenues spectaculaires. Mais pour le quotidien, je vise le confort : jean, baskets, simplicité. Je préfère l’uni, je ne vais pas trop vers les motifs. Et quand je mets de l’argent dans de belles pièces, c’est de la lingerie." Sophie plonge les racines de sa culture de l’esthétique dans son enfance auprès d’une mère antiquaire et comédienne, et d’un père compositeur de musique de film. "J’ai beaucoup voyagé, visité des musées. Mes parents m’ont transmis le goût du beau, des belles matières. Je sais distinguer les bois des meubles, la qualité des marbres. Bien sûr, on allait beaucoup au cinéma. Ça a forgé mon intérêt pour cette discipline. Plus on est curieux, plus la passion s’aiguise." La jeune femme envisage un jour, dans l’un de ses films, d’intégrer son attrait pour les meubles anciens. "Mais pas dans celui-ci, dont le décor sera conçu en design minimaliste". Sophie sait se distancier de sa propre image : "J’aime me mettre au service d’un rôle, ou comme aujourd’hui, d’un créateur. Je regarde l’ensemble du projet, comme sur un plateau. Pour ne pas être malheureux, c’est un atout que de savoir se mettre au service, relativiser, et réaliser qu’on ne peut pas tout porter tout seul." Une recette universelle, dans son métier comme dans tant d’autres : viser la finalité, sans ego mal placé.
Lauren Versnick
À seulement 27 ans, actrice et productrice, elle travaille (court toute la journée) sur le tournage de Billie Vs Benjamin, une série VTM. Gantoise installée à Anvers, cette infatigable bosseuse a débuté dans le mannequinat à 16 ans ("un peu par hasard") avant d’enchaîner avec un master en économie. Mais au seuil de se lancer dans la vie professionnelle, la jeune femme, pratique et déterminée, a voulu se consacrer pour un an à sa carrière de mannequin. Du coin de l’œil, elle observait les métiers de la télévision, dont sa mère, Lynn Wesenbeek, avait été un pilier dès le lancement de VTM en Flandre. "Ce milieu m’a toujours fascinée. J’adore regarder la manière dont tous les éléments s’organisent ensemble. Au moment où j’ai décidé de me concentrer sur le mannequinat, la société de production Shelter constituait son équipe pour la série 'Studio Tarara', à propos des premières années de VTM. Puisque ma mère en avait été l’un des premiers visages – elle était présentatrice –, ils m’ont contactée. Elle apparaît d’ailleurs en photo dans les décors." Paradoxalement, Lauren n’interprète pas le rôle de Lynn. "Je n’avais jamais joué dans un film, mais je connaissais l’ambiance des castings. Je n’en attendais rien, et j’ai été choisie. Ça a été une expérience extraordinaire, j’étais entourée de talents confirmés que je respecte beaucoup. Ils ont été adorables, ils m’ont aidée et soutenue." Parallèlement, Lauren a été acceptée comme élève à l’American Academy of Dramatic Arts à New York. En raison du contexte Covid, elle n’a pu s’y rendre. "Ça a été difficile bien sûr, parce que j’étais passée par un long processus de sélection. Mais ça se fera. Un peu plus tard."
À côté de "Studio Tarara", la société Shelter tournait aussi Did you get the message ?, une émission feel good, qui a reçu un Emmy Award à New York. L’un des producteurs s’est trouvé indisponible, et puisque Lauren faisait preuve d’un remarquable esprit d’organisation sur le premier plateau – elle contribuait également à titre d’assistante de production –, Shelter lui a proposé de continuer de jouer dans la première série, et de produire la seconde. Les projets se sont rapidement enchaînés, la jeune femme n’a plus jamais arrêté. D’autant qu’elle a rencontré son petit ami, Jens Dendoncker, sur le tournage du talk-show dont il est le présentateur.
Lauren travaille tout le temps, le jour, la nuit, elle règle des problèmes, elle trouve des plongeurs pour un tournage le lendemain à l’aube. Actuellement, elle produit une nouvelle série de fiction. Avec succès, elle combine le mannequinat, le jeu d’actrice et la production. Ce matin sur le shooting de Natan, elle se repose presque, n’ayant à jouer qu’une de ses cartes. "Je connais bien la Maison, très appréciée et respectée." Elle est heureuse, aussi, de rencontrer de nouvelles personnes : "Pendant le confinement, nous avons tourné une série de vidéos humoristiques avec mon compagnon, des sketches produits avec les moyens du bord, qu’on a diffusés sur Instagram. La fin de l’année 2020 a été plus difficile, on faisait face à beaucoup d’incertitudes, ça devenait compliqué de rester positif et de développer des perspectives. On avait aussi du mal avec la solitude imposée par les bulles réduites. C’est pour ça que j’étais tellement contente de reprendre la production au mois de mars. Même avec des masques, et à faire régulièrement des tests, c’est formidable de revoir des gens." Dans le futur, Lauren voudrait continuer à tout combiner : "J’aime la liberté physique de jouer, tout comme le niveau de stress différent qu’implique la production, avec des responsabilités particulières. Le regard qu’on pose sur le décor est différent, quand on connaît le travail qu’il y a derrière chaque détail." Idéalement, la jeune femme aimerait poursuivre sa carrière en Belgique, "où il y a de grands talents, des professionnels chevronnés, et beaucoup d’opportunités."