Les 40 petites anecdotes qui font la grande histoire de Natan
C’est une réussite rare, pour une maison de couture indépendante. Depuis 1983, Natan évolue avec son temps, habille les personnalités des cours européennes comme les adeptes d’une mode intemporelle, adaptable, impeccable. Édouard Vermeulen, que tout le monde appelle "Monsieur" dans la maison, l’anime comme une famille. En 40 souvenirs émouvants, drôles ou étonnants, celles et ceux qui la portent avec passion racontent ces petits événements qui font une vie.
Mircea "Micky" Smolean
Chef d'atelier, responsable de production et de collection, chez Natan depuis vingt-sept ans
"Monsieur Vermeulen m’a un jour confié la mission d’habiller le prince Philippe. Je n'en ai pas dormi de la nuit. Je ne savais pas comment m'adresser au Prince. Dans les films, on entend “altesse”, “majesté”, mais j'ignorais quel était le protocole correct. J'ai demandé conseil à Monsieur, qui m'a expliqué qu'il fallait s'adresser à lui en l'appelant “Monseigneur”. Quand je lui ai été présenté, je tremblais. Trois semaines plus tard, nous nous sommes rendus ensemble au Palais, pour l'essayage. Le prince Philippe m'a serré la main et salué par mon prénom. Je n'en revenais pas. En sortant, j'ai tout de suite appelé ma mère! Je suis tailleur depuis mes 14 ans, par passion pour ce métier. Il m'apporte beaucoup d'émotions, avec des moments simples, mais importants."
Pieterjan Van Biesen
Responsable du marketing, depuis huit ans dans la maison
"L'un de mes premiers projets en tant que responsable marketing portait sur l’organisation d'un défilé à Amsterdam pendant la Fashion Week. J'étais très enthousiaste et, dans mon innocence, je pensais que tout serait facile: il suffirait d’engager une quarantaine de mannequins, de les habiller avec la nouvelle collection, et c'était parti! Heureusement que j'avais une équipe très solide derrière moi, parce que dans les faits, un show, c'est un énorme marathon extrêmement exigeant.
Récemment, une influenceuse a renversé un bloody mary sur une robe à 12 000 €. Nous l'avons découvert dans sa story, posté sur les réseaux sociaux, comme un aveu un peu gêné. Mais notre nettoyage à sec a fait des miracles. À l'avenir, les influenceurs, on leur servira de l'eau pétillante !" (Rires.)
Laetitia Essikov
Production manager Couture, dans la maison depuis dix-sept ans
"Pour les 30 ans de la maison, nous avons dû habiller la Schtroumpfette, alors que nous sommes plutôt habitués aux femmes élégantes et aux princesses. Il a fallu rembourrer sa robe, adapter les coupes à ses proportions (elle mesurait plus de 2 m!), elle avait des jambes un peu compliquées, une très grosse tête et, en plus, c'est une cheffe de produit aux mesures parfaites qui servait de mannequin. Passer d'une robe de la Reine à celle de la Schtroumpfette, dans un studio de création, ça met l'ambiance !"
Nathalie Gabay, photographe
Réalise les campagnes de Natan depuis dix ans
"J'étais à un moment de transition personnelle et professionnelle. J'avais déjà une longue expérience dans la mode, mais je débutais dans la photo. Je me suis présentée à Gloria, stressée et pas encore très sûre de moi. Elle m'a souligné qu'en réalité, je savais tout faire, et elle m'a confié mon premier shooting mode. C’est Natan qui m'a offert ma première opportunité dans cette nouvelle carrière."
Elke Binnemans
Make-up artist Sisley, travaille avec la maison depuis quinze ans
"La veille du défilé couture, nous avons shooté la campagne en extérieur, dans les rues de Paris. Les mannequins étaient en robes et en chaussons d'hôtel. On ne leur enfilait les escarpins qu'au moment de la photo, pour économiser les chaussures et les pieds des filles. Il fallait voir cette promenade de mannequins en tenues couture et en pantoufles !"
Jean-Philippe Beaupied
Coiffeur, directeur de Premier Studio dont les équipes collaborent régulièrement aux défilés de Natan depuis dix ans
"Contrairement aux clichés répandus sur les ambiances en coulisses où la tension monte crescendo, quand nous travaillons avec Natan, tout est organisé selon un rétroplanning millimétré. Tout le monde arrive à l'heure, sait ce qu'il doit faire. Monsieur Vermeulen est confiant, concentré, calme. Et quand il a fallu un jour qu'on doive refaire les coiffures au dernier moment parce que le décor, un mur végétal arrosé par nébulisation, faisait frisotter les mannequins, tout s'est passé dans le calme. Nous les avons recoiffées l’une après l’autre, sans qu'il n’y ait d'énervement d'aucune part. C'est relativement atypique, cette atmosphère sans stress, et c’est quand même beaucoup plus agréable pour tout le monde !"
Gloria Barudy-Vasquez
Directrice générale de Natan, dans la maison depuis dix-huit ans
"En 2020, nous cherchions un espace pour ouvrir une boutique à Paris, mais aussi quelqu'un pour la gérer. Nous devions prendre une décision rapide parce que ce local n’allait pas rester longtemps sur le marché, mais à ce moment-là, j'étais en vacances. Il se fait que ma sœur Tania vit à Paris, où elle dirigeait déjà une entreprise. Monsieur m'a appelée, pour me dire: “Je signe, à la condition que Tania supervise l'ouverture.” Il avait de bons arguments: “Elle a eu la même éducation que vous et, comme vous êtes jumelles, j'en aurai eu une dans chaque capitale.” Elle est aujourd’hui managing director, elle gère la boutique de la rue des Saints-Pères et différents projets comme le corner du Bon Marché."
Loïc Nottet
Collabore avec la maison depuis deux ans
"J'étais un peu stressé à la perspective du concert live prévu pour le défilé couture à Paris. C'était la première fois que je me livrais à ce type d'exercice et j’avais l’impression de tenir quarante ans de responsabilités entre mes mains: la musique devait parfaitement accompagner l'atmosphère de ce moment symbolique. Mais cette maison, pour être luxueuse et élégante, est aussi humaine et décontractée. Consciencieuse, mais pas prétentieuse. Je me suis vite glissé dans le rôle. Nous avions répété, préparé les transitions entre les chansons pour composer une bande-son en continu, je l'avais orchestrée et produite en studio, et ça s'est passé comme sur du velours.
J'étais très intimidé la première fois que j'ai rencontré Édouard Vermeulen, mais au fil de nos rendez-vous, j'ai réalisé que je me reconnaissais dans sa personnalité. À la fin du défilé, je l'ai remercié de m'avoir permis de vivre cette expérience. Je lui ai dit que je nous trouvais des ressemblances et il m'a à son tour partagé une reconnaissance qui m'a beaucoup touché."
Marie-Charlotte Vermeulen
Styliste mode et accessoires
"Quand Édouard a présenté son premier défilé, toute la famille a voulu lui faire une surprise, parce que ça tombait le jour de son anniversaire. Ils ont fait monter mon frère Charles-Henri, 3 ans, sur le podium, avec un grand (faux) gâteau de Wittamer. J'ai toujours gardé avec moi la photo de mon oncle le serrant dans ses bras. C'est une image magnifique, prise dans le demi-jour de la fin du défilé. Un moment très émouvant, d'autant qu'Édouard ne savait pas à quoi s'attendre quand il a vu se profiler une petite silhouette dans la pénombre.
C'était pendant la préparation du défilé automne-hiver 2022. Nous étions en plein fitting, c'était le soir, nous étions tous fatigués et nous avons été pris d'un fou rire d'épuisement. En cherchant une idée pour améliorer deux silhouettes, quelqu'un a dit: “Mais quoi, on va finir par mettre les tissus sur nos têtes?” Et c'est ce que nous avons fait, avec les échantillons qui étaient posés là. De ce délire de relâchement nerveux sont nées deux capuches, qui ont été le point d'orgue du final de ce défilé."
Guillaume Joveneau
Consultant créatif pour événements et défilés, collabore avec Natan depuis vingt-cinq ans
"Les premiers défilés de la maison ont eu lieu dans les années 90, une fois par an. Les salons de l'avenue Louise étaient mobilisés pour accueillir, pendant deux, trois jours et à raison de trois défilés quotidiens, clientes et journalistes. Nous installions des structures d'éclairage et des chaises de théâtre dans les salons. Nous transformions les bureaux en cabine, en loge, en régie. Toute la maison participait à l'aventure. Natan était vraiment en ébullition. C'était intense. Les mannequins présentaient trois ou quatre looks et nous travaillions avec les tops belges de l’époque: Fundji, Ambre Frisque, Anouk Sterck, Sophie Herkenne, Carine Soquet... C'était artisanal. Frais. Et ce sont de merveilleux souvenirs. En 2013, pour le premier défilé à Paris célébrant les 30 ans de la maison, nous avons presque tout apporté de Bruxelles. Leila Nda, la star de l'époque, a ouvert le show. En juillet dernier, pour le deuxième défilé parisien, nous avons retrouvé les sensations de 2013. Et préparé celles des années à venir."
Édouard Vermeulen
Dans la maison depuis… quarante ans
"Il y a trente-cinq ans, je regardais distraitement par la vitrine du magasin, lorsque j'ai vu passer une Mercedes 600, le modèle Pullman, que j'ai cru reconnaître: il me semblait que c'était celle du roi Baudouin. Au début, je n'y croyais pas. Mais la voiture s'est garée, la reine Fabiola en est sortie. Elle souhaitait découvrir nos collections. C'était mon premier contact avec la famille royale et je ne savais pas encore que débutait une longue histoire de confiance et de fidélité.
C'était au moment où nous attendions de savoir quelle maison le Palais avait choisie pour réaliser la robe de mariée de la princesse Mathilde. J'étais dans le Thalys, lorsque j'ai reçu un appel: c'était le secrétariat de la reine Paola. Je suis vite allé dans couloir, en priant pour que la communication ne soit pas interrompue. À peine le coup de fil terminé, le réseau s'est arrêté de fonctionner. Et j'ai remercié, remercié. Au sens spirituel du terme, j'ai ressenti une émotion tournée vers le ciel.
À la fin du défilé de 40 ans, en juillet dernier, je me suis avancé sur le catwalk pour saluer et je me suis senti chaleureusement entouré par tous ces gens qui me souriaient et rendaient hommage à la maison. Autour de moi en coulisses, toute l'équipe, que je remercie, était aux anges. Je m'en suis trouvé extrêmement heureux, comme déconnecté de la réalité, sur un nuage. Je suis parti marcher seul dans les rues de Paris, pour savourer ce moment de bonheur. D'autant que cet anniversaire était aussi l'occasion de me demander: 'Et après ?'"
