Maison Natan : on vous dévoile les coulisses d'un shooting couture
Pour les pages glacées des magazines, pour les réseaux sociaux, pour les vitrines, les grandes maisons de couture distillent, chaque saison, l’essence de leur nouvel univers à travers des images minutieusement élaborées. Depuis 8h30 ce matin, une équipe d’une dizaine de personnes s’affaire dans le calme au cœur de la boutique historique du 158 avenue Louise à Bruxelles. Dehors, une tempête de vent se lève, fait craquer les branches, déshabille les parapluies. Mais l’orage reste dehors : dans les salons ouatés aménagés pour la journée en studio photo, la concentration est sereine sous les boiseries de l’ancien hôtel de maître. Deux mannequins évoluent à pas lents sur le profond tapis blanc, tandis qu’Édouard Vermeulen, fondateur de la maison, que tous appellent "Monsieur", vérifie les derniers clichés sur le combo placé derrière les projecteurs.
Pour réaliser les images de la prochaine campagne, la photographe, Nathalie Gabay – qui a longtemps travaillé dans la mode, côté business – est accompagnée d’un assistant et d’un photographe de plateau qui se concentre sur l’ambiance backstage pour saisir la spontanéité des clichés hors cadre. Dans sa robe à traîne rose sang, l’une des jeunes filles attend son tour pour se placer dans la lumière.
Une ambiance légère, à l’image de la collection
Loin de l’hystérie des clichés de shooting de mode, ici, l’énergie est paisible et concentrée, quasi silencieuse, ne serait-ce le cliquetis des appareils photo et le souffle bref des flashs. Inutile de s’agiter : en amont du shooting, cinq couturières de l’atelier ont travaillé tout exprès sur les soixante silhouettes pendant deux semaines, en collaboration avec une équipe de trois artisans responsables de la production couture.
La réflexion autour de cette collection avait commencé deux mois auparavant, à l’occasion du défilé VIP-Fortis de la maison. Gloria Barudy Vasquez, directrice générale de la maison Natan, vérifie les plus petits détails. Chaque photo sera le fruit d’une cocréation. Entre deux prises, Sofie Van Bouwel, la maquilleuse, retouche le teint des jeunes filles, tandis que Marc-Philippe Coudeyre, créateur couture sous la direction artistique d’Édouard Vermeulen, propose de lui passer de longues boucles d’oreilles pendantes en résine. Avec "Monsieur", ils observent, réfléchissent à l’équilibre de la silhouette. Édouard Vermeulen tranche : "C’est beau, ça fait podium." La proposition est validée, le mannequin troque ses chaussons contre des escarpins. On peut passer à la photo.
Un casting en adéquation avec l’esprit de la maison
Noor Chaltin, la Belge, et Djura Siebenga, la Néerlandaise, incarneront pour le printemps-été une féminité jeune et saine. Les jeunes filles, au joli minois de poupées amazones, ont été sélectionnées pour leur allure moderne et représentative d’un dynamisme urbain. Pour Édouard Vermeulen, "les vêtements doivent être contemporains, tout comme les personnalités qui les incarnent. Noor et Djura présentent des physiques qui offrent une belle harmonie, photographiés ensemble." Mika Bassanelli, hair artist pour Premier Studio, a réalisé sur elles une coiffure naturelle et Sofie Van Bouwel, un maquillage diaphane. "Nous avons adapté les pièces les plus fortes de la collection au message amplifié pour le shooting : les longueurs sont exacerbées, les contrastes plus marqués et les matières légères, comme la paille et le raphia, sont éclairées en transparence pour composer une image emblématique." Pour conclure les prises de vue, ce soir, les couturières rejoindront l’équipe de création et les mannequins. Dans un cadre serein, sans stress et sans extrêmes. Pour autant, chacun garde le timing à l’œil.
Une équipe dans les starting-blocks
Le shooting a été minutieusement programmé en amont et chaque look ne nécessitera qu’une quinzaine de minutes pour être dans la boîte. Tamina El-Hahjoubi, vingt-sept ans de maison, est en charge des retouches du prêt-à-porter. Pour le shooting qui a lieu quelques étages plus bas, elle travaille depuis deux semaines, après chaque fitting des deux mannequins : "On ajuste, on réorganise le planning habituel pour pouvoir préparer les pièces de la campagne, tout en assurant les tâches courantes. On doit souvent opérer des retouches en dernière minute, revoir et adapter les accessoires, parfois la veille." De perfectionnisme en finitions, les couturières ont terminé le matin même du shooting, tandis que les cabas de plage oversized, nouveaux accessoires estivaux, ont été finalisés quelques heures avant que ne soit pris le premier cliché. De ces préparatifs, Tamina reste marquée par le feuillage de soie découpé au laser, une première pour la maison : "Elles sont arrivées emballées dans du papier de soie, pour nous tous, c’était une découverte. Il a fallu les séparer à nouveau, une feuille après l’autre, puis Monsieur les a placées sur une silhouette. Nous étions toutes autour, pour les fixer au fur et à mesure."
La modernité assumée
Chez Natan, le prêt-à-porter représente 75% de l’activité, la couture, 25%. Aujourd’hui, on shootera jusqu’au soir la soixantaine de looks soigneusement alignés sur des portants, à l’étage. Au cours des mois qui viennent, ces photos alimenteront notamment les réseaux sociaux, sous la curation de Pieterjan Van Biesen, directeur marketing et responsable des boutiques. C’est important pour séduire les internautes, puisque la maison n’a pas encore d’e-shop élaboré. Édouard Vermeulen est conscient qu’une cliente d’un certain âge demande souvent conseil à sa fille, voire à sa petite-fille, puis exprime ses propres désirs sur son smartphone. Si l’image de la maison Natan reste encore associée à un certain classicisme, il faut aller aux devants des nouvelles collections pour en découvrir le style pointu. Le studio Natan a mené des recherches approfondies sur les couleurs, exploré le développement d’une gamme de tons italiens pour obtenir des nuances qui exaltent le grain de peau. Un bleu minéral, un ocre de Sienne, un écru sable, un vieux rose, la terracotta et des tons éclatants : corail, bleu ciel, émeraude. Une nouvelle saison solaire, qui commence dans la concentration et l’élégance d’une boutique fermée pour cause de shooting, par une belle journée d’hiver.
Crédits :
Djura Siebenga, Model @Ulla Models
Noor Chaltin, Model @Dominique Models
Sofie Van bouwel, Make up & Hair artist @Touch by Dominique
Mika Bassanelli, Hair artist @Premier Studio
Nathalie Gabay, Photographer
Christian Jimenez, Assitant Photographer
Mathieu Ridelle, Backstage Photographer