Pourquoi il faut absolument voir la Collection Morozov à la Fondation Louis Vuitton ?
Voyageant pour la première fois hors de Russie, la line up est étourdissante : Manet, Lautrec, Rodin, Monet, Renoir, Pissarro, Gauguin, Sisley, Cézanne, Van Gogh, Bonnard, Denis, Maillol, Matisse, Marquet, Vlaminck, Derain, Picasso, frayant aux côtés de Malévitch, Répine, Vroubel, Outkine, Korovine, Golovine, Sérov, Larionov, Gontcharova, Machkov, Kontchalovski, Sarian ou encore Konenkov. En tout, 47 artistes mythiques, soit 200 chefs-d’œuvre de la collection d’art moderne français et russe des frères Morozov.
La rencontre de l’architecture et de la peinture
Inauguré en 2014, le bâtiment vaisseau signé par Frank Gehry accueillera dans toutes ses salles cette exposition historique conçue par Anne Baldassari, commissaire générale. On y (re)découvre le basculement d’une forme naissante d’art, le pivot vers l’ère contemporaine. Second volet du thème "Icônes de l’art moderne" élaboré par la Fondation Louis Vuitton en partenariat avec le musée d’État de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, le musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine et la galerie nationale Tretiakov de Moscou, la Collection Morozov déroule ses pointillés édifiants pour qui décode l’histoire en filigrane de l’humanité émouvante dans les sujets immortalisés, à la suite de la Collection Chtchoukine, qui avait déplacé pour les émerveiller 1,3 million de visiteurs.
Hommage à ces pionniers, mécènes et collectionneurs avisés
Les frères Morozov ont consacré leur soutien passionné à l’art contemporain européen et russe de la fin du XIXe siècle au début du XXe, contribuant considérablement à la reconnaissance internationale des peintres modernes français. Ils réunirent plus de 250 peintures et sculptures emblématiques de Cézanne, Picasso, Gauguin, Matisse, Van Gogh, Renoir, Monet, Marquet ou Derain, des bronzes de Rodin, Claudel et Maillol, des ensembles décoratifs monumentaux de Bonnard et Denis. Sans oublier les quelques 400 tableaux modernes de l’école russe, emblématiques des artistes des mouvements réaliste – des "ambulants" –, symboliste, impressionniste et postimpressionniste, à l’instar de Outkine, Vroubel, Korovine, ou Konenkov. Ces collections, nationalisées en 1918, ont donné naissance au musée national d’Art moderne occidental – GMNZI dans l’hôtel particulier d’Ivan Morozov à Moscou en 1923, premier musée d’art moderne au monde.
L’histoire des hommes et l’histoire de l’art
À partir des années 1930 et jusqu’en 1948, leurs collections ont été progressivement réparties entre les institutions publiques muséales russes du musée de l'Ermitage, du musée Pouchkine et de la galerie Tretiakov. Bernard Arnault, président de LVMH et de la Fondation Louis Vuitton, rappelle que Mikhaïl et Ivan Morozov "réunirent près de 300 peintures et sculptures des maîtres de l’école française contemporaine. Malheureusement, leurs collections connurent après la Première Guerre mondiale et la révolution d’Octobre le même sort que celle de Sergueï Chtchoukine. Elles furent saisies, nationalisées puis dispersées à partir de 1918 par le régime bolchevique. Alors qu’elles manquaient de disparaître, à partir des années 1930, elles rejoignirent les fonds du musée de l’Ermitage, du musée des Beaux-Arts Pouchkine et de la galerie Tretiakov".
Art et luxe liés
LVMH s’était déjà activement engagé dans l’organisation de l’exposition Morozov qui a eu lieu en juin 2019 à Saint-Pétersbourg, en apportant son mécénat au musée de l’Ermitage. Le groupe a également accordé son plein soutien au projet patrimonial du musée de l’Ermitage visant à reconstituer, dans le parcours de ses collections permanentes, le "Salon de musique" de l’hôtel particulier d’Ivan Morozov. Selon Anne Baldassari, conservatrice générale du Patrimoine et commissaire générale de l’exposition, "l’achèvement des décorations du Salon de musique et de l’escalier d’honneur confère dès 1912 à ses galeries de peinture le caractère d’un accomplissement. Simultanément, la revue Apollon consacre un numéro spécial à sa collection avec un catalogue rédigé en russe et en français et une soixantaine d’illustrations. Ivan Morozov va continuer d’enrichir sa collection jusqu’en 1914 et parmi ses derniers achats, on compte des bronzes de Camille Claudel." Constitué d’un ensemble décoratif monumental composé de sept panneaux commandés par Ivan Morozov en 1907 à Maurice Denis sur le thème de l’histoire de Psyché (1908-1909), et de quatre sculptures créées par Aristide Maillol, il sera présenté pour la première et seule fois hors du musée de l’Ermitage, pour conclure le parcours de présentation des œuvres Morozov.
Pour rapporter un peu de ces œuvres chez soi, le catalogue "La Collection Morozov – Icônes de l’art moderne", publication scientifique de 520 pages, fruit de l’exploration des considérables fonds d’archives inédits des frères Morozov conservés au musée Pouchkine et à la galerie Tretiakov, réunit des textes et documents jamais révélés à ce jour, témoignant de la singulière histoire de la famille, coédité par la Fondation Louis Vuitton et les Éditions Gallimard.