"D’argent et de sang" : pourquoi il faut voir cette mini-série avec Vincent Lindon

Il y a plusieurs façons de résumer l’intrigue de cette mini-série, qui sera diffusée en deux parties : une première salve cet automne, et la seconde l’année prochaine. On pourrait renvoyer à son titre, puisque c’est précisément de cela qu’il s’agit, d’une histoire d’argent et de sang (Interpréter le titre en revenant à la rhétorique latine offre une perspective morale, en postulant qu'il est précisément question d'un traité, ludique, sur l'argent et le sang.) On pourrait aussi, tenter, de démêler cette intrigue aussi invraisemblable qu’ancrée dans la réalité. L’excellent documentaire Les rois de l’arnaque (disponible sur Netflix) revenait sur les montages financiers qui ont permis à ces protagonistes de détourner un peu plus de 280 millions d’euros, entre 2008 et 2009, en profitant des régulations sur l’achat des quotas d’émissions de CO2 hors taxe à l’étranger, pour ensuite les revendre à la France, avec la TVA, évaporée dans des sociétés écrans…

L’excellente idée de cette déclinaison (adaptée de l'enquête du journaliste Fabrice Arfi) à l’ampleur romanesque vertigineuse tient à  la décision de confier le déroulement de la trame à un récitant, si l’on peut dire, tant quelque chose de l’ordre la tragédie grecque est ici à l’œuvre. C’est la voix de l’inspecteur des douanes, Simon Weynachter (interprété par Vincent Lindon, qui tient à merveille une tonalité entre rage sourde et désarroi intime), confronté à un écheveau d’arnaques déroutantes d’ingéniosité, qui nous guide dans cet univers. L’on reconnaît sans peine les personnages - au sens plein, tant ils ont façonné eux-mêmes leurs personnalités - du documentaire derrière les visages de Jérôme Attias (Niels Schneider, exceptionnel d’intensité, tout en nuances séductrices) et d’Alain Fitoussi (Ramzy Bedia, en mode Red Bull, parfait) à la manœuvre. Que l’on soit familiers, ou non, des tenants rocambolesques de "l’arnaque du siècle", impossible de ne pas être emporté par l’énergie du récit, ce tourbillon insensé, en harmonie avec la voracité de ses héros (pour les qualifier tels qu’ils se voient). La délicatesse avec lequel il esquisse des figures plus secondaires ajoute une profondeur sensible à la démarche de Xavier Giannoli. Ainsi, celle de la femme de Jérôme Attias, Annabelle, est particulièrement touchante, et doit beaucoup à une fantastique actrice (et merveilleuse chanteuse aussi), Judith Chemla. Même dans la marge de ces cavalcades guidées par la cupidité, elle apporte une fragilité terriblement émouvante. 

Une mini-série en douze épisodes de Xavier Giannoli. Avec Niels Schneider, Vincent Lindon, Ramzy Bedia, Judith Chemla, David Ayala, André Marcon, Yvan Attal... Dès le 16 octobre sur Canal +. Les 6 premiers épisodes seront diffusés en octobre 2023 et les six derniers ultérieurement.