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"Babygirl" : comment le film avec Nicole Kidman redéfinit le thriller érotique

Dans "Babygirl", Halina Reijn explore les zones troubles du désir féminin et du pouvoir dans un thriller érotique saisissant. Portée par une Nicole Kidman magistrale, récompensée au Festival de Venise, cette œuvre dérangeante et raffinée questionne les injonctions au contrôle et au perfectionnisme, tout en jouant avec la tension et l’érotisme à travers ce qu’elle ne montre jamais tout à fait. Une audace qui marque une étape clé dans le genre.

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Attention, cet article contient des spoilers.

 

Le 15 janvier, Babygirl débarque en Belgique, un thriller érotique aussi audacieux que fascinant, signé par la réalisatrice Halina Reijn. Menée par une Nicole Kidman inédite, cette œuvre bouscule les codes du genre et nous entraîne dans un voyage tumultueux où pouvoir, désir et contrôle se mêlent et se confrontent. Kidman, qui a décroché le prix de la Meilleure actrice au Festival de Venise 2024 pour son rôle, incarne Romy, une brillante PDG, menant une vie apparemment parfaite avec son mari, joué par Antonio Banderas, et ses deux filles. Mais l’équilibre fragile de son existence est chamboulé lorsqu’elle rencontre Samuel (Harris Dickinson), un stagiaire jeune, séduisant, et insouciant, qui ne tarde pas à éveiller chez elle des désirs insoupçonnés. Un jeu de pouvoir et de séduction s’installe alors, faisant vaciller les certitudes de Romy et la poussant à se perdre dans une aventure qui, paradoxalement, pourrait bien la libérer.

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Babygirl, entre tension érotique et réflexion sociétale

À travers Babygirl, Halina Reijn livre un thriller érotique aussi intense que subtile, où la tension monte par ce qui reste sous silence. Ce film ne se contente pas d’explorer le désir : il le manipule, le déforme et le dévoile dans toute sa complexité. À l’image de classiques du genre comme Basic Instinct ou Eyes Wide Shut, Babygirl nous interroge sur les frontières entre le désir et le contrôle, et comment parfois, dans le chaos d’une aventure extra-conjugale, une libération inattendue peut survenir. Le film marque, par sa sophistication et son audace, une nouvelle étape dans le genre du thriller érotique.

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Quand le non-dit devient le plus érotique

Ce qui distingue véritablement Babygirl dans son exploration du désir féminin, ce sont les scènes qui ne montrent que ce qu’elles suggèrent. Le film prend un malin plaisir à flirter avec les non-dits et les sous-entendus, là où le sexe n’est pas explicitement montré, mais évoqué à travers de simples gestes ou répliques. L'un des moments les plus chargés de sensualité se déroule dans un bar, où Samuel offre un verre de lait à Romy. Ce geste innocent, au premier abord, prend une tournure électrisante : à peine Romy a-t-elle fini son verre que Samuel, au moment de partir, lui murmure à l’oreille "gentille fille". Ce subtil glissement de pouvoir, prononcé d'une manière à la fois tendre et provocante, s’impose comme l’un des instants les plus érotiques du film, bien au-delà des scènes de sexe explicites. Ce simple mot, déposé dans l’instant, révèle la véritable dynamique qui s’installe entre eux : une relation où la domination, le désir et la soumission se tissent dans l’invisible.

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Le mythe de la girlboss, ébranlé par le désir

Babygirl ne se contente pas de jouer sur les ressorts classiques de l’érotisme : il plonge aussi dans la psychologie des personnages, notamment en explorant le mythe de la "girlboss" blanche privilégiée. Romy, CEO influente, représente cette femme en apparence parfaite, qui joue avec le pouvoir sans jamais en perdre le contrôle. Mais l’arrivée de Samuel va la pousser à abandonner ce masque. Dans sa quête de plaisir, elle trahit ses principes, y compris une promesse qu’elle avait faite à l’une de ses subalternes, une femme noire, à qui  elle avait promis une promotion. Au lieu de s’attarder sur ses responsabilités, Romy se laisse séduire par l’extravagance de son désir, révélant ainsi les tensions sous-jacentes dans une société où les femmes blanches privilégiées jouent un rôle ambivalent entre pouvoir et culpabilité.

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Lâcher prise dans un monde de contrôle : une réflexion féminine et féministe

Le film met également en lumière la pression imposée aux femmes dans une société où la perfection est de mise. Romy, en tant que mère, épouse et dirigeante d’entreprise, incarne cette figure qui cherche constamment à se contrôler, à être irréprochable, jusqu’à ce que la rencontre avec Samuel l’oblige à lâcher prise. Babygirl devient ainsi une réflexion sur la rigidité imposée aux femmes, qui, sous l’obsession du contrôle, finissent par négliger leur propre satisfaction, y compris sur le plan sexuel. Samuel, par son audace et son insouciance, devient le catalyseur qui permet à Romy de se reconnecter à ses désirs et de redéfinir sa sexualité dans un monde qui exige des femmes une perfection et une maîtrise absolues.

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Une ouverture et une fin saisissantes : la métaphore du plaisir

Le plan d’ouverture du film pose instantanément le ton : Romy, dans une scène où l’orgasme simulé avec son mari devient une métaphore de la superficialité de son mariage. Cette simulation annonce une rupture imminente, une prise de conscience de la vacuité de sa vie parfaitement maîtrisée. La fin, au contraire, livre une toute autre vision : un orgasme réel, sincère et libérateur, qui témoigne du pouvoir transformatif de l’aventure avec Samuel. La conclusion suggère que, même dans un acte d’infidélité, quelque chose de profondément bénéfique peut émerger pour Romy, non seulement dans sa vie sexuelle mais aussi dans son couple.

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Une bande-son envoûtante, au cœur de la tension

Ce qui frappe immédiatement dans Babygirl, c’est l’atmosphère électrique créée par la bande-son de Cristobal Tapia De Veer, le compositeur à qui l’on doit notamment la tension du générique de The White Lotus. Deux morceaux se distinguent, notamment "Wolves", une composition hypnotique et viscérale qui accompagne les moments les plus intrigants du film. Le morceau électro "Crush" de Yellow Claw, Natte Visstick et Rhyme, ajoutent au contraste entre la sensualité du récit et l’aspect plus sombre de l’intrigue. Le tout culmine avec "Never Tear Us Apart" de INXS, morceau iconique qui sous-tend la complexité des émotions du film, entre déchirement et espoir.

Babygirl, un film de Halina Reijn avec Nicole Kidman, Harris Dickinson et Antonio Banderas, le 15 janvier au cinéma.

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