13 fois où la mode a rendu hommage à la culture LGBTQ+

Le roi du camp a tiré sa révérence en 2002, pour finalement revenir en 2019 et concevoir la robe en latex ajustée de Kim Kardashian West lors du MET Gala. Mugler est largement connu pour ses créations exagérant les courbes du corps en utilisant des corsets et des coussinets au niveau des hanche. Au début des années 90, alors que la plupart des créateurs suivaient la tendance minimaliste, les défilés de Thierry Mugler étaient de véritables fêtes ponctuées de performances.

Le défilé de 1992 était à ce titre mémorable. Il a eu lieu à l'hôtel Century Plaza de Los Angeles et s'est ouvert avec la célèbre drag queen Lypsinka. L'interprète emblématique connue pour ses impressions de Joan Crawford à Hollywood a défilé sur le podium en synchronisant ses lèvres sur la bande son, révélant lentement quatre looks différents superposés les uns sur les autres. L'ouverture du show a duré environ 5 minutes, et s'est terminé avec Lypsinka rampant et hurlant sur le catwalk tout au long de son chemin vers les coulisses.

Connu pour avoir propulsé la marinière et son impirmé marin homoérotique, le créateur français a franchi une nouvelle étape lors de son défilé de 1996, intitulé "Pin-Up Boys". Le show était un regard sur la rétrospective de la sexualité masculine au sein de la communauté gay. L'une des créations les plus reconnues de Gaultier, le costume coloré porté par l'acteur et muse David Fumero, ainsi que le costume de marin, ont été créés au cours de cette collection et exposés au Metropolitan Museum dans le cadre du Met Gala qui avait pour tème le Camp en 2019. À ce jour, Jean Paul Gaultier évoque toujours la culture queer dans ses créations. Son dernier défilé haute couture était ainsi envisagé comme un spectacle, mettant en scène des passages dramatisés, des looks en latex et corsetés, et des célébrités telles que Dita Von Teese, la "Reine du Burlesque".

Le designer belge Walter Van Beirendonck a rendu hommage à de nombreux talents dans le monde de la mode lors son défilé de 1996, de Willi Smith à Halston, décédé en 1990 en raison de l'épidémie de sida. Le designer issu des Six d'Anvers était connu pour sa représentation extravagante et explicite de l'actualité dans son travail. Célébrant la scène de la vie nocturne queer, sa collection était composée de cuir et de latex (un clin d'œil aux pratiques sexuelles sans risque) avec des couleurs vives et lumineuses surgissant du podium. Les mannequins portaient des masques faciaux semblables à des coussins où l'on pouvait lire des phrases provocatrices comme "Get off my Dick" et "Blow Job".

Le défilé haute couture influencé par l'âge des Lumières de 1998 a été l'un des premiers de Gaultier lorsqu'il a commencé la couture un an plus tôt. Jean Paul Gaultier n'a jamais été un designer se limitant à  présenter une interprétation directe d'un thème. Rendant hommage à Versaille à la "manière Gaultier", les mannequins, hommes et femmes, portaient des redingotes non traditionnels (longue veste croisée à basques), des coiffes perlées et des robes à volants accompagnées de corsets serrés sur des chemises et des cravates. Le look a été notamment porté par la muse du couturier, Tanel Bedrossiantz, et est ensuite réapparu lors l'exposition Camp : Notes sur la mode organisé par le Met.

Après avoir exploré l'élément de l'eau dans son défilé printemps-été 1998, McQueen a pris un tournant plus sombre en explorant le feu pour son défilé automne-hiver de la même année. Inspirée par la martyr catholique Jeanne d'Arc et la famille Romanov (dépeignant un crossover médiéval), la collection comportait des éléments de couture strictes, comme des robes en cotte de mailles, une armure et des motifs pour les enfants Romanov. Le show mettait en vedette le tartan signature d'Alexander McQueen, ainsi qu'une robe en dentelle rouge courvant le visage, qui a ensuite été portée par Lady Gaga lors des MTV Awards dix ans plus tard. Le défilé s'est terminé par un hommage direct à Jeanne d'Arc (qui a été brûlée sur le bûcher) avec un mannequin pris au piège dans le feu vêtu d'une robe rouge perlée qui couvrait son visage et serrait fortement autour de son cou.

En 2013, inspiré par le romantisme et le néo-classicisme allemands, le défilé Chanel de Karl Lagerfeld s'est différencié de la tradition de la Haute Couture et a célébré non pas une, mais deux mariées pour fermer le show. Hommage aux lesbiennes, rarement représentées dans le monde de la mode, les mannequins Ashleigh Good et Kati Nescher ont marché main dans la main pour représenter le soutien de la marque aux droits LGBTQ+. Tout cela au moment où l'égalité des chances de mariage pour les couples de même sexe faisait débat en France. Perçu comme une déclaration politique controversée à l'époque, le show était un véritable vote de la mode en faveur de l'égalité. Plus tard cette année-là, la France a adopté un projet de loi autorisant les couples de même sexe à se marier légalement.

Jonathan Anderson a présenté sa collection de vêtements pour hommes et femmes au cœur d'un même défilé, suggérant de concevoir les collections comme des conversations plutôt que des normes de genre distinctes. Il a également annoncé que la collection serait diffusée en direct via la fameuse application de rencontre gay Grindr. L'application compte environ un million d'utilisateurs dans la communauté gay, qui a eu accès directement au défilé.

Depuis cette collaboration insoupçonnée entre JW Anderson et Grindr, de nombreux partenariats avec l'application ont vu le jour ces dernières années.

Raf Simons a dédié sa collection printemps-été 1017 au regretté photographe Robert Mapplethorpe. Ce dernier était connu pour son travail de capture de la culture gay à New York, depuis les célébrités de la scène LGBTQ+ jusqu'aux images NSFW (Not safe for work) plus provocantes de la fin des années 60 et 80. Le travail de Mapplethorpe a été fortement censuré et était peu accepté à cette époque. Raf Simons a alors décidé de le mettre en valeur en imprimant sur des chemises, des vestes et des pantalons des images complètes et non censurées issues des archives du photographe.

Christopher Bailey a rendu hommage à sa propre culture queer à laquelle il s'auto-identifie lors de son défilé d'adieu au sein de la maison Burberry. En règle générale, lorsque les arcs-en-ciel sont incorporés dans une collection de mode, ils peuvent être perçus comme discutables. Mais ce n'est pas le cas de la collection de Bailey, car il s'en tient aux racines de Burberry tout en reconnaissant des parties de sa vie personnelle.

Le modèle Adwoa Aboah a ainsi défilé vêtue d'une longue jupe blanche imprimée d'un arc-en-ciel vertical tandis qu'un autre mannequin star de Burberry, Cara Delevingne, portait un rainbow en fausse fourrure associée au plaid Burberry traditionnel. Christopher Bailey a également fait un don à des organisations au service des LGBTQ +, dont l'Albert Kennedy Trust, The Trevor Project et ILGA.

La collection printemps-été 2018 de Thom Browne s'est concentrée sur le rejet des normes de genre qui ont été imposées par la société. Le créateur conceptuel a pris du recul pour s'intéresser au genre selon une "perspective d'enfant", en observant les vêtements à travers une lentille non binaire. L'une des vedettes du show était une paire de chaussures pour bébé trempées dans l'or. Le créateur rejette également les normes sociétales avec une série de vêtements, notamment ses célèbres jupes à rayures et ses robes boutonnées sans coutures assorties à un blazer sur mesure portés par des mannequins masculins. Le show s'est terminé avec l'un d'entre eux en robe de smoking hybride dotée d'une traine en dentelle blanche.

La culture queer dans la communauté noire est à ce jour toujours fortement rejetée, laissant de nombreux individus homosexuels noirs dans la peur de s'assumer face à leur famille et à leurs amis. Beaucoup de créateurs comme Grace Wales Bonner explorent ainsi le récit de la culture queer dans la communauté noire et l'idéal de la masculinité.

Son défilé printemps-été 2018 a été inspiré par le roman de James Baldwin de 1956, "Giovanni's Room". Le créateur a inclus plusieurs références historiques comme l'essai de Hilton Als sur James Baldwin, ainsi que des clichés homoérotique du photographe Carl Van Vechten, qui ont été distribués aux invités assistant au show. La collection elle-même était minimaliste et orientée sur la maîtrise de la confection de chaque look.

Le défilé sur le thème du Magicien d'Oz de Virgil Abloh a rendu hommage à la communauté LGBTQ+ de façon très évidente, avec un podium arc-en-ciel de 200 mètres de long. La collection baptisée "Color Therapy" était un message d'inclusion et de diversité au sein de la communauté de la mode. Chaque mannequin a été choisi à partir d'un continent différent, représentant la diversité des races, tandis que le catwalk représentait l'inclusion de différentes sexualités.

Les designers Carol Lim et Humberto Leon ont collaboré avec la gagnante de la saison 9 de RuPaul Drag Race, Sasha Velour, autour d'une collection conçue pour célébrer les travailleurses du sexe. Les mannequins du défilé comprenaient d'autres queen emblématiques, comme Miss Fame.

Madame Velour a ainsi ouvert le show vêtue d'un ensemble pied-de-poule, ainsi qu'un chapeau statement et des talons à plateforme. Tous les protagonistes défilant sur le podium faisaient partie de la communauté LGBTQ +, ainsi que la majorité de l'équipe de production. Leon et Lim souhaitaient mettre en valeur la communauté en tant que représentantes de la mode. Ce n'est que récemment que les drag queens ont été fortement impliquées dans les défilés de mode ou invitées à des événements comme le MET Gala, auquel deux autres gagnants de RuPaul's Drag Race, Violet Chachki et Aquaria, ont assisté pour la première fois en 2019.