Cem Cinar : le designer turc passé par Rick Owens et Y/Project à suivre de près
Il a étudié à ESMOD Paris, s’est découvert une passion pour cette ville "en la vivant pour ce qu’elle est, et pas seulement pour sa dimension touristique et romantique. J’aime aussi sa rudesse, sa mélancolie." Le décor est planté, ce grand voyageur s’est (momentanément) posé.
Tout juste diplômé et après un stage chez Rick Owens, il a démarré en 2012 chez Y/Project dont l’équipe se constituait : "Pendant cinq ans, je suis passé par à peu près tous les postes. Cette première expérience a été comme un second master, extrêmement formateur." En 2017, le jeune homme est nommé directeur artistique de la marque indépendante sexy post-baroque Rouge Margaux. Il réorganise toute la structure, de la création à la production, en passant par la communication. Deux ans plus tard, il décide de prendre du recul pour faire le point sur le futur, ses besoins d’expression, de développement. Il s’installe pour deux ans au Japon, où il collabore avec des marques locales comme designer freelance. Il explore une forme de pureté créative, une autre beauté, l’artisanat, la production en toutes petites quantités, l’univers du luxe. Il connecte le Japon, Paris, les Pays-Bas et la Turquie, comme autant de points qui tracent sa constellation en formation.
Concomitamment – tout arrive toujours en même temps –, il devient directeur créatif de la marque new-yorkaise Laruicci, présente simultanément à Paris en mars 2020 cette collection, et la première saison de celle qui porte désormais son nom. Toute son histoire se rassemble dans sa réflexion polymorphe, sa philosophie fluide et structurée, ses lignes architecturales. Cem a grandi entouré de six sœurs, aux tempéraments très différents. "J’aime les femmes, je les comprends. Dans mon contexte familial, je les ai vues évoluer, j’ai compris ce qu’elles aimaient, j’ai entendu ce qu’elles expriment et tout ça m’a fort inspiré. Elles m’ont ouvert l’esprit, notamment sur le fait que parfois une femme a besoin de confort, parfois de show off, parfois de cacher quelque chose, ou d’exprimer autre chose." Il ne rentre dans aucune case, il est obsédé par la qualité des matières, la modernisation de la tradition, le décalage, le savoir-faire, le défi de valoriser les traditions en les modernisant. "J’ai réinterprété en patchworks des créations familiales traditionnelles pour les rendre contemporaines et pratiques au quotidien." Il fusionne le crochet main avec les techniques modernes de design, en extrait des pièces au tombé tout à fait particulier, pour retricoter sa propre identité. Le crochet requiert un travail méticuleux, qu’il tend à rendre stylistiquement miraculeux, pour créer des pièces stretch qui s’adaptent à toutes les morphologies, intrinsèquement durables. "Je suis très inspiré par le vestiaire masculin, et l’idée d’une femme forte qui assume sa féminité." Un processus tout en réflexions, pour exprimer les nuances harmonieuses d’une mode en mouvement.