Art & Culture

Georges Pelletier : le céramiste belge de 83 ans qui a même séduit les Kardashians

Le céramiste belge star des années 60 et 70 est le dernier artisan de sa génération à être encore à la tâche… Et pour cause, l’engouement pour le vintage a remis ses créations sous le feu des projecteurs au point d’être exposées dans les plus belles galeries d’Atlanta à Ibiza en passant par Knokke-le-Zoute. Rencontre sous le soleil cannois.
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Georges Pelletier n’a jamais voulu être célèbre, pas plus qu’il n’a cherché à être considéré comme un artiste. "Travailler et modeler la terre a toujours fait partie de ma vie. Je suis un pur produit de la pédagogie Freinet basée sur l’expression libre. Le modelage et l’émaillage sont pour moi quelque chose de naturel, d’instinctif. C’est ma manière de m’exprimer et de gagner ma vie. C’est tout", explique le céramiste avec humilité. La nécessité d’un don plus que l’ambition, donc. Et cette façon de se laisser porter au gré du vent, des opportunités, de la vie…

Ce "ketje" de Schaerbeek, où il est né le 9 octobre 1938, a beau ne jamais avoir cherché la célébrité, voici que, à plus de 80 ans, il connaît son moment. Les connaisseurs citent ses créations, totems, luminaires et sculptures en terre chamottée (dont les premiers modèles ont été réalisés dans les années 1960 et 1970) qui trouvent un écho dans les plus beaux intérieurs de notre époque. De ses jeunes années à l’école du Pioulier à Vence où il travaille déjà la terre, aux années 1960 pour le label Bobois jusqu’à cet été pour les happy few de Knokke où il est exposé, George Pelletier, insatiable, fabrique des luminaires sculpturales et des totems émaillés, tournés et montés avec doigté. Aujourd’hui, c’est à Cannes que ce féru de travail nous reçoit… Cannes, sa croisette, son casino, ses palaces, ses jets privés, ses boutiques de luxe… Mais aussi son Vieux Port et son quartier piétonnier du Suquet, berceau de la ville. C’est là, dans une de ces rues populaires, que le céramiste belge s’est établi en 1973. Presque 50 ans après, il y œuvre toujours dans un petit atelier caché et protégé des regards indiscrets. À l’intérieur, quatre fours et des centaines de pièces, des plus monumentales (miroirs, totems ou pieds de lampe "Soleil") aux plus petites, les billes et pastilles qui habillent la plupart de ses œuvres embrochées sur des tiges de nickel chrome puis repiquées dans la terre. "Si on ne met pas ces petites billes, il manque quelque chose… On me dit souvent que mes créations ont une esthétique ethnique. Je ne sais pas expliquer d’où vient mon inspiration. Pour moi, modeler la terre, c’est un besoin, une addiction. Je me force à ne pas travailler parfois. Je ne joue plus au tennis ou au volley alors… Le jeu est mon seul dérivatif. Heureusement, le casino n’est pas très loin !" (Rires)

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© Justin Paquay

Tour de main

Sculpturales, le "Totem" comme le "Grand Soleil" tournés et cuits en plusieurs morceaux puis assemblés (un exercice extrêmement complexe), sont les pièces "signature" de Georges Pelletier. Des pièces monumentales aussi identifiables que désirables qui se retrouvent dans les catalogues de ventes aux enchères comme Drouot ou Sotheby’s, tandis que les créations récentes, fidèles à ce que faisait le céramiste dans les années 60-70, sont exposées dans des galeries prestigieuses, comme Galeria Tambien à Ibiza. Un parcours extraordinaire qui commence dans les années 50 où l’adolescent curieux et libre qu’il était se forme à la céramique en observant les plus grands (Fernand Léger, Charlotte Perriand, Claude Pantzer…). En 1961, il a 23 ans quand il se lance dans la vie professionnelle après l’école des arts et métiers à Paris. Georges Pelletier gagne alors sa vie en vendant ses pièces sur le marché aux Puces de Saint-Ouen. C’est là qu’un décorateur de la marque  Bobois le repère et lance véritablement sa carrière. "Les années 50 et 60 étaient d’une vitalité extraordinaire! On était libre !", confie-t-il. Au sortir de la seconde guerre mondiale, le petit monde de la céramique française va faire preuve d’une foisonnante créativité. Il ne s’agit plus de réaliser, à la chaîne, des assiettes, des plats et des pichets. Les artistes s’affranchissent de l’utilitaire pour donner libre cours à leur fantaisie. Leurs pièces sont des œuvres d’art, il n’est plus question de s’en servir, mais simplement de les aimer… C’est à cette époque que le céramiste créera ses modèles fétiches, ceux qui habillent aujourd’hui les maisons des plus riches et célèbres de la planète, les Kardashians en tête. "J’ai des demandes tous les jours pour les œuvres de Georges. Je voyage dans le monde pour les installer. Je dois parfois freiner les ardeurs des acheteurs car chaque pièce réalisée à la main par Georges est une oeuvre d’art unique et complexe. C’est un travail d’artisan qui prend beaucoup de temps et d’amour", explique l’agent du céramiste Antoine Jourdan

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© Justin Paquay

Une histoire de transmission

Alors qu’il s’apprête à fêter ses 83 ans, Georges Pelletier n’est donc pas près de quitter son tour de potier même si depuis quelques années, il transmet à son fils les secrets de son savoir-faire jalousement gardé. "Mon fils Benjamin m’aide à assurer les commandes des négociants ou des galeries. Je suis heureux qu’il reprenne le flambeau. Il apprend vite et se débrouille bien", concède le patriarche avec gratitude. C’est avec beaucoup de respect et une profonde envie de perpétuer le travail de son père que Benjamin Pelletier a mis la main à la terre il y a cinq ans déjà. "On ne se rend pas toujours compte mais c’est une activité super physique de tourner et monter des pièces aussi monumentales. Ce sont des kilos de terre qu’il faut travailler à la force du poignet. Mon père à l’âge qu’il a donc je l’assiste. Quand les pièces sont terminées, c’est une vraie fierté ! Ce n’est pas quelque chose d’éphémère comme passer des disques dans une boîte de nuit. Et puis, ce serait dommage de ne pas perpétuer ce savoir-faire. J’ai moins d’expérience que lui donc je me raccroche à la technique et à la précision. Mon père travaille quasi les yeux fermés. Il fait confiance à son intuition. J’ai encore tellement à apprendre… ", confie celui qui représente à présent l’avenir d’un know-how de plus en plus en vogue… Le travail de toute une vie exposé cet été dans la pop up galerie de l’antiquaire Christophe Declercq à Knokke-le-Zoute. L’occasion de découvrir les œuvres solaires de Georges Pelletier et de faire le plein de bonnes vibes dans cet antre du bon goût où pièces vintage et brutalistes cohabitent.

 

Georges Pelletier à la Passé Simple Vintage Gallery, du 4 août au 30 septembre 2021, Zandstraat 18, Knokke.

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INTRO - PROPOSITION - légende Georges et la Maison Tournaire Place Vendôme. .jpg
© Justin Paquay

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