Art & Culture

Chaïma : la nouvelle chanteuse multifacettes à suivre de près sur la scène musciale belge

Entre humour, tendresse et authenticité, l’auteure-interprète hispano-marocaine Chaïma dévoile son premier EP “Cinq” et se livre sans filtre sur ses débuts sur la scène musicale.

© Vincent Van den Dries
© Vincent Van den Dries

Il y a 10 ans, c’est en tant que mannequin que Chaïma débute dans l’industrie du divertissement, mais elle n’aura jamais perdu de vue son premier amour : la musique. En 2020, elle fait ses débuts en partageant le duo bilingue "Tu veux quoi" avec le chanteur flamand Daniël Busser. Quelques années plus tard, elle poursuit sa carrière en solo, et dévoile aujourd’hui son premier EP “Cinq”, avec le désir de partager une expérience multisensorielle riche en émotion, reflétant la sincérité de l’artiste. Au détour d’une interview sans langue de bois, la chanteuse se livre sur ses débuts.

© Vincent Van den Dries

Ton premier EP, baptisé “Cinq”, a été pensé pour être expérimenté à travers les 5 sens. Comment comptes-tu exploiter nos sens ?

J’ai écrit mon EP dans le sens de partager des parties de moment de ma vie qui m’ont fait expérimenter certaines émotions et sentiments. Quand j’ai fait mes recherches pour “Cinq”, je voulais en savoir plus sur les cinq sens, mais aussi sur la proximité entre les sentiments, les émotions et sur ce que l’on ressent physiquement. Quand on dit émotion, on le ressent aussi physiquement. Selon moi, c’est une véritable traduction. J’ai également utilisé des ondes un peu plus hautes afin de créer cette énergie hyper “safe” et sécuritaire, où je me sens bien pour exprimer mes sentiments. J’ai créé une espèce de sécurité d’expression à travers la musique. J’ai vraiment voulu mettre en place une espèce de “safe space” pour les gens qui écoute ma musique afin de se l’approprier, mais surtout pour qu’ils expérimentent leurs propres émotions au travers de leurs sens. Dès la construction et l’organisation de mon EP, je me suis retrouvée avec 5 morceaux représentant une émotion traduite par un genre musical, tout en gardant mon fil rouge : le rock dans “Trauma” et un côté plus groovy/funky dans “Bébé”.

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En co-création avec la productrice Kendis, ce projet est 100% féminin. Est-ce une volonté de ta part de mettre les femmes à l’honneur ? On connaît très peu de femmes productrices.

 Au départ, ce n’était pas fait exprès. J’ai d’abord énormément essayé de travailler avec d’autres producteurs qui étaient en majorité des hommes et j’arrivais à créer quelque chose de super. Cependant, la première fois que j’ai enfin trouvé ma patte et mon son, et que je suis sentie en sécurité, c’était avec Kendis. On a créé une espèce d’osmose, beaucoup de créativité ensemble et un réel échange dans le studio. Avoir une femme en face de moi, ça crée une sécurité parce que je peux parler de choses dont elle a connaissance. Tout ça m’a permis d’ouvrir les yeux sur cette réalité dans l'industrie. Pour moi, une présence féminine insuffisante dans le monde de la musique est assez affolant et surtout de devoir le mettre avant comme ça. Je me dis : “on est humaine et quand même extraordinaire en tant que femme. Devoir toujours remettre ça en avant, je trouve ça un petit peu dommage.” D’un autre côté, c’est très bien parce que ça fait la force de mon projet. C'est aussi pour ça que j‘essaye tant bien que mal de mettre ça en avant comme dans le clip de “Trauma” qui est uniquement féminin. Je trouve qu’il y a une extrême force et beaucoup de pouvoir dans ce clip qui met en avant cette rage féminine.

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© Vincent Van den Dries

Quelles sont les personnes qui influencent ou ont influencé ton parcours ? 

Dans un premier temps, c’est ma maman qui m’a influencé à croire en mon potentiel. Je l’ai perdu il y a des années, mais elle y croyait à fond et a mis toute cette force de confiance en moi et en ma musique. C’est ma première inspiration et elle a été une figure pour moi dans ma vie. C’était quelqu’un de très fort, mais à la fois doux et sensible. À côté de ça, j’ai étudié le cinéma et la photographie. C’est plus l’art du cinéma en général qui m’inspire beaucoup dans ma démarche de clip. Je ne voulais pas simplement faire des visuels, mais plutôt un storytelling. Mon but avec l’EP, c’est de faire ressentir la musique et j’ai essayé de toucher un peu à toutes les émotions tant physiquement que visuellement. Pour ma musique, l’artiste Yebba m’inspire énormément encore aujourd’hui, dans le sens où elle a un parcours musical et personnel extraordinaire. C’est une femme qui a beaucoup vécu et dont le contrôle et l’utilisation de la voix sont très rares. C’est quelqu’un qui met énormément dans sa musique. Finalement, Stromae est pour moi la figure du génie dans tous les stades possibles et inimaginables. C’est quelqu’un qui est complet de A à Z dans tous les domaines. Je suis extrêmement fan de son travail, et il est aussi une grande inspiration en tant que personne.

 

Ta musique en 3 mots ?

Alternative, authentique, pleine d’amour.

© Vincent Van den Dries

Peux-tu me parler des thèmes que tu abordes dans tes chansons ? Est-ce que t’es inspirée de ton propre vécu ?

C’est toujours mieux de partir de son propre vécu parce que tu sais de quoi tu parles. Pour la plupart des sons, tout a été vécu. J’avais envie de rester objective dans cette subjectivité, mais aussi envie de lisser un petit peu les détails pour que ça touche tout le monde et qu’on puisse s’y retrouver. Le son du titre “Seule” est très personnel voire le plus personnel de tous puisque je parle d’un moment très sombre dans ma vie où je me suis retrouvée très solitaire. Pour “Trauma”, je l’ai écrit il y a des années dans une espèce de rage où j’avais envie de me libérer d’un truc. Il faut savoir que j’avais fait une autre version de ce morceau qui était beaucoup plus douce et triste. Finalement, avec la production de Kendis, tout s’est passé très naturellement et on a fini le morceau en une heure. Tout paraissait tellement logique de mettre ses mots sur cette production qui était très rock et pleine de rage. C’est ça qui est incroyable, parce que j’essaye vraiment de mettre tous mes sentiments.

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© Vincent Van den Dries

À quoi ressemble ton processus créatif ?

C’est hyper simple. On s’installe en studio, on parle de la vie… Quand on le sent, on se base souvent inconsciemment sur ce qu’on vient de dire, puis Kendis débute par une mélodie de piano et je vais lui dire ce que je préfère. Avec cet échange, on fait des propositions pour la mélodie, elle va me suivre dans mes idées, puis elle modèle l’idée dans son sens. C’est vraiment une osmose où tout se fait naturellement. De mon côté, mon téléphone regorge généralement de textes que je place sur la mélodie ou alors j’écris directement.  

 

Quel est le meilleur conseil musical que tu as reçu ?

Ne pas avoir peur d’être soi et d’être différente. C’est un conseil que l’on peut prendre au quotidien. Au départ, j’avais très peur de voir comment les gens allaient accueillir ce projet qui était très différent. Un jour, quelqu’un m’a dit : “Qu’est-ce que tu t’en fous ! Tu le fais pour qui ? Pour les autres ou pour toi ?”. Cette phrase m’a beaucoup fait réfléchir sur ma vision de la musique. Est-ce que je souhaite faire de la musique pour les gens ou est-ce que je veux faire de la musique tout simplement parce que c’est ce que j’aime faire et que je veux faire sans aucune attente. Depuis, je ne fais plus trop attention aux chiffres. Si ça touche des gens, c’est le plus beau des cadeaux et des retours. Aujourd’hui, je le fais par passion et je n’ai plus trop peur d’être différente.

© Vincent Van den Dries

Que penses-tu de l’industrie musicale actuelle ? Si tu pouvais changer quelque chose dans l’industrie, ce serait quoi ?

Plusieurs choses ne vont pas et notamment dans les contrats. Je trouve qu’on évolue énormément dans le bon sens puisque beaucoup d’artistes réalisent qu’être indépendant apporte des choses positives. Malheureusement, on ne peut pas avoir de tout dans tout. Dans un label, tu as la crédibilité, le management, les contacts, les opportunités et ça pèse beaucoup dans la balance. En même temps, le point négatif est qu’on prend énormément de pourcentage de ta musique alors que c’est toi qui le fait. Je suis vraiment preneuse de partager le pourcentage puisque je le fais déjà avec mon équipe actuelle. Il est important que tout le monde ait sa part du projet, mais il faut surtout que le label ne prenne pas plus que l’artiste. La position de la femme est tellement en bas de l’échelle de l’industrie musicale, c’est vraiment dommage et il faut absolument le changer. Une rappeuse hyper boyish va être sexualisée par l’industrie musicale parce que c’est une femme et ça m’énerve beaucoup. Pourquoi sexualiser une femme parce que c’est une femme ? Est-ce que l’on sexualise un homme parce que c’est un homme et parce qu’il est très beau ? Personne ne le fait et c’est justement l’homme qui va prendre des femmes pour sexualiser son truc. Où est la valeur là-dedans ? Du coup, est-ce que les gens écoutent la musique parce qu’elle est “trop bonne” ou alors est-ce qu’ils écoutent vraiment pour la musique ? Les prochaines artistes devraient justement s’imposer et imposer le fait d’être comme elles veulent. Enfin, qui a décidé de mettre des cases de genre musical ? On m’a déjà dit que mon projet était super, mais qu’il y avait trop de styles différents et qu’on s’y perd. De mon avis personnel, je trouve justement qu’il y a trop de cases et qu’on s’y enferme trop vite. Ce n'est pas authentique. Évidemment, il faut une ligne conductrice, mais l’authenticité suit ton mood. Au final, si tu es déjà attaché à l’artiste et que tu trouves toutes les qualités dans cet artiste, je trouve que c’est un pouvoir énorme. À mon échelle, j’aimerais changer ça ou au moins expérimenter la chose.

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© Vincent Van den Dries

Que veux-tu qu’on retienne de ton EP, une fois qu’on l’a écouté ?

Qu’il n’y a pas de mal à exprimer ses sentiments. On est dans une société où tout est fake, surtout sur les réseaux sociaux. Avec la montée de Tik Tok, je trouve qu’il y a une authenticité qui remonte tout doucement. Pas tout le monde "dare to share" parce qu’ils ont peur du jugement. Créer un "safe space", c’était pour moi mon goal primordial. J’aimerais que le public, après avoir écouté cet EP, ressorte avec une espèce d’énergie où on se sent relax de ressentir ses émotions.

 

S’il ne fallait retenir qu’une seule chanson de ton EP ?

J’hésite entre deux chansons. “Guapa” parce que c’est le premier son avec lequel j’ai découvert ma voie. Ce titre représente quelque chose d’hyper important et c’est pour cela qu’il est plus dans le représentatif. En termes de musique, je trouve que “Bébé” est le son dans lequel j’ai vraiment pu montrer la capacité de ma voix. C’est un pouvoir que les deux autres sons n’ont pas forcément.

© Vincent Van den Dries

Trois chansons que tu écoutes en boucle en ce moment ?

“4EVA” – KAYTRAMINÉ, Aminé, KAYTRANADA, Pharrell Williams
“Blame on me” – Jack Harlow
“Starry Night” – Peggy Gou

Avec qui rêverais-tu d’un jour collaborer ?

Sans hésiter Stromae, parce que je suis sûre que j’en apprendrais énormément sur moi-même et ce serait un honneur.

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L'EP "Cinq" de Chaïma ets à découvrir sur Spotify.

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