Saskia, Iliona, Lisza : qui sont ces 3 chanteuses belges à connaître absolument ?
Avec son single “La Mer”, Saskia nous ouvre les portes de son univers, quelque part entre la pop, le R&B, la musique électronique et la chanson française. Sous la douceur de son timbre légèrement voilé se cache un propos fort et engagé. On est sous le charme.
Ton univers ?
La musique, c’est toute ma vie ! J’ai suivi depuis toute petite des cours d’improvisation au piano qui m’ont donné l’oreille musicale. Mon demi-frère (musicien professionnel et fan de Michael Jackson) et ma demi-sœur (ex-choriste du groupe Zap Mama) m’ont fourni les bases de ma culture pop, soul et r’n’b’. A dix-neuf ans, j’ai commencé à poster sur les réseaux sociaux des covers de Sia, Stevie Wonder, Lauryn Hill, Tracy Chapman pour m’amuser. Puis, après trois ans d’études de journalisme entamées par curiosité, je me suis mise à écrire mes propres compos. Dans toutes mes chansons, il y a un engagement sous-jacent, même si ce n’est pas explicite. Et quand les sujets sont lourds, j’essaie d’utiliser une certaine légèreté de ton ou musicale pour les faire passer.
Le déclic pour la musique ?
C’est à Stromae et ses leçons de maestro en ligne que je le dois. Le batteur et DJ Simon LeSaint, ou encore Krisy (beatmaker bruxellois qui a travaillé entre autre pour Damso et Booba) m’ont aidé à co-réaliser mes premiers titres. En bonne geek, je voulais produire moi-même mes arrangements. Cela fait partie de ma quête personnelle. C’est ensuite Romain Bilharz, ex-directeur artistique chez Universal, connu pour avoir repéré Feist, Kavinsky, C2C ou encore Stromae qui m’a pris sous son aile et m’a montré que c’était possible. J’ai toujours été entourée d’hommes très bienveillants.
Ton sigle “La Mer” parle d’écologie, de crise migratoire et de quête de soi. Des sujets qui te tiennent à cœur ?
"La Mer" est le résultat d’une prise de conscience multifacette. Je parle de ma recherche d’identité, moi qui aurais pu vivre de l’autre côté de la Méditerranée si ma mère biologique, de nationalité algérienne, ne m’avait confiée à l’adoption. J’aurais pu être cette fille qui doit prendre le bateau pour venir en Europe. J’y parle aussi de l’environnement et de la nécessité de prendre soin des océans. Ecrire ce texte a été très facile, comme une évidence.
Ta force ?
Je suis une grande optimiste. J’essaye toujours de voir le bon côté des choses, de rester authentique et sincère. C’est une sorte de bouclier qui me protège des mauvaises ondes. Avec les réseaux sociaux, la tentation est grande de se faire décourager par ce que les gens pensent et disent. J’arrive à garder de la distance et à tracer ma route sans faire attention au reste.
Une rencontre décisive ?
Simon LeSaint. C’est un peu mon mentor, mon parrain du beatmaking. C’est la personne qui me stimule le plus. Il est super sincère, généreux, humble. Dans l’industrie de la musique ce n’est vraiment pas évident de rencontrer des gens qui n’ont pas un ego disproportionné (rires). Je ne serais pas là où j’en suis sans lui.
Bruxelles, un vivier d’artistes ?
Entre Stromae, Angèle, Damso et Yseult (artiste française qui vit en Belgique), il y a vraiment une énergie créative de dingue à Bruxelles. C’est un petit milieu en plus donc c’est assez facile de rencontrer les autres artistes. Il y a un engouement pour Bruxelles et il faut en profiter ! Même si je suis beaucoup à Paris pour travailler - toute mon équipe y est -, je ne veux pas y vivre.
Signer à Paris, une étape incontournable en tant qu’artiste belge ?
Si tu veux atteindre un certain niveau oui ! L’industrie musicale est malheureusement beaucoup plus développée en France qu’en Belgique. En tant qu’artiste, tu as beaucoup plus de visibilité et d’opportunités quand tu es signé en France. Je suis chez Sony Music et je suis ravie.
L’avenir proche ?
La sortie de mon premier album très prochainement. J’ai hâte.
Révélée par trois titres intimistes postés sur Youtube, Iliona pointe le bout de son nez hors de sa chambre pour faire ses premiers pas dans la cour des grandes, telles Lorde ou Billie Eilish... Rencontre avec une artiste à suivre.
Ton univers ?
Je suis ce qu’on appelle une geek. Je peux passer des heures devant mon ordinateur à faire des sons. Je bosse beaucoup. Mes potes me le reprochent souvent. Ils ne me voient plus. Je suis passionnée par les logiciels qui me permettent de composer un album entier sans bouger de chez moi.
Ton processus de création ?
Je crée les mélodies au piano puis j’écris les textes… Il n’y a pas de règle en fait. Souvent, tout se fait en même temps. Je sors mes titres un à un. Je les poste sur Youtube et sur les différentes plateformes d’écoute. Je fais tout toute seule.
Le blues est un moteur pour toi ?
Mes compos, c’est comme un journal intime. Les premières chansons que j’ai écrites c’est parce que j’avais quelque chose sur le cœur et que je n’arrivais pas à en parler… C’est quand ça ne va pas trop dans ma vie que j’ai le plus facile à écrire des mélodies. C’est thérapeutique pour moi de faire de la musique.
Le déclic ?
Je fais du piano depuis toute petite. J’ai toujours aimé chanter mais je n’avais jamais imaginé en faire mon métier. C’est quand j’ai posté une chanson de moi sur Youtube qu’un mec du studio de Roméo Elvis m’a repéré. C’était il y a 5 ans, j’avais 16 ans, je chantais en français et il trouvait ça génial. C’est comme ça que j’ai compris que c’était possible de consacrer sa vie à la musique et d’en vivre. Mes parents m’ont toujours soutenue dans mon choix. Quand je leur ai dit que je ne ferais pas l’université pour me consacrer à ma passion, ils m’ont fait confiance. Ils savaient que c’était vital pour moi. Ils ont vu que je travaillais énormément, voire plus qu’eux (rires) et que je ferais tout pour y arriver.
Paris, une étape incontournable pour percer ?
J’ai signé à Paris donc dans un certain sens oui. Mais en même temps, la scène belge est super hype en ce moment. Il n’y a que ça qui marche presque ! C’est triste de devoir aller chercher une légitimité en France pour être reconnu dans son propre pays… On m’a dit un jour que si je ne marchais pas en France les Belges ne m'écouteraient pas. J’ai gardé ça en tête. Du coup, au moment de choisir un label j’ai choisi un label indépendant français : Artisde. Sans regret, mais c’est vrai que nous devrions être plus fiers de nos artistes en Belgique.
C’est comment d’être une artiste belge à Paris ?
C’est être une outsider. On est exotique pour eux. On profite d’une certaine hype. Par contre, pour rien au monde je ne déménagerais là-bas. C’est agréable de vivre ici tout en faisant des allers-retours à Paris pour bosser.
"Moins Joli" est une des chansons qui tu as sorti récemment. Quelle est son histoire ?
Je l’ai écrite après une rupture sentimentale. J’étais mal et je devais le dire en musique. Je l’ai écrite lors d’une résidence d’artistes. A la fin du stage, j’ai chanté cette chanson sur scène. Les gens ont fondu en larmes et sont venus me voir juste après la représentation en me disant à quel point cette chanson les avait touchés. Je l’ai laissée dans un tiroir pendant deux ans. Je ne l’aimais plus. Ce sont mes proches qui m’ont dit qu’il fallait la ressortir. Ça a été dur de la retravailler et de me la réapproprier. Mais maintenant je suis heureuse du résultat.
Et les clips ?
Je réalise ou coréalise tous mes clips. C’est très important pour moi que l’image soit en accord avec ma musique. A la base, je voulais faire du cinéma donc pour moi c’est naturel de gérer cette facette là aussi avec l’aide de mon équipe dont Gaston Struye qui est derrière la caméra.
Quand on a 20 ans et qu’on est une femme, doit-on en faire plus pour y arriver ?
Carrément. Quand je dis que je fais tout toute seule, les gens ne me croient pas. Les labels qui me contactaient pour me signer me posaient toujours les mêmes questions : Qui écrit tes textes ? Qui fait ta prod ? Qui fait tes clips ?… Quand je dis que c’est moi qui fais tout, je sens qu’ils ont un peu de mal avec l’idée qu’une petite nana de 20 ans puisse tout faire toute seule. D’un autre côté, je veux tout gérer pour me sentir légitime et qu’on me prenne au sérieux. C’est un peu dommage de se rendre compte que cela fait partie d’un de tes moteurs mais c’est comme ça. Si je me fais aider, j’ai un peu peur de perdre du crédit. Aujourd’hui, on assiste à une nouvelle vague d’artistes féminines qui sont ambitieuses et qui osent le crier haut et fort. Et ça fait du bien ! La réussite et l’ambition sont encore tabou surtout quand on est une femme mais les choses évoluent.
Tes engagements ?
Le féminisme. Je fais partie d’une génération où le mot féminisme n’est plus un gros mot. L’égalité c’est normal. Il n’y a pas de débat. Par contre, en vrai, ce n’est pas encore gagné mais il y une sérieuse évolution. A mon niveau, je voudrais juste me sentir à l’aise. Sortir de chez moi habillée comme je veux et ne plus réfléchir à ce que les autres peuvent penser ou faire. Ce matin je suis sortie de chez moi sans soutif et je n’étais pas très à l’aise. C’est presque un acte militant en fait… Ce serait juste chouette de s’en foutre. Et puis s’aimer tous. Parce que, ben pourquoi pas en fait ?
Angèle, un exemple à suivre?
Je pense qu’on a tous été très impressionné par son parcours. C’est devenu une Queen quoi ! Après, je ne pense pas avoir les épaules pour supporter ce qu’elle a vécu. Je l’admire beaucoup d’avoir su gérer cette notoriété tout en restant elle-même, fidèle à ses idées.
Dans 10 ans ?
J’espère me sentir à ma place et continuer à faire ce que j’aime. J’ai hâte de voir ce qui va m’arriver entre temps. J’ai l’impression d’avoir pris les bonnes décisions au bon moment. J’ai confiance.
Son style transculturel (mélange de reggaetón, de ballade romantique et de hip-hop latino), ses déhanchés sensuels et sa frimousse mutine nous séduisent depuis la sortie de son premier album, "La vie sauvage", en mars 2017. Celle que les médias surnomment "la Frida Kahlo de la chanson" forge aujourd’hui son propre style hispano-bruxellois dans un deuxième opus baptisé "Charango".
Ton univers ?
Ma mère est une grande mélomane. Les voix de Maria Callas, Billie Holiday ou encore Cesaria Evora ont bercé mon enfance. J’ai pris des cours de chant lyrique de mes 14 à 20 ans. Je n’ai pas d’origine espagnole mais j’ai toujours eu une affinité pour cette langue. J’aime le mélange des sons et des cultures, exploser les codes et réinventer les styles. Transmettre des messages au travers de chansons aussi solaires et dansantes que nostalgiques.
Ton déclic pour la musique ?
J’ai vécu un choc émotionnel il y a quelques années. Faire de la musique est devenu vital. J’ai rencontré Vincent Liben (ex-Mud Flow), mon compagnon, qui m’épaule dans l’orchestration, la production et les arrangements de mes morceaux. La musique, c’est la liberté, les voyages, les rencontres, les émotions vraies.
Être une artiste en 2020, une galère ?
Je me considère comme chanceuse car le statut d’artiste me permet de faire de la musique à temps plein et de ne pas devoir faire un autre boulot à côté. Avec la crise que l’on connaît aujourd’hui, les choses sont compliquées… Mon album est sorti cet été - il devait sortir au printemps - et la plupart des dates de concert ont été reportées. Pour moi, rien ne remplacera jamais le concert live. Je suis un peu comme tout le monde, dans l’incertitude. Mon dernier concert était devant un public assis et masqué. C'était particulier mais c’était quand même génial.
Une rencontre ?
Vincent Liben. On s’est trouvé. Il m’a poussé à écrire et à croire en moi. On travaille main dans la main et il fait un remarquable travail d'arrangeur-producteur à partir de mes maquettes guitare-voix.
Le morceau dans ton nouvel album qui te tient particulièrement à cœur ?
La chanson “Le Choix” où il est question de liberté de disposer de son corps. Le premier couplet parle de l'avortement. Le second traite d'un abus. C’est le livre "l’Evénement d’Annie Ernaux" qui m’a inspirée pour écrire cette chanson. C’est un sujet qui me touche particulièrement car j’ai moi-même avorté. J’ai aussi subi du harcèlement de rue comme beaucoup d’autres femmes… Avant je subissais le machisme sans vraiment réagir. Je me disais que c’était mon “lot”, que ça faisait partie du package. Puis j’ai commencé à lire des livres féministes qui m’ont fait prendre conscience du problème.
En tant que femme, tu as l’impression de devoir en faire plus pour réussir ?
J’ai le sentiment qu’on doit effectivement se battre et lutter un peu plus que les hommes pour faire notre place. Prouver que non, on n’est pas forcément la “muse” de quelqu’un et on n’a pas forcément un mentor. Prouver qu’on est une créatrice qui compose et écrit sans l’aide de personne. C’est aussi important de remettre en question et de déconstruire ses propres croyances et préjugés. Le féminisme a pris beaucoup de place dans ma vie, mes réflexions et du coup, dans mes chansons.
Tes coups de cœur musicaux du moment ?
Orange Blossom dont le style musical mélange diverses origines entre musique électronique pure et world music d'influences arabe et occidentale. Il y aussi les chanteuses Tiwa Savage, Mayra Andrade et Lido Pimienta dont je suis complètement fan.
L’avenir ?
Rester libre et continuer à faire ce que j’aime.
La mode ?
J’adore chiner. Dénicher des belles pièces dans des boutiques de seconde main comme Isabelle Bajart ou les Enfants d’Edouard à Bruxelles.