Aykan in the sky with pixels : l’intelligence (artistique) authentique
L’artiste gantois signe une collaboration atypique avec la maison de whisky single malt Glenfiddich, mécène et découvreur de nouvelles disciplines. Une exposition bien réelle d’art numérique, qui se matérialisera par une série d’œuvres cocréées avec des machines. Qui sert qui ? C’est tout l’art d’une nouvelle philosophie.
"Avec l'intelligence artificielle, il est facile de créer un objet, mais compliqué de lui composer un univers. La machine ne fait pas tout ce qu'on veut, parfois elle résiste ou ne nous comprend pas. C'est la grande différence avec la peinture par exemple, où l'on maîtrise son pinceau. Je travaille généralement dans mon bureau, mais virtuellement - si on peut dire - je peux créer partout, sur mon téléphone, dans un embouteillage. Générer des images en ligne est très facile, on n’a même pas besoin d'ouvrir son ordinateur." Fondé sur la question ontologique What is the future of art?, le projet L’Atelier by Glenfiddich signe un partenariat d’anticipation avec Aykan Umut, créateur d’art digital spécialisé dans le design motion. "Je travaille avec les cultures urbaines, la musique, ce qui émerge de la rue." Le processus est encore (perpétuellement) en cours, mais des œuvres sont déjà accessibles via les galeries Gaggarin à Bruxelles et PLUS-ONE Gallery /A’pen à Anvers. Thomas De Ben, expert numérique auprès de PLUS-ONE, souligne qu’ils ont commencé à observer "la façon dont l’art évoluait avec le développement des outils numériques, les blockchains et l’intelligence artificielle notamment, dans la période post Covid. Traditionnellement, les galeries se présentent comme des espaces blancs et cubiques, supports privilégiés par leur neutralité pour montrer de l'art. Mais désormais, les murs s'effacent et les galeries proposent des projets plus transversaux."
Autre marge de manœuvre gagnée au passage, Aykan a pu élaborer le concept de son projet tout à fait librement. Avec pour pinceau une appli à qui il s’agit d’indiquer des mots pour lui faire générer (digérer) une image composée d’une multitude d’éléments choisis. "On prend un raccourci de l'idée à la création. Avec l'intelligence artificielle, on obtient de l'art direct, par l'utilisation de nouveaux outils qui sont l'extension des moyens traditionnels. Il est inutile d’apprendre la technique, il suffit de trouver les bons mots." Trois ou quatre pages cependant pour décrire au logiciel le visuel désiré le plus précisément possible. Ensuite, la machine compose en quelques secondes l'image demandée, "mais le résultat n'est pas toujours celui attendu. D'un programme à l'autre l'interprétation des mots peut être différente, donc l'œuvre est aléatoire, c'est une authentique cocréation entre l'homme et la technologie. Ce qui se passe dans l'époque est encore atypique, et très intéressant."
Le bon choix des mots, le choc des protos
Pour être le plus précis possible, Aykan a cherché des mots non dans un dictionnaire, mais sur Internet, contexte oblige. "J'avais une idée de base et j'ai construit par-dessus, par couches de phrases, en anglais. On ajoute, on additionne, à un moment ça s'arrête, on regarde ce qu'on a obtenu et parfois, on recommence. Tous ces mots composent une histoire." Dès la rentrée, l'exposition comprendra une trentaine d'œuvres, autant d'idées rassemblées dans des scénographies digitales, certaines projetées sur des bâtiments à Bruxelles, d’autres accessibles en avant-première sur les comptes Instagram des galeries. Aykan, qui travaille aussi en vidéo pour des projets artistiques ou commerciaux pour des campagnes de marques, estime qu’il a d'une certaine manière "écrit un script grâce à l'intelligence artificielle. Même si ces œuvres sont ensuite imprimées en haute résolution, j'aime la dimension digitale, le support physique n'est pas très important pour moi." Pour Thomas De Ben le galeriste, "la valeur du travail digital, c’est qu’on sait où il commence, en ligne, et qu’il peut aller partout, c'est une plaine de jeux sans barrières." Ses œuvres sculptées avec des mots, Aykan les partagera donc le plus humainement du monde, quoique par les ondes. Quant aux textes de base, il les gardera pour lui. Un ultime acte de poésie.