Le Corazón à Majorque : un écrin artistique au cœur de la Serra de Tramuntana
L'hôtel Corazón de Majorque porte bien son nom, car il symbolise l'union sacrée de la passion chevillée au cœur et d'une région d'Espagne baignée de soleil. Ce pôle artistique blotti au cœur des superbes montagnes de la Serra de Tramuntana est la porte ouverte vers un monde secret où la nostalgie et la créativité prédominent.
Le spectacle offert par une chute de reins d’une blancheur immaculée sur un corps bronzé me fait l’effet de la madeleine sur Proust : une bouffée de nostalgie à l’état pur ! J’y retrouve l’insouciance d’une journée de farniente au soleil qui touche à sa fin, la douceur de la douche qui chasse le sel de la peau et le contraste entre des fesses d’albâtre et des jambes exposées des heures durant au rayonnement solaire. Mon instinct m’incite à faire confiance aux artistes capables de capturer la poésie d’une croupe dénudée et Kate Bellm en fait partie. Cette photographe britannique, originaire de Majorque, s’est fait un nom en prenant des clichés aux accents oniriques et psychédéliques de ses amis occupés à se baigner dans le plus simple appareil dans les eaux azur de son île natale. Outre la nudité artistique, la nature joue également un rôle central dans son travail, qui a été publié dans Vogue, Interview, Playboy, des campagnes de Zara et Gucci, et - bon à savoir pour les collectionneurs - les livres "Amor" et "La Isla". Picture perfect. Et pour rompre avec le train-train quotidien en pleine grisaille automnale, rien de tel que de rejoindre le cadre idyllique de l’hôtel que Kate Bellm vient d’ouvrir avec son mari Edgar Lopez, peintre, sculpteur, tatoueur et musicien. Car franchir le porche de l’hôtel Corazón revient à pénétrer dans un monde à part où rien n’est obligatoire mais tout est permis. Kate Bellm et Edgar Lopez ne sont pas friands des règles. Leur histoire d’amour voit le jour au Mexique dans l’hôtel où l’artiste travaille en résidence. Ils ont le coup de foudre l’un pour l’autre, mais aussi pour le linge de lit parfait de leurs chambres d’hôtel qu’ils s’empressent de dérober pour construire des tipis sur la plage : leur première œuvre artistique commune. Le couple se marie et mène, pendant des années, une vie sous le signe de la créativité aux quatre coins du globe. Jusqu’à leur arrivée à Majorque dont "la force d’attraction irrésistible", selon leurs propres termes, a pour effet de les envoûter. Ils posent leurs valises à Sóller, au cœur de la région artistique de Tramuntana, où ils habitent avec leur fils Sage.
Tout est permis
Un duo hors du commun dont l’empreinte se marque sur l’hôtel Corazón dans l’absence de lignes droites classiques. Les murs, les escaliers, les lits, les tables et même la vaisselle ne sont que courbes et surfaces lisses et naturelles. La finca d’autrefois, un domaine agricole dédié à l’approvisionnement des villes de Deìa et Sóller au XVIIIe siècle, s’est muée aujourd’hui en un bastion de fluidité et de bien-être design. La nature et toutes ses imperfections y ont droit de cité, des braiments de l’âne en guise de réveil matinal au magnifique jardin d’hiver et aux matériaux d’extérieur conviés à l’intérieur. Toutes les frontières s’estompent et pas seulement celle entre intérieur et extérieur. Savourer un film d’art et d’essai sur grand écran, sous un ciel étoilé, tout en piquant du pop-corn à la star anonyme assise sur le pouf d’à côté ? Aucun souci. Valser pieds nus dans le hall, jouer à cache-cache dans les couloirs aux allures de grottes, construire une maison de poupée au bord de la piscine sur les transats orange en clin d’œil aux seventies, prendre un bain de soleil sous le regard de chèvres en train de brouter ou un bain de minuit à la pleine lune, cueillir des fleurs sauvages, faire de l’exercice dans la plus belle salle de sport du monde selon nous, partir en randonnée sur les sentiers de montagne environnants ou se plonger toute la journée dans les magnifiques ouvrages du lobby : tout est permis ! Les hôtes ont le choix entre deux suites et treize chambres, qui doivent leur aménagement unique à des artisans locaux. Mais pas forcément besoin d’une clé pour se rendre au Corazón qui, en plus de l’hôtel, déploie un restaurant, une ferme, une galerie, un concept-store et un espace de rencontre pour la communauté créative de la région de Tramuntana. Grâce au vaste programme d’artistes en résidence, l’espace artistique se renouvelle tous les six mois. Le comptoir, par exemple, est l’œuvre de l’artiste berlinoise Yasmin Bawa qui s’est inspirée du rocher préféré de Kate Bellm à Majorque. Expositions, jam sessions, spectacles, cinéma de plein air, expériences sonores, ateliers, séances de yoga et autres surgissent spontanément ou non parmi les cactus et le romarin sauvage. Mention spéciale aussi pour le programme de fermiers en résidence, car la cheffe polonaise Eliza Parchanska, dont la cuisine fait vibrer tous les sens, se fournit en grande partie en herbes, légumes et fleurs de première fraîcheur dans la ferme régénérative du Corazón.
Ici, pas de télé mais des vues !
"Je voulais un endroit où la communauté du Tramuntana puisse se réunir, manger, travailler et créer. Vivre sur une île est une expérience formidable, mais je dois reconnaître en toute honnêteté que la spontanéité des échanges créatifs dans les grandes villes me manquait parfois. Cette énergie couplée à la magie de la région produit un vrai feu d’artifice", souligne Kate Bellm. "J’ai imaginé un pôle artistique pour des shootings photo et vidéo, des expos et des concerts, de la bonne cuisine et un mode de vie axé sur la détente. Un endroit où l’on se sent comme chez soi, où les chemins des nouveaux et des anciens amis se croisent. En fait, pour moi, l’hôtel Corazón est un havre de paix pour les esprits qui sont sur la même longueur d’onde, un canevas créatif en perpétuel développement." Outre le fait que son hôtel est photogénique à l’extrême - il y a pire comme risque professionnel -, la splendeur de la nature environnante est aussi source de tranquillité. "Ici, pas de télé mais des vues !" Niché le long d’une ruelle sinueuse comme il en existe beaucoup dans la région, l’hôtel surplombe d’un côté des montagnes majestueuses et, de l’autre, des figuiers, des cyprès, des pins et des oliviers à perte de vue. Au bout de la ruelle, le paysage plonge brusquement le long de falaises abruptes vers les eaux étincelantes de la Méditerranée. Le littoral déroule un trésor naturel de criques, de rochers d’où s’élancer, de grottes secrètes et de cascades. Sur la terre ferme, les terrasses inondées de soleil des villages pittoresques de Deìa et Sóller attirent, depuis les années 1930, des flots d’artistes, d’écrivains et de musiciens qui ont marqué de leurs gènes près de la moitié des insulaires. Les maisons en pierre et les venelles étroites servent de toile de fond à de nombreux romans, peintures et films depuis près d’un siècle. Rien d’étonnant quand on sait l’urgence à rêvasser au soleil qui imprègne les lieux. Il n’y a pas de meilleur endroit pour passer l’été indien : la chance ultime de sentir l’étreinte du soleil, pimentée d’une averse occasionnelle qui amplifie les senteurs des fleurs et des herbes sauvages. Et le soir, au moment de poser ses fesses blanches près de la cheminée du salon, en tenant dans les mains un bon livre et un verre de vin réconfortant, les paroles de Kate Bellm prennent tout leur sens : "Nous invitons une nouvelle génération de voyageurs, qui apprécient la simplicité et la liberté tout autant que la décoration. Des hôtes qui aiment marcher pieds nus, déguster des fruits cueillis à même l’arbre, trébucher sans rechigner sur le chat qui prend un bain de soleil dans le lobby, nager sous les étoiles, et surtout, calquer leur rythme sur le tintement des clochettes des moutons ou le bruissement des palmiers. Ici, l’aventure l’emporte toujours sur la routine, car la liberté règne en maître."