En Toscane, la Villa Lena prouve que la Dolce Vita n’est pas qu’un vieux fantasme
Concept hybride, Villa Lena, en Toscane, constitue un mode de vie idéal et une communauté motivée par l'amour de l'art.
Dans une Toscane méconnue, à équidistance de Pise, Florence et de la Méditerranée, Villa Lena prouve que la Dolce Vita n’est pas qu’un vieux fantasme. Il règne ici une atmosphère particulière, presque mystique. La légende raconte même qu’après-guerre, une jeune femme nommée Elvira fut égorgée sur ces terres et qu’elle hante toujours la région. Difficile donc de décrire cet endroit tant son atmosphère est singulière... Pour y goûter, il faudra s’envoler jusqu'à Pise, puis prendre la route en Vespa sur des chemins tortueux... Pas de grilles à pousser à l’entrée. Le domaine est ouvert à tous. Seul un blason, dessiné par le graffeur parisien André, indique que l’on est arrivé à destination. La propriété est immense. Il y a la Fattoria, une ancienne étable qui abrite des appartements avec hauts plafonds, cheminées et terrasses rénovés par les célèbres architectes Hesselbrand. Un peu plus loin, des villas avec piscine pour les familles, quatre pavillons agricoles reconvertis en ateliers d’artiste, une forêt à perte de vue, un resto qui sublime les produits locaux, un bar à cocktails animé, une piscine, un écran géant pour films en noir et blanc, des terres gorgées de truffes, champignons, olives et pieds de vigne... Et au centre de toute l’attention, une belle demeure couleur corail qui domine depuis le début du XIXe siècle, figure de proue d’un projet hybride mariant une fondation d’art, un projet agricole durable et un hôtel concept écoresponsable. À l’intérieur, tout semble intact, couloirs sans fin, carrelages d’époque, meubles chinés... Les fêtards s’y sentent comme à la maison, les solitaires n’y croisent personne, les artistes y créent sans pression...
Vouloir en être
Il y a un peu moins de quinze ans, ce cadre idyllique était en ruine. “L’endroit est très reculé. Même les Toscans ne s’aventurent pas jusqu’ici. Ils préfèrent la région du Chianti”, nous explique Pietro, un Italien pur jus responsable du domaine agricole. Coup de chance, une riche famille russe basée à Moscou tombe sous le charme du lieu et rachète le domaine avec l’idée d’en faire un hôtel... Cinq ans plus tard, leur fille aînée, Lena Evstafieva, une galeriste hyper connectée ayant travaillé pour la Pace Gallery à Londres, et son compagnon Jérôme Hadey, un musicien et producteur français, ont le projet fou de créer ici un mode de vie idéal, une communauté d’un nouveau genre réunit autour de l’amour de l’art. Pour donner un supplément d’âme "cool et glamour" à l’endroit, ils s’associent à Lionel Bensemoun (celui qui transforma le Baron en club fréquentable). Afin de relever le défi, le roi des nuits parisiennes entraînera avec lui toute sa “clique” : André pour l’identité graphique, Clarisse Demory pour la direction artistique et la décoration, Stéphanie Ceccaldi et une DJ de Calvi comme chef des cuisines... Aujourd’hui, les ruines ont laissé place à un paradis qui sent bon le savon Santa Maria Novella. Quand on demande à Lena, fille des propriétaires et grande plante souriante aux lunettes oversized, d’expliquer l’origine de son concept, elle répond qu’il repose simplement sur la rencontre de gens créatifs : “On s’est juste demandé comment créer un endroit qui nous ressemble et qui plairait à nos amis. Mon mari et moi, on adore l’esprit de l’Hôtel Amour à Paris, c’est pour ça qu’on a appelé Lionel pour nous aider à concrétiser le projet. Tout s’est fait au fur et à mesure et de manière super spontanée, sans aucune idée marketing ‘undercover’”, explique-t-elle. “On invite ici des artistes installés comme ceux de demain à s’épanouir et développer leur créativité le temps de rés- idences enrichissantes. Les visiteurs, eux, sont invités à partager une vraie vie de communauté, paisible et inspirante.”
Une grande maison de famille
Bien que refaites, les chambres de cet hôtel hors du commun semblent restées dans leur jus, sol de tomettes inégales, buffet de grand-mère, cuisine et salle d’eau à l’ancienne compris. Surtout, aucune ne ressemble à sa voisine. Avec pour principe d’offrir aussi le gîte à des créateurs, La Villa Lena est une sorte de Villa Médicis à la campagne. En échange de leur séjour, les artistes remettent à la fondation une de leurs œuvres, libre de droits. Des œuvres exposées un peu partout dans la propriété. Ici, il n’y a pas d’écran de télévision dans les chambres : “En Toscane, pas question de rivaliser avec la nature qui nous entoure”, nous dit-on. On y voit l’occasion de lire un bouquin, de refaire le monde avec notre voisine de chambrée, venue ici pour écrire un recueil de poésie, de faire des compositions florales avec le collectif danois Blad, en résidence à ce moment-là... Ici, vivre en osmose avec la création est la base. Au petit dej’, on croise à la machine à café le Tout-Paris mondain, des mannequins, photographes, créateurs de mode... Mais aussi des trentenaires avec enfants, des bandes d’amis, les talents de demain et d’aujourd’hui... L’ambiance y est décontractée, le confort essentiel. Comme si on avait fusionné une colonie de vacances et une maison de famille, les touristes de passage se mélangent aux artistes résidents de manière naturelle. Quand on lui demande comment se passe la cohabitation entre vacanciers et artistes, Lena s’enthousiasme de ces rencontres inattendues, des partages réjouissants, parfois même inspirants: “Un jour, on avait au même moment Christine and the Queens, des jet-setteurs de Miami et de Los Angeles, et des agriculteurs italiens du fin fond de la pampa toscane... Au bout de quelques jours, ils étaient tous en maillot à prendre l’apéro.” Un melting-pot surréaliste. C’est ça, Villa Lena.
Activités d'hiver et variées
Après la frénésie de la saison estivale, des apéros Spritz, des séances de bronzette sous le soleil toscan, l’automne à la Villa Lena prône plutôt le “slow life”, les balades en forêt et l’observation des cervidés. Sans oublier la chasse aux truffes blanches, un rituel quasi quotidien de septembre à janvier. Le chasseur et ses chiens truffiers qui nous guident ce matin-là connaissent les bois mieux que personne. Thanks god, la chasse sera bonne ! Le fruit de notre quête sera dégusté à l’heure du déjeuner, fraîchement râpé sur des tagliatelles faites maison. Mais la truffe n’est pas la seule richesse de ces hectares plantés d’oliviers. La frantoio, variété d’olive de la région, est un trésor de gastronome. Son huile d’olive commercialisée dans une bouteille “brandée” Villa Lena est un nectar dont nos papilles, de retour en Belgique, ne peuvent plus se passer. Dans le potager de la propriété, d’anciennes variétés toscanes de tomates, courgettes, aubergines, oignons rouges, haricots blancs et fèves nourrissent à chaque service les résidents de l’hôtel. C’est simple, beau et bon. Comme ce pique-nique organisé dans la forêt avec au menu salaisons et vins locaux. Mais il est déjà temps de partir... De quitter cette bulle. En quittant le petit village de Palaia, on se surprend à regarder dans le rétro un long moment en rêvant d’un monde semé de Villas Lena.