Tendance : comment la tong a-t-elle pris sa revanche sur la mode ?
Alors que l'été arrive à grands pas, nous voilà de nouveau face aux mêmes questionnements. Sommes-nous enfin autorisés à remettre ces vieilles tongs, toujours vivantes après dix bonnes années de loyaux services ? Car, oui, aussi populaire et cheap qu'elle puisse paraître, la sandale est une véritable warrior. Avec l'âge, elle ne semble (presque) pas subir les ravages du temps. Mais côté style, elle est loin d'être adulée par la fashion sphère. À tort. Une fois pour toute, prônons la réhabilitation de la tong !
Produit de luxe devenu populaire
À l'origine, la tong n'était pas la mauvaise élève telle qu'on la connaît. Tout au contraire, il s'agissait d'un produit de luxe. Il y a plus de 5 000 ans, en Égypte, les sandales étaient réservées au Pharaon et à sa famille, désireux de marcher sur le sable sans s'abîmer la voûte plantaire. La chaussure consistait en une simple semelle rigide en papyrus tressé, dotée de lanières de cuir. Puis les impératrices romaines se sont mises au pas, déclinant le produit de semelles moulées en or. Rien que ça. La tong migre ensuite sur le continent asiatique, et prend la forme de zori (à savoir une sandale à talon compensé, à bride en Y, se portant avec une chaussette à doigt marqué) puis celle de geta au XXe siècle (une version montée sur patin de bois pouvant atteindre jusqu'à 10 centimètres, adulée des courtisanes). On est bien loin de la provenance brésilienne qu'on lui porte à tort. C'est uniquement en 1964 que la marque Havaianas s'emparera du marché de la tong, déposant le brevet d'un modèle tout en plastique. Et voilà que la chaussure se vulgarise, sa simplicité et son faible coût attirant les habitants des bidonvilles, avant d'exploser autour du globe à la fin des années 90.
Mauvais goût donc mauvaise presse
Son confort idéal en période estivale et sa robustesse à toute épreuve auraient dû en faire l'objet de tous les désirs, l'alliée parfaite en toute occasion. Malheureusement les people ont eu raison de sa réputation, la maltraitant à coup de looks douteux, caractéristiques des années 2000. On l'infantilise, la faisant reine des cartoons et teen-movies à succès, à l'instar de Lizzie McGuire et ses tongs oranges fluo à plateformes. Puis on la ridiculise, l'associant à des survêtements en peau de pêche roses telle une Paris Hilton. Trop tard pour elle : de luxueuse, la voilà plouc. Ce n'est rien d'autre qu'une pauvre tatane, à la portée de toutes les bourses. Emblème des vacances, chaque année la tong est pourtant de sortie. Avec honte, on ne l'arbore que loin de notre environnement habituel, là où le laisser-aller est possible, où personne n'est apte à nous juger. Mais en 2014, Saint Laurent sort une tong arc-en-ciel, copie quasi conforme du modèle vendu 20 francs (soit environ 3 euros) dans les années 80. Audace spontanée ou véritable coup marketing ? Quoi qu'il en soit, les balbutiements du cheap luxe sont sur leur chemin. Timidement, vers 2017, Alexander Wang et Dries Van Noten proposent leurs versions de la chaussure, dont les silhouettes semblent enfin dignes d'intérêt. Depuis, chaque année, de nouvelles maisons tentent leur chance : Michael Kors, Isabel Marant... Même la critique de mode Sophie Fontanel s'évertue à remettre la Havaianas au goût du jour ! La journaliste l'affirme sans vergogne : la tong, c'est élégant ! Et chaque été, elle prend un malin plaisir à convertir ses adeptes, à les "tonguévangéliser" comme elle s'amuse à le dire.
Vers la voie de la rédemption
Au-delà de ces facteurs, il semblerait que les 2000s soient proie à un come-back étonnant. Après les dad sneakers, voilà que la tong est la prochaine chaussure que tous les pieds crèvent inévitablement d'envie d'arborer. Exit la Cendrillon aux stilettos, bonjour la néo-bimbo ! Pour autant, hors de question de retomber dans de vieux travers. Les flip-flops se portent désormais avec style. N'imaginez pas sortir dans la rue avec votre tenue de plage, bien au contraire. Les défilés les plus en vue nous ont concocté des associations ultra-pointues, où tongs se mêlent à tailleurs bien coupés, robes ultra brodées, voire ensembles satinés résolument chics. Les maisons Christian Dior, Fendi, Proenza Schouler, Givenchy et Balenciaga ne sont quelques noms qui ont parié sur un retour acclamé de la sandale emblématique. De quoi redonner ses lettres de noblesse à cet objet du quotidien, l'érigeant à nouveau au statut de luxe qu'il mérite.