Post-confinement : quel est l'avenir de la mode ?
Avec la nouvelle réalité imposée par la pandémie de coronavirus, l'industrie de la mode, en raison de sa nature la plus vulnérable, est l'une des plus touchées. Mais elle est aussi l'une des plus susceptibles à se réinventer et à réagir rapidement à la "nouvelle normalité". Si la durée et la gravité de la pandémie restent inconnues, savoir comment gérer ce moment et les opportunités qui se présenteront est ce que recherchent les entreprises, les influenceurs, les designers et tous les personnages de l'univers de la mode.
Sur le marché depuis 17 ans, Gabriella Negromonte a collaboré avec des marques comme Calvin Klein, le Groupe Inditex et a été Brand Manager chez Jimmy Choo. Aujourd'hui, elle travaille comme consultante pour de grandes entreprises nationales et internationales. Pour l'occasion, l'entrepreneuse nous donne son avis sur certaines des questions les plus récurrentes concernant l'industrie de la mode.
Y A-T-IL UN AVENIR POUR LA MODE ?
"Je crois en ce qui suit : la mode concerne le comportement social, donc tant qu'il y aura de l'humanité, il y aura de la mode. Ce que nous devons comprendre maintenant, c'est comment tout le monde se mobilise et comment nous pouvons contribuer à ce changement. La mode est très importante pour le monde non seulement parce qu'elle reflète le comportement social, mais aussi parce qu'elle a une importance énorme pour l'économie mondiale."
QUEL EST L'AVENIR DE LA MODE ?
"Le monde montrait déjà des signes des changements qui devaient être apportés, et maintenant ils sont nécessaires. Nous savons déjà que la durabilité est sur le bon chemin, et que l'expansion du numérique est une autre solution nécessaire pour la survie du commerce de la mode."
QU'EST-CE QUI DOIT CHANGER DANS LA MODE ?
"Nous savons déjà que nous devons suivre la voie de la durabilité et que les entreprises doivent s'adapter à un format écologiquement correct, mais c'est un long processus. Avec tous les derniers développements, il est nécessaire d'accélérer ce processus, qui est non seulement long, mais aussi coûteux, et pourtant toutes les entreprises ne seront pas en mesure de s'adapter à ces changements. Je pense qu'il est impossible de développer des entreprises 100% vertes, mais nous devons chercher des alternatives dès maintenant pour faire face aux déchets excessifs causés par la mode, qui est l'un des marchés les plus polluants au monde."
CE QUE FONT LES GRANDES ENTREPRISES
"Il est très important de comprendre ce que les grandes maisons envisagent de faire - et font déjà - parce qu'elles vont être les précurseurs de ce mouvement. Une fois qu'elles commenceront à exiger des changements de leurs fournisseurs, principalement des textiles, les petites entreprises en bénéficieront.
Marc Jacobs dit que nous allons enfin changer ce format de tant de déchets, de tant de collections. C'est une exagération que nous connaissons actuellement, avec une moyenne de 6 collections par an. En plus, ce processus peut conduire à l'épuisement de la direction créative. Le designer parle aussi de la peur de s'habituer à l'isolement social. Cette sitiation risque en effet de nous déshumaniser, de nous isoler encore plus, et cela encourage l'individualisme. Je pense que nous devons nous concentrer sur une autre manière et étendre l'humanisation comme la solidarité.
Contrairement à Marc Jacobs, qui dit qu'il ne produit rien du tout, Virgil Abloh, qui pour moi est un grand visionnaire de la mode, dit qu'il produit sans arrêt, qu'il continue d'avoir des idées et dit qu'il cherche principalement de nouveaux formats en accord avec la nouvelle génération. Il a discuté avec beaucoup de jeunes pour comprendre ce qu'ils attendent : il est très important que nous écoutions les différentes opinions, principalement venant de cette nouvelle génération.
C'est également le moment pour les managers d'exploiter leur croissance. Un exemple est Bernard Arnault, précurseur de mouvements très importants dans la mode, comme celui de Stella McCartney en tant que conseillère du groupe, qui sera aujourd'hui très importante dans la mise en œuvre, le développement et l'amplification de la durabilité dans l'un des groupes les plus importants non seulement dans la mode, mais dans le secteur du luxe, LVMH. Le monde montre des signes de besoins et de changements futurs, et il y a des gens visionnaires qui parviennent à capturer cela. Bernard Arnault est, selon moi, un visionnaire, principalement parce qu'il a été le premier à transformer ses usines afin de produire des gels hydroalcooliques, un geste qui restera à jamais marqué."
LA CLÉ POUR CHANGER LA MODE
Les consommateurs sont la clé de tout changement ! La façon dont nous consommons est ce qui définira le nouveau format de la mode, nous devrons changer la culture de la consommation.
CE QUI DOIT CHANGER DANS LA CULTURE DES CONSOMMATEURS
Je pense que ce sera le processus le plus compliqué car nous ne savons pas, par exemple, comment commercialiser sans surexploiter la gamme de produits différenciés. La question de la culture des médias numériques, où les produits sont vendus tout le temps, est aussi délicate. Fondamentalement, c'est ce que font beaucoup d'influenceurs : stimuler la consommation de différents produits toute la journée, donc la communication doit être modifiée. Il doit y avoir une réelle incitation à consommer différemment les vêtements et accessoires pour miser sur des produits de qualité et polyvalents, qui ont une durabilité réelle. Aussi, il est important de soutenir les entreprises avec un but et des valeurs, qui ont des contributions positives avec leur société. Les influenceurs peuvent avoir un rôle très important dans cette modification s'ils savent se réinventer et s'adapter aux besoins de ce nouveau moment.