Mode

Coralie Barbier revient sur 10 ans de succès à la tête du label Mosaert

À quelques semaines du lancement de sa capsule n°6, célébrant ses 10 ans et surtout un tout nouveau logo, Coralie Barbier, l’une des têtes pensantes du label belge Mosaert, s’est confiée à L’Officiel. Rencontre.
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En juin 2020, "Cheese", le premier album de Stromae, propulsé par le tube planétaire "Alors on danse", célébrait ses 10 ans. Une décennie marquée par le lancement du label Mosaert destiné à piloter tous les aspects créatifs, le succès phénoménal du second album du chanteur "Racine carrée", cinq collections capsules de vêtements, et des collaborations artistiques de renom telles que Le Bon Marché ou Repetto côté mode, mais aussi Dua Lipa et Billie Eilish côté musique. Un cap que le label célèbre aujourd’hui sous le signe du renouveau, avec un logo flambant neuf en forme de nuage pour une nouvelle identité visuelle, décliné à travers une capsule n°6, qui résonne comme une collection anniversaire. Et puisque Stromae, Coralie Barbier et Luc Junior Tam ne font jamais les choses à moitié, ce tournant marque également l’engagement définitif de Mosaert en faveur d’une mode écoresponsable, avec des vêtements composés presque à 100% dans le respect de l’environnement. À la clé ? Une quinzaine de pièces unisexes confectionnées en Belgique, en France et au Portugal, à partir de matières recyclées ou biologiques. Seuls détails qui empêchent encore de considérer cette dernière capsule comme étant à 100% éco-friendly ? "Les fermetures, les zips et les accessoires, qui sont encore en métal et ne sont pas recyclés", nous explique Coralie Barbier, qui dessine les créations mode pour le label. "Le frein souvent, c’est quand techniquement, ce n’est pas encore possible de le faire, ou que la qualité n’est pas encore aboutie", précise-t-elle.

Maturité des notes

Côté style, Coralie, épaulée par la petite mais très efficace team qui compose le label, semble passer à une nouvelle étape également, comme si son processus créatif avait gagné en maturité. Car si les vêtements signés Mosaert faisaient jusqu’ici la part belle aux motifs chargés aux inspirations Art déco, ce n’est plus le cas pour cette sixième capsule. La nouveauté incontournable ? "De l’uni !", nous répond la styliste. Ironiquement, la sobriété de cette collection est une surprise. "C’est bizarre de dire que c’est nouveau, mais chez nous c’est le cas. L’envie était de mettre le logo en avant et de créer un motif par la matière", souligne-t-elle. Un tout nouveau logo donc, véritable fil rouge de cette collection. Le motif ? Un nuage tricolore – bleu, vert et rose –, qui aura nécessité pas moins de 400 brouillons avant d’aboutir au résultat final. "Faire quelque chose de simple, c’est très compliqué. Le logo à lui seul a pris six mois", déclare l’intéressée. Résultat ? Un nuage parfaitement équilibré, véritable symbole de maturité, permettant de représenter au mieux l’esprit du label. "On s’est dit que quoi qu’on fasse, l’impulsion est toujours de trouver des idées, de l’imaginaire, de la créativité. C’est toujours l’impulsion première. Même pour nos collaborations, si l’impulsion est là, on aura toujours la même énergie, et ce même processus créatif. Avec le nuage, on a le côté imaginaire, le côté léger ; on avait envie de quelque chose de ludique et coloré qui ne fasse pas nuage de météo", ajoute Coralie Barbier. Conçu en collaboration avec les graphistes de Bold At Work, le fameux nuage coche ainsi toutes les cases permettant de résumer l’esprit de Mosaert. "On leur a donné toutes nos envies, Luc, Paul et moi, on a fait beaucoup de brainstormings, et tout à coup, les ronds étaient parfaitement ronds – on est un peu névrosés –, on pouvait quand même deviner le M, un enfant pouvait le dessiner –  c’était très important pour nous –, il pouvait fonctionner en pavage et se décliner de différentes manières, il marchait en noir et blanc mais aussi en couleurs." Autant d’éléments qui font aujourd’hui de ce logo l’image incontournable du label, et qui ont permis de donner l’impulsion pour créer la collection : "Je n’ai pas su la dessiner tant qu’on n’avait pas le logo."

Si les palettes de couleurs vives et les imprimés tapisseries signatures font désormais partie du passé, l’ADN du label est on ne peut plus présent au cœur de cette collection. "Le fait qu’un pantalon soit côtelé, cela crée des rayures, donc on n’a pas ajouté de motif. Ensuite, dans les choix de couleurs, étant donné que notre logo est assez flash, la gamme de couleurs fait la part belle aux teintes naturelles avec du terre, du kaki, du bleu gris… On a tendance à en faire moins que par le passé." Autre détail indissociable de la patte Mosaert ? Le pavage, que l’on retrouve dans cette collection. L’une des pièces stars ? "Le K-way", nous répond Coralie. "C’est une matière nouvelle, et c’est du 100% recyclé. Et en même temps, on retrouve notre ADN avec le pavage."

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© Antoine Melis

Réinterprétation et adaptation

Pour son lancement, l’équipe avait prévu l’ouverture d’un pop-up store spécial à Paris, permettant de réunir les fans du label, mais aussi de célébrer sa nouvelle identité en grande pompe. Mais pandémie mondiale oblige, il a fallu repenser l’organisation de la sortie de cette nouvelle capsule en temps de crise sanitaire. "La collection sera disponible exclusivement en ligne. On avait prévu un pop-up à Paris mais avec la pandémie, on n’a pas osé le faire car on ne sait pas comment cela va évoluer", explique Coralie. À la place d’un événement exclusif, le label a ainsi imaginé une sorte d’itinéraire artistique piloté par un nuage mobile qu’il sera possible de suivre dans plusieurs villes. "On avait quand même envie de célébrer le lancement du logo. L’idée, ce sera de faire voyager ce nuage un peu partout dans le monde", précise la créatrice. Une sorte d’installation artistique donc, qui permet une fois de plus de faire écho à cette maturité atteinte, symbolisée par davantage de sobriété. Car si Stromae avait créé un nouveau morceau à l’occasion de la présentation de la capsule n°5 au Bon Marché, ce ne sera pas le cas cette fois-ci. "Pour le Bon Marché, cela faisait sens car il y avait un défilé, et on aime que la musique vienne se greffer à la mode, et cela se justifiait car on avait besoin de musique." Même son de cloche du côté d’une potentielle déclinaison lifestyle de la capsule : "Il n’y en aura pas cette fois. Quand on l’avait fait, c’était vraiment pour le Bon Marché car l’endroit vend ce genre de produits. Mais avec ce tournant écologique, je pense qu’il faut se concentrer sur certaines choses. On aime bien faire ce qu’on connaît bien. Et s’il faut savoir s’entourer de spécialistes pour d’autres choses", conclut Coralie.

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© Antoine Melis

Trouver l’harmonie en temps de crise

À l’heure où de nombreuses marques ont dû trouver le moyen de continuer à exister en période de pandémie mondiale, Coralie Barbier tire un bilan mitigé sur ce que cette dernière a impliqué sur la conception de la collection et son esprit créatif. "Celle-ci a été créée avant. Le logo était fixé et on était en cours de production quand est survenue la pandémie. Donc pour être franche, heureusement que la partie créative était déjà faite, parce que je n’ai pas trouvé que c’était une période très créative pour moi. J’ai aussi un enfant en bas âge, donc c’est compliqué de travailler en même temps." La production de cette collection s’est ainsi déroulée au ralenti, ce qui n’est pas vraiment un problème pour le label, qui ne s’est jamais imposé de deadlines strictes ou de saisonnalité. Le confinement aura cependant permis à la créatrice de réapprendre à vivre dans le présent, entourée de sa famille, comme elle nous  l’explique : "J’étais a la maison comme tout le monde (rires). Avec mon fils qui a un an et demi. Or, cela prend beaucoup de temps de s’occuper d’un enfant. Et quand il faisait ses siestes ou le soir, je travaillais et on faisait nos calls avec l’équipe. Il n’y a pas eu de chômage technique chez nous, donc tout le monde était content mais ça fonctionnait au ralenti. On était vraiment dans le présent, l’ici et le maintenant. Il n’y avait plus cette charge d’organisation entre le boulot, la vie de famille et la vie privée." Quant à l’industrie de la mode post-Covid, elle estime qu’elle sera obligée de s’adapter aux nouveaux modes de consommation du public : "J’espère qu’il y aura un impact sur l’écologie et sur la surproduction. J’espère qu’on pourra calmer le jeu. Mais je pense que l’impact sera surtout une grosse crise économique et que l’industrie de la mode devra plutôt faire face à cela. Le consommateur va consommer différemment et l’industrie de la mode devra s’adapter."

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© Antoine Melis

Orchestration triomphale

Lorsqu’on pense à Mosaert, on a tendance à résumer le label à Coralie Barbier… Quand ce n’est pas, dans la majorité des cas, à son mari Stromae. Pourtant, chaque membre de l’équipe s’implique à hauteur égale dans les différents projets. Pour cette collection, Coralie détaille : "Le logo, c’est Paul, Luc, moi, les graphistes et l’équipe. On s’est tous investis de la même manière car le logo touche tout le label. Ensuite, je dessine la collection de mon côté mon côté, puis je montre les dessins à Paul, Luc et l’équipe, et on adapte certaines choses. Le côté production, c’est Roxane. Et la communication, c’est Gaëlle, avec toujours un regard extérieur de Luc, Paul et moi. Ils n’ont pas une approche mode, donc c’est toujours très intéressant. Pour la partie shooting, c’est Gaëlle, Luc et moi, avec un regard extérieur de Paul. Il y a toujours quelqu’un au centre qui bénéficie de l’avis des autres. Il faut qu’on soit tous d’accord." Une petite équipe donc, mais une réelle écoute, un bien-être au travail, et une implication égale pour une orchestration triomphale.

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© Antoine Melis

Une décennie créative

Musique, direction artistique, audiovisuel, mode… En dix ans, le label Mosaert a réussi à convaincre les plus grosses pointures du milieu. On pense notamment à l’association Stromae-Coldplay sur le titre "Arabesque" lors de la présentation du nouvel album du groupe britannique, mais aussi la collaboration avec la sensation pop Billie Eilish, pour qui le chanteur et son frère ont signé le clip de "Hostage". Sans oublier les nombreuses collaborations mode, avec Repetto, Le Bon Marché et prochainement Mini. Autant d’éléments permettant à la créatrice de faire le bilan : "Au début, je n’étais pas là (rires). Mais en ce qui concerne le travail que j’ai développé avec Paul, ce sont des années magiques. Ce qu’on en retire surtout, c’est le choix de Paul d’avoir gardé son indépendance créative. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui on prend autant de plaisir à créer. Nos choix ne se font que sur des envies créatives et c’est quelque chose que Paul a voulu conserver. Il a commencé cela dans la musique mais il l’a très vite développé aussi avec Luc autour des visuels, des clips, et tout ce qu’il a pu créer d’abord sur l’album "Cheese", et puis sur "Racine Carrée". C’est à ce moment que je suis arrivée et que le vêtement est venu se greffer. Cela donne un panel assez large, qu’on a envie d’ouvrir à autre chose, comme de l’architecture." Son meilleur souvenir ? "La période Papaoutai ! On avait déjà commencé le pavage inspiré de la wax africaine et tout ce travail autour de l’album. Ce sont les premiers vêtements qu’on a développés et c’est le premier motif que j’ai vu sur tissu. L’univers du clip, on l’a travaillé ensemble avec Paul et c’est là que je me suis sentie investie aussi au-delà du vêtement. Je suis très attachée à cette période et à la sortie du clip. Il y avait un côté encore très naïf et prudent. On était sur la retenue car l’album n’était pas encore sorti. Il y avait encore de la magie." Quant aux tendances mode apparues ces dix dernières années, on peut sans aucun doute affirmer que le label a toujours fait preuve d’avant-gardisme : "Je n’ai jamais vraiment suivi les tendances pour créer, car au départ tout se faisait autour de Paul. Mais ce que j’ai pu observer en dix ans, c’est qu’on a lancé l’unisexe lors de la première collection en 2014, et maintenant c’est devenu assez commun. Au début, les gens étaient souvent étonnés, et pourtant chez nous, ça n’a pas été une énorme réflexion, c’est venu comme ça, c’était logique de faire de l’unisexe. On aime que le label soit ouvert à tous", explique la créatrice, qui nous confie qu’elle adorerait voir un homme de 80 ans porter sa dernière collection.

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