Comment l'industrie du mariage se remet du Covid-19 ? La réponse avec Valentine Avoh
Quel impact l’année 2020 a-t-elle eu sur vous ?
L'année dernière a semblé surréaliste dans un premier temps. Malgré les appels de mes clients, qui reportaient les uns après les autres leur mariage, je ne me suis pas résignée. J'ai consacré tout ce temps dont je disposais soudain à ma fille et à mon entreprise. J’ai mis à jour le site web tout en travaillant sur de nouvelles collections et sur les projets en cours pour les clientes qui envisageaient toujours de se marier en 2020. Je suis restée optimiste, c'est dans mon caractère.
Chaque robe est faite à partir de zéro ?
Je propose plusieurs options. Soit la mariée choisit l'un de mes modèles, et la robe est ensuite entièrement confectionnée sur mesure. Soit elle opte pour une robe customisée, avec par exemple des manches et/ou un décolleté différents. Je peux aussi imaginer une toute nouvelle robe avec la mariée, qui correspond à mon style et mon expertise – je ne fais pas de "meringues"... Une fois que nous sommes d'accord, je prends les mesures, je réalise un patron, et nous procédons à un essayage avec un prototype en coton. Je dessine les ajustements sur le patron, puis je commence à travailler sur la vraie robe. En moyenne, 3 ou 4 autres essayages sont nécessaires, et l'ensemble du processus prend entre 6 et 9 mois.
Comment vous est venue l'idée de faire de la mode nuptiale ?
J'ai d'abord étudié à l'ICHEC à Bruxelles, mais ce n'était pas mon truc. La mode (Jean Paul Gaultier en particulier) m'a toujours fascinée. Je suis donc allée au London College of Fashion. Ensuite, j’ai étudié la communication marketing pendant un an, puis j'ai effectué un stage de six mois chez Alexander McQueen. C'était une expérience très stimulante, j'ai même eu l’opportunité de participer au dernier défilé d’Alexander, quelques mois avant sa mort. Une semaine avant l’événement, ils ont déménagé l'atelier de Londres à Paris pour tout terminer. Après mon stage, j'ai travaillé un moment à Paris avec le couturier Alexis Mabille. Lorsque j'ai rencontré mon petit ami actuel en Belgique, nous avons déménagé ensemble en Italie, où j'ai travaillé pendant deux ans encore comme styliste et couturière pour différents créateurs. À l'époque, j'avais mon propre blog, où je partageais aussi mes photos d’événements liés à la mode et des fashion weeks. Mais tout a vraiment démarré lorsqu’une connaissance de Paris m'a demandé de lui faire une robe de mariée. J’ai intégré des plumes dans la robe, une technique que j'avais apprise durant mon stage chez Alexander McQueen. Après quelques autres demandes, l'idée m’est venue de combiner mes deux passions : la couture et la mode. De retour en Belgique, j'ai lancé ma première collection de robes de mariée. C'était en 2014, je travaillais alors dans une boutique de robes de mariée en tant que retoucheuse, et j'y voyais passer énormément de robes de différents créateurs. Il y a quatre ans, j'ai sauté le pas et ouvert mon propre atelier à Etterbeek pour me lancer à temps plein.
Quelle est la robe la plus folle que vous ayez faite ?
Je dirais plutôt la plus étonnante. C'était une robe de mariée noire, pour une dame d’une cinquantaine d’années. Son style était assez avant-gardiste, donc ce n'était pas du tout choquant. Le résultat était époustouflant, la tenue parfaite pour une avant-première.
Comment reconnaître une robe de mariée Valentine Avoh ?
Fluide et minimaliste, ornée de détails et de matériaux remarquables (perles, plumes, tulle brodé). Une coupe féminine qui souligne la taille et la poitrine sans être vulgaire. Mon style est à la fois doux et glamour.
Qu'est-ce qui a influencé votre style ?
Sans aucun doute Alexander McQueen, chez qui j'ai appris à expérimenter des matériaux pour obtenir nos propres textiles. La créativité d’Alexander McQueen, avec des modèles axés sur le corps féminin, ne connaissait pas de limites. C'était un laboratoire d'idées. J'ai beaucoup appris de la "première d'atelier", dont j'étais très proche. Je me souviens qu'on nous a donné quelques jours pour travailler sur une seule pièce, pour intégrer à la main les perles et les ornements le plus précisément possible. L'ambiance était excellente dans l’atelier, notre travail nous procurait un sentiment de fierté. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de participer à la création d’une robe pour Cate Blanchett.
Quel type de clientes viennent vous voir ?
Les mariées qui s’adressent à moi proviennent d’horizons divers. D'une part, je reçois beaucoup d'expatriées : ce sont généralement des femmes très indépendantes qui viennent et décident seules. En général, elles aiment un style plus fashion, pour leur fête en Italie ou au Royaume-Uni. D'autre part, j'ai aussi beaucoup de clientes belges, accompagnées de leur famille ou de leurs amis. Il existe de nombreuses règles à prendre en compte lors de la création d'une robe de mariée : la silhouette de la cliente, la célébration du mariage à l'église ou non, le nombre d'invités, le lieu...
Qu'est-ce qui vous inspire ?
Les événements mondains, mais aussi les vieux films, parce que j'aime voir les vêtements en mouvement. J’adore la façon dont les femmes s'habillaient dans les années 30 et 40, avec de belles robes, moulantes et pourtant fluides. Des actrices comme Jean Harlow, Marlene Dietrich et Dorothy Dandridge m'inspirent beaucoup.
Le Covid-19 vous a-t-il obligé à revoir votre business plan ?
Oui, mais pour un mieux. J'ai besoin d'aide car je ne peux plus tout gérer (administration, comptabilité, communication, site web). Je caresse l'idée de lancer une mode nuptiale de prêt-à-porter : un nombre limité de modèles vendus en ligne ou en boutique, avec un minimum de retouches. Pour ce faire, je dois trouver un compromis entre les tissus et les prix, qui doivent rester abordables. Actuellement, le prix d’une robe de mariée entièrement sur mesure varie entre 2 500 et 4 200 euros.
À quoi ressemble votre propre robe de mariée ?
Nous n'avons pas encore de projets de mariage. Mais j'ai déjà quelques robes en tête dans la perspective de me marier un jour : la robe Rita, ou la version courte de la Ginger.
Atelier/show-room, 22 Rue de Pervyse, 1040 Bruxelles.
www.valentineavoh.com