10 (nouveaux) créateurs français incontournables à connaître
De Ludovic de Saint Sernin à Nix Lecourt Mansion en passant par Marine Serre... Voici les créateurs qui ont un impact sur la mode aujourd'hui, à Paris et ailleurs.
Après un bref ralentissement du rythme frénétique de la mode pendant le COVID, les jeunes créateurs reviennent en force. À Paris, les créateurs les plus influents de la ville partagent leur vision, façonnée par leurs propres expériences, une attitude française et l'état actuel du monde. Découvrez les 10 créateurs qui ont un impact sur la mode aujourd'hui, à Paris et ailleurs.
Alexandre Mattiussi, AMI
L'OFFICIEL : En quoi votre travail est-il emblématique de notre époque ?
ALEXANDRE MATTIUSSI : Chaque époque a son propre style ; ainsi, les silhouettes AMI, pragmatiques mais faites de matériaux de qualité, s'inscrivent parfaitement dans la nôtre. Je crée également mes collections en fonction des attentes de l'époque ; les gens veulent porter des vêtements qu'ils aiment et dans lesquels ils se sentent bien.
L'O : En quoi Paris redevient-il le centre de la mode ?
AM : Paris mon amour, Paris pour toujours ! Je ne suis pas sûre que Paris ait perdu son lustre sur la scène internationale de la mode. Cependant, depuis deux ans, post-COVID, j'ai le sentiment qu'il y a une nouvelle énergie, un nouveau dynamisme, et une envie de célébrer ensemble la mode française. Plus que partout ailleurs, Paris accueille comme elle l'a toujours fait cette créativité qui lui est si propre.
L'O : Comment définiriez-vous l'attitude française ?
AM : Je pense qu'il y a une sophistication innée dans l'approche que les Français ont par rapport à la mode, qui est ce pour quoi nous sommes connus à l'étranger. En France, nous avons ce goût pour le "sans effort" lié à nos modes de vie : prendre un café avec un croissant, se retrouver pour déjeuner, se détendre sur la terrasse avec des amis après le travail. Vivre une vie imprégnée de plaisir influence l'attitude française, et donne ce côté décontracté mais sexy.
Marine Serre
L'OFFICIEL : Comment définiriez-vous votre travail ?
MARINE SERRE : Si je dois définir mon travail, j'utilise le mot "futurewear". Certains parlent de prêt-à-porter, nous parlons de futurewear.
L'O : Quel est votre mantra ?
MS : Être radicale et courageuse. J'essaie toujours d'aller au-delà des limites que le système nous impose. C'était la même chose avec l'upcycling. Tout le monde me disait que ça n'allait pas marcher, mais j'ai dit : "OK, mais essayons." Le fait est que si personne n'essaie de changer les règles, tout restera pareil... Dans cette industrie, nous avons tendance à l'oublier.
L'O : Quel est votre processus créatif ?
MS : Il est intrinsèquement lié aux matières premières. J'aime les transformer en quelque chose de nouveau tout en respectant l'artisanat et le travail qui a été fait auparavant - changeant la façon dont nous regardons les produits mis au rebut et leur redonnant de la valeur.
L'O : Qu'est-ce que la création pour vous ?
MS : Je ne crois pas à la créativité pour le plaisir de la créativité. Je veux donner un sens à ce que je fais, explorer les limites de la mode, la combiner avec d'autres arts et mettre l'imagination au service de la transformation.
Guillaume Henri, Patou
L'OFFICIEL : En quoi votre travail est-il emblématique de notre époque ?
GUILLAUME HENRY : Je suis plus un créateur de prêt-à-porter qu'un créateur de prêt-à-porter féminin, comme on disait autrefois. La notion de genre a changé, et cela se reflète chez Patou. Notre approche responsable guide notre travail : nous sommes prêts à faire moins et mieux, en utilisant des matériaux éco-responsables, organiques et recyclés. Nous ne montrons que ce que nous vendons, et nous ne vendons que ce que nous montrons.
L'O : En quoi Paris est-il redevenu le centre de la mode ?
GH : Après le Covid, il y avait cette envie de s'amuser et d'être ensemble, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. Être créateur aujourd'hui dans un système de mode qui n'a jamais été aussi compétitif, c'est se voir demander de faire la différence. Faire mon premier défilé avec Patou en juillet dernier a démontré que je ne voulais pas revenir au calendrier habituel de la mode. Nous voulions faire un défilé à la Patou. Ce sont donc essentiellement nos amis qui ont défilé. Nous avons fait appel à la Maison Ernest pour mettre nos modèles, et nous avons organisé le show chez nous, dans notre atelier. La mode est plus que jamais à la convergence de la musique, de l'art, du cinéma, de Netflix, de la politique... Alors pourquoi Paris ? Parce que Paris offre une réelle créativité et un discours dans sa fashion week.
L'O : Comment définiriez-vous la French attitude ?
GH : Je préfère parler de la French touch qui, pour moi, évoque la notion de savoir-faire. Cela ne veut pas dire que nous savons mieux que les autres, mais j'aime cette idée d'artisanat et d'ateliers. Il y a un souci du détail et de la forme.
Ludovic de Saint Sernin
L'OFFICIEL : Comment votre travail reflète-t-il notre époque ?
LUDOVIC DE SAINT SERNIN : Aujourd'hui, la mode est bien plus que la simple création de vêtements. Je pense que ce qui rend mon travail unique est que je considère mes collections comme un journal intime - chacune d'entre elles est un témoignage de mes expériences, de mes rêves, de la nostalgie et de l'avenir. Ma première collection racontait mon coming out et comment j'ai appris à découvrir mon identité. Une autre portait sur ma rupture avec mon ex, et ma dernière collection est un commentaire sur le rôle du créateur dans la mode d'aujourd'hui, et sur la façon dont son image devient aussi importante que celle qu'il crée pour sa marque. Je crée une mode qui parle avec sensibilité et sensualité à ceux qui s'identifient à nos valeurs, et je me suis entouré d'une communauté fière et talentueuse qui aime jouer avec la mode et la porter naturellement.
L'O : En quoi Paris est-il à nouveau le centre de la mode ?
LSS : Je pense que Paris était, est et sera toujours la capitale de la mode. Aucune autre ville au monde ne rassemble autant de talents et d'artisanat que Paris. Ce qui me touche particulièrement aujourd'hui, c'est la solidarité que la nouvelle génération de créateurs a créée. Nous sommes tous amis, nous nous soutenons mutuellement, nous allons aux défilés les uns des autres, et surtout, il y a de la place pour tout le monde. C'est assez unique, car lorsque j'ai étudié la mode à l'école, ou même lorsque j'étais dans d'autres studios de design, la concurrence était féroce. Aujourd'hui, il me semble que cette compétition n'existe plus et que nous sommes tous conscients que le plus important est de pouvoir évoluer dans un environnement créatif honnête, sain et bienveillant.
Nicolas De Felice, Courrèges
L'OFFICIEL : Comment avez-vous découvert la mode ?
NICOLAS DI FELICE : Je viens d'un petit village près de Charleroi, en Belgique. Quand j'étais jeune, je ne savais pas qu'il y avait une industrie de la mode, j'étais plus intéressé par les looks des musiciens. C'est un horizon qui semblait s'ouvrir pour moi dans le Pays Noir, comme on appelle cette partie de la Belgique, à cause de la fine couche de poussière sombre que le vent souffle depuis les terrils.
L'O : Qu'est-ce qui vous inspire ?
NDF : C'est le génie et le romantisme d'André Courrèges, qui a fait un saut dans l'inconnu avec sa marque. On a toujours dit que Courrèges est optimiste et vivant, donc toute la démarche doit être dynamique. Je ne copie jamais les archives ; j'essaie de faire quelque chose qui évoque le même sentiment mais en utilisant les techniques et les matériaux d'aujourd'hui.
Charles de Vilmorin
L'OFFICIEL : En quoi votre travail est-il emblématique de notre époque ?
CHARLES DE VILMORIN : Je pense que nous sommes dans une époque où nous avons besoin de liberté, et de ne pas nous enfermer dans des cases. Mes vêtements ne sont pas destinés à un type de personne en particulier, je veux que chacun puisse porter mes créations en fonction de sa personnalité et de son envie. Les valeurs que je défends à travers mon travail sont la richesse de la diversité et la liberté.
L'O : En quoi Paris est-il redevenu le centre de la mode ?
CDV : Il y a toute une génération de créateurs qui influencent les grandes maisons. Paris a toujours été la capitale de la mode, mais elle retrouve son panache et son audace. Elle prend des risques.
L'O : Comment définiriez-vous la French attitude ?
CDV : C'est une certaine forme d'insouciance et d'élégance décalée.
Antonin Tron, Atlein
L'OFFICIEL : En quoi votre travail est-il emblématique de notre époque ?
ANTONIN TRON : Il s'agit d'une esthétique féminine forte et sensuelle associée à un engagement profond pour trouver des solutions afin de lutter contre les dommages environnementaux causés par la surproduction de vêtements. Nous utilisons principalement des matériaux recyclés et avons développé des textiles innovants. Le nom Atlein fait référence à l'océan Atlantique - sa puissance et son mouvement - et cela se reflète dans nos vêtements.
L'O : En quoi Paris est-il à nouveau le centre de la mode ?
AT : Paris vit un moment créatif intense, avec une riche vie underground ainsi que de nombreuses nouvelles marques avec des points de vue forts.
L'O : Qu'est-ce que la french touch ?
AT : Les influences multiculturelles et la précision des signatures du design.
Nix Lecourt Mansion
L'OFFICIEL : Comment votre travail reflète-t-il notre époque ?
NIX LECOURT MANSION : Je pense que je suis inspirée par les gens d'aujourd'hui et les artistes qui m'entourent. C'est ce qui fait la spécificité et la modernité de mon travail - mes principales inspirations n'ont existé que récemment, et rendent le présent inspirant.
L'O : En quoi Paris est-il à nouveau le centre de la mode ?
NLM : Je pense que Paris a connu ces dernières années une vague de nouveauté qui a rafraîchi tous les aspects de la mode. Qu'il s'agisse des créateurs, des éditeurs, des agents ou des magazines, une toute nouvelle énergie se fait sentir. C'est bon de voir l'écosystème bouger, et j'espère que les bonnes leçons post-pandémie vont perdurer !
L'O : Comment définiriez-vous l'attitude française ?
NLM : Je ne peux donner qu'une interprétation très personnelle - en tant que Française, je pense que c'est l'audace et le politiquement incorrect.
Simon Porte Jacquemus
L'OFFICIEL : Racontez-nous les débuts de votre marque.
SIMON PORTE JACQUEMUS : Lorsque j'ai lancé ma marque, j'ai préféré penser à une idée générale, une histoire, ou une histoire avec un titre, comme Jean-Luc Godard avec son film Le Mépris. C'est très français de raconter une histoire et de rester proche de personnages très réels. J'ai une obsession pour les femmes depuis ma jeunesse, mais le début de ma marque est lié à une femme en particulier : ma mère, qui a gardé son nom de jeune fille, Jacquemus, et qui est au cœur de ma marque.
L'O : Comment se déroule votre processus de création ?
SPJ : Quand j'étais plus jeune, je rêvais d'être un grand créateur. Aujourd'hui, je veux juste faire les choses de manière belle et simple ; être consciente de ce qui se passe autour de moi tout en restant fidèle et proche de mes clients. C'est mon plus grand objectif et aussi ma plus grande satisfaction. Je conçois mes collections de A à Z, d'une simple ceinture à une robe ou un manteau complexe. Je suis derrière tout, sincèrement et honnêtement. C'est ce qui me rend heureux dans la vie.
Christelle Kocher, Koché
L'OFFICIEL : Comment votre travail reflète-t-il notre époque ?
CHRISTELLE KOCHER : Je n'ai pas une vision cynique de la mode, je crois en la beauté de ce que nous faisons. J'adore cette scène dans "Les Désaxés" où Marilyn Monroe saute dans et hors d'une maison tout en riant et en dansant. Je me sens comme ça - un pied à l'extérieur, un pied à l'intérieur, avec une joie immense à faire mon travail.
L'O : En quoi Paris est-il à nouveau le centre de la mode ?
CK : Je pense que personne n'est d'accord sur ce qu'est la mode à Paris, et c'est pourquoi elle est cool, diverse et innovante. La mode ne se limite pas à une seule chose, et il n'y a pas de meilleur exemple que Paris pour l'exprimer. Regardez les créateurs, le nombre de défilés, la haute couture, les marques de luxe : les vibrations sont si différentes. Et puis la scène artistique et musicale, les clubs, les restaurants... tout cela rend Paris unique et fait de Paris la ville de la mode par définition. Elle incarne un mélange d'histoire et de modernité. Paris est la ville des histoires, de la quête de la beauté, guidée par des voix, et ces voix crient fort ces jours-ci.