Vitalie Taittinger : portrait d’une femme à la tête d’une maison de champagne
Au Château de la Marquetterie, berceau de Taittinger, Vitalie perpétue l’héritage familial avec audace. Inspirée par son père, elle modernise l’image de la maison tout en sublimant ses traditions, transformant chaque bouteille en symbole d’élégance et de créativité.
En ce matin ensoleillé de septembre, Vitalie Taittinger nous accueille au Château de la Marquetterie, un lieu chargé d’histoire où tout a commencé pour la maison de champagne Taittinger. "Ici, tout raconte une histoire", murmure-t-elle, parcourant des yeux les vignobles baignés de lumière. Son regard s’attarde sur cette terre chère à son grand-père, Pierre Taittinger, qui acheta le domaine en 1932 pour y établir les fondations de la maison. Vitalie, désormais à la tête de Taittinger, incarne avec son frère Clovis la dernière génération à porter cette histoire avec passion. Vitalie n’avait pourtant pas envisagé de présider la maison familiale. Elle rêvait d’art, pas d’affaires. Mais lorsque son père, Pierre-Emmanuel, reprend Taittinger en 2006 après un rachat épique aux Américains, Vitalie est touchée par cette quête qui anime son père pour protéger le nom et l’héritage de la famille. "La joie de mon père ce jour-là m’a bouleversée. J’ai pris conscience de ce que le champagne Taittinger représentait pour nous, au-delà du vin – c’était notre histoire", se souvient-elle avec émotion. Aux côtés de Pierre-Emmanuel, Vitalie et son frère Clovis s’immergent peu à peu dans l’univers du champagne. "Mon père m’a appris que diriger Taittinger, c’était d’abord transmettre une émotion, un art de vivre", explique-t-elle. Il lui fait découvrir les subtilités de la vinification, l’exigence nécessaire pour produire un champagne de qualité et l’importance de l’ancrage familial. Ensemble, ils travaillent à donner un nouvel élan à la maison, infusant tradition et innovation. "Il avait cette vision presque rebelle, cet esprit start-up malgré les décennies d’histoire derrière nous. Il m’a appris à ne jamais craindre de réinventer l’existant." Dès lors, Vitalie ne cesse de perpétuer cet héritage tout en y ajoutant sa touche personnelle. Elle s’attaque d’abord aux packagings et à l’image de la marque, s’appuyant sur son expérience en illustration et en graphisme. "Nos bouteilles sont comme des œuvres d’art. J’ai voulu leur apporter cette dimension, en gardant une élégance intemporelle mais avec une touche contemporaine." Sous sa direction, la maison adopte une esthétique plus moderne et multiplie les collaborations artistiques, faisant de chaque bouteille un symbole de luxe et de créativité. L’un des points d’orgue de cette évolution ? La production du champagne phare de la maison, le Comtes de Champagne, une cuvée prestige qui incarne l’élégance selon Taittinger.
Bulles d’avenir
Sous la direction de Vitalie, la maison continue de grandir, passant de 4 à 7 millions de bouteilles produites chaque année. La marque se renouvelle avec des collaborations artistiques modernes et des designs contemporains qui viennent donner un coup de jeune aux étiquettes et aux packagings. "Chez Taittinger, on a une identité sobre mais audacieuse", précise Vitalie. "Mon objectif est de perpétuer cet ancrage tout en lui apportant un souffle de créativité." Vitalie est aussi celle qui pousse la maison à s’ouvrir à de nouveaux horizons, comme l’installation de vignobles en Angleterre, un projet audacieux qui reflète sa volonté de s’adapter au changement climatique et de se tourner vers des méthodes durables. "Innover et s’adapter, c’est honorer l’esprit de nos ancêtres. Ce projet dans le Kent est symbolique; il montre notre capacité à nous réinventer tout en restant fidèles à notre identité", dit-elle, convaincue que chaque génération doit apporter sa pierre à l’édifice. Elle veille aussi à préserver un esprit familial fort au sein de la maison. Elle forme un trio dynamique avec son frère Clovis, directeur général chargé de l’international, et Damien Le Sueur, responsable des vignobles et de la production. "Avec Clovis, on se complète bien : il est citadin, toujours en mouvement, tandis que moi, je suis plus ancrée et très attachée à la terre de Reims. On partage la même ambition, mais chacun avec son propre style", confie-t-elle.
Luxe et sobriété
Cette modernisation ne signifie pas renier le passé. Au contraire, Vitalie travaille à ancrer davantage l’héritage familial dans la conscience collective. Elle est derrière la réouverture des crayères de Reims, un lieu historique où des millions de bouteilles reposent dans des caves millénaires. Lors de l’inauguration, une plaque a été installée en hommage à ses grands-parents. "Le jour de l’inauguration, mon père était ému aux larmes. C’était comme boucler la boucle. C’était un moment très fort. Voir le nom de mes grands-parents gravé là, c’était comme rendre tangible tout ce qu’ils ont bâti." Vitalie est consciente de la responsabilité qui pèse sur ses épaules. "Chaque décision que je prends est pour le long terme. Mon rôle, c’est de faire en sorte que Taittinger soit encore là pour les générations futures." Elle ne cache pas que, parmi les huit enfants de la famille, certains pourraient un jour prendre la relève, bien qu’elle se refuse à les pousser. "C’est un choix personnel, une vocation. On ne peut pas l’imposer. Mais s’ils souhaitent un jour perpétuer cette histoire, je serai là pour les guider." L’esprit Taittinger, pour Vitalie, c’est cette capacité à incarner le luxe avec sobriété et authenticité, sans jamais perdre de vue ce qui fait la force de cette maison : la famille, la passion et l’audace de ceux qui la portent. "Pour être apprécié du plus grand nombre, il faut être rigoureux sur le goût et la qualité, mais aussi s’entourer des meilleurs", dit-elle en conclusion. Maman de quatre enfants, qui allie vie professionnelle et vie privée avec brio, Vitalie trace sa route avec une énergie pétillante et un engagement fort pour la préservation de son héritage familial. Avec elle, l’aventure Taittinger est loin de se terminer et elle a tout pour séduire les générations futures.