Qui sont les nouveaux gourous de la cosmétique belge ?
Nouvelles entreprises engagées dans toutes les dimensions du bien-être – de la philosophie de production aux innovations – ou sociétés familiales reprises avec vision et passion, les cosmétiques belges se renouvellent, en beauté.
Comme la Belgique se distingue en matière créative tout autant que dans les domaines de la recherche et des sciences, la cosmétique, qui allie toutes ces compétences, s’épanouit sur le pays tel un masque effervescent. Portées par des démarches d’écoconception et d’éthique, des marques, pour la plupart produites et enflaconnées à une giclée de sérum de leurs points de vente, tirent le meilleur de la nature et de l’alchimie du bon sens, pour construire ou valoriser une histoire pérenne. En matière d'esthétique, la nouvelle baguette magique, c’est une spatule iconique.
Les inspirations issues de la nature
"Je suis depuis longtemps une fervente utilisatrice d’huiles végétales pures et brutes, que nous produisons désormais dans la ferme céréalière bio de mon mari. 90 % de nos matières premières proviennent de l’exploitation familiale du Val Notre-Dame et les huiles sont pressées à froid dans un moulin à côté du domaine." Laurane Vanderbecken a quitté l’enseignement pour fonder Label Meunier avec son conjoint, Charles-Edouard Jolly, et Marine André, qui travaillait déjà dans la "clean beauty" depuis dix ans. Ils cultivent en particulier quatre soins essentiels : une huile de chanvre pour tous types de peaux, de bourrache pour les peaux sèches et sensibles, d'onagre pour les peaux matures et de noisette pour les peaux grasses, mixtes et à tendance acnéique. Depuis le mois de mai, Label Meunier propose des compléments alimentaires, "pour traiter à la fois l'intérieur et l'extérieur. Nous ajouterons à ces innovations une gamme destinée à l'équilibre féminin, à base d'huile d'onagre pour réguler les variations hormonales, que ce soit le syndrome prémenstruel, les symptômes post-partum ou les désagréments de la ménopause."
Dans la même démarche d’exploiter au mieux les ressources dont elle disposait, Anne-Sophie Charle a lancé en 2021 sa marque Maison Éole, en partant d’un constat cru (et même Grand Cru) : "Si nous pouvions cultiver, dans nos vignobles, des vins qui pouvaient concurrencer de grands champagnes, nous pouvions aussi développer la même qualité au bénéfice d'une gamme de cosmétiques." Résultat : des produits issus de la vigne, riches d’un polyphénol extrêmement performant. Cet actif composé de molécules présentes dans les tanins végétaux contient des antioxydants très puissants. "Nous produisons entièrement en Belgique une gamme végane d’une vingtaine de références qui affichent un pH5 certifié, ce qui est rare. Nous avons investi dans la qualité des textures, dans l'efficacité des sérums, dans un haut niveau de formulation et dans des parfums spécialement conçus pour nous à Grasse." Même les packagings sous forme de coffrets en bois, sont écologiques : "la preuve qu’on peut allier, localement, luxe et naturalité." À Bruxelles, la marque Ultra Remediology diffuse la pureté et la simplicité de concepts modulables, impeccables. Une base neutre, crème de jour, de nuit et masque, à laquelle on ajoute des sérums sur mesure. Le principe est aussi efficace que la formulation des produits, naturels et immédiatement convaincants. À venir courant 2023, des compléments alimentaires 100% naturels et bios, pour renforcer l'action de la beauté à 360°, et une gamme de produits pour les cheveux. Des innovations suivant le même éco-fonctionnement que les soins visage: "C’est un modèle responsable dans la démarche", rappelle le cofondateur Jean-Yves Berlemont, "parce qu’on évite la surconsommation et les accumulations de pots et d'emballages. Notre philosophie est de promouvoir une belle peau en pleine santé, rebondie, élastique. Avec nos produits, quand la peau est belle, ce n’est pas juste un film posé dessus pour donner bon effet." C’est Ultra, mais pas Super-ficiel.
Les transmissions naturelles
La marque de beauté leader sur le marché suédois est belge. Pour expliquer ce succès brûlant au Nord (et dans d’autres nombreux pays), il faut remonter en 1927, à la conception d’une gamme artisanale de produits capillaires par une coiffeuse visionnaire. En 2002, René Negels, troisième génération d’entrepreneurs dans cette société familiale, a fondé avec sa femme Tine, sur cet héritage, la marque Nannic. "Notre signature, c’est l’innovation et la sécurité en matière de santé, avec des concepts qui ciblent en priorité l’amélioration de la condition de la peau. Nous ne nous intéressons pas aux tendances, nous cherchons à nous différencier des autres marques avec une identité et une qualité qui nous sont propres." Cette société basée à Heist-op-den-Berg a remporté plusieurs prestigieux prix internationaux, notamment pour ses produits pour les cheveux, qui stimulent efficacement la (re)pousse. "Nous travaillons sur l'énergie cellulaire, pour permettre à la peau de se régénérer de la même manière qu'elle le faisait au moment de notre naissance. Toute notre gamme est fabriquée en Belgique, développée et produite dans la même rue, en partenariat avec le laboratoire familial."
Mais le destin d’une marque historique peut aussi parfois dépendre d’une crise qui provoque des opportunités et d’une vocation qui naît. Charles Dupont, 30 ans, Bruxellois, avait étudié les sciences économiques à Solvay. Il a d’abord travaillé dans le secteur bancaire international, tandis que sa femme Diane lançait une entreprise de soins capillaires personnalisables. Si ce concept-là n’a pas moussé, ce premier contact du couple avec l'univers des cosmétiques allait se révéler prémonitoire. "Le confinement nous a mis face à de nouveaux défis professionnels et nous avons eu l'opportunité de reprendre la marque Pier Augé." En 2020, à respectivement 24 et 27 ans, Diane et Charles ont racheté cette société française fondée au début des années 60. Forts d'une clientèle fidèle, ils ont dépoussiéré la gamme et apporté un regard frais. Ils ont gardé le personnel et même embauché de nouveaux effectifs. "Nous avons recréé une stabilité d'entreprise et modernisé le matériel de production." Les bureaux sont installés à Bruxelles et à Amsterdam, les unités de production à Châteauroux. Leur masque hydratant Douce Aura est aujourd’hui le masque le plus vendu sur TMall, la plate-forme de vente en ligne la plus populaire en Chine.
L’émancipation au cœur de la démarche d’entreprise
Mylène, c’est d’abord l’histoire humaine d’un business model fondé sur les réunions de ventes à domicile. Au début des années 60, Léon Seutin, vétérinaire en Flandre, a lancé avec son épouse Rosa Mortelmans une ligne de produits de beauté pour les mains à base d’huile de vison. Manquant de budget pour la publicité, Rosa a rassemblé son propre réseau d'amis et de connaissances pour vendre la gamme en direct. Elle a formé des conseillères, femmes qui désiraient travailler pour s'émanciper. Aujourd'hui, la marque belge a largement dépassé le cadre de la crème pour les mains, développé des produits végétaux pour le corps et le visage, du maquillage, mais aussi des parfums pour la maison et même des produits d'entretien. Les conseillères sont 1 500 en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Toute la gamme est fabriquée à Heist-Op-Den-Berg, entre Malines et Turnhout. "Nous vendons grâce à des ateliers à domicile, environ 40 000 par an. Et les conseillères développent elles-mêmes leur propre réseau d'hôtesses." Charlotte Giroud est directrice commerciale et marketing de la marque depuis février 2022. Franco-Belge, elle est tombée en passion pour le concept et a racheté Mylène avec un groupe d’investissement belge quelques mois plus tard. "Je l'ai reprise par conviction et parce que j'ai eu un coup de cœur pour ces produits d'une qualité supérieure : on n'a pas le droit à l'erreur, car nos produits sont vendus avec un visage. Chaque cliente connaît personnellement sa vendeuse." Dans la pratique, ce sont surtout des femmes qui sont intéressées par un modèle "qui permet un complément de revenus et sollicite des capacités de réseautage. C'est une activité qui crée du lien. Il faut bien réaliser que Rosa a changé la vie de milliers de femmes, à une époque où elles venaient tout juste d'obtenir le droit de vote et où les opportunités d'émancipation étaient rares." Inlassablement créatif, le domaine de la beauté développe en Belgique une logique de transmission, avec la force d’une famille choisie.