Pierre De Maere : la prestance, l’impatience et l’élégance

Cette interview a été réalisée pour L'OFFICIEL Hommes printemps-été 2022, avant que Pierre de Maere ne décroche la Victoire de la révélation masculine de l'année lors de la 38ème cérémonie des Victoires de la musique le vendredi 10 février 2023.

Vous avez forcément déjà fredonné sa mélodie optimiste-mélancolique, "Un jour je marierai un ange". Pierre De Maere cache bien ses ailes sous sa carrure effilée de poète aux yeux couleur glacier, mais son auréole amplifie sa voix. Il vient de fêter ses 21 ans, et pose les échelons de sa carrière depuis qu’il en a dix, âge où des Lego, il est passé à Youtube où il publiait des chansons enregistrées sur son iPod. Puis la mode et la photo ont remporté les suffrages de son attention. À 14 ans, il prenait ses premières photos de mode, mettant à contribution sa petite sœur et ses amies. A 15 ans il s’était composé un book et démarchait des agences de mannequins bruxelloises. Après l’école, il a logiquement entrepris des études de photographie à l’Académie Royale des beaux-arts d’Anvers, stoppées net par la crise Covid. De retour chez ses parents le temps du confinement sans trop de regrets ("j’ai réalisé que ce cursus était un peu trop conceptuel pour moi, qui suis plutôt versé dans l'esthétisme"), il enregistre un premier morceau professionnel, "Potins absurdes", qu’il promeut sur Spotify. Nous sommes alors fin mars 2020, et son futur directeur artistique repère le potentiel d’émotions en éclosion. Puisque les Belges font la drache et le beau temps sur les charts français, quelques échanges et un contrat de deux albums signés dans la foulée chez Wagram Music sous le label Cinq7 plus tard, Pierre a déjà plus d’une trentaine de dates fixées d’ici à la fin de l’été. Mais il garde les pieds sur terre, travaille en famille avec son frère Xavier, ingénieur du son à Bruxelles. Pierre est consciencieux, pas vraiment fêtard, il vit sainement, boit peu. Parce qu’il faut bien à ce (très fin) chérubin quelque chose d’humain, il se nourrit de burgers et ne fait pas de sport. En toutes choses clair sur ses intentions, lors du shooting organisé pour illustrer ce portrait il possède espace, comprend d'instinct et d’expérience comment se comporter face à l'objectif. Nonchalant à l’écran, professionnel et rigoureux hors champ, il est aussi doux que sa conscience du monde qui l’entoure est aigue. Première rencontre rare, avec l’enfance de son art. 

SA CULTURE DE MODE

"Je suis le seul à m'y intéresser dans ma famille. J’habillais déjà les autres avant de m'habiller moi-même. À 16 ans, je suis allé visiter une boutique du boulevard de Waterloo à Bruxelles, et j’y ai passé ce qui m’a semblé des heures à m’imprégner de cette sensation de mode et de luxe. Pour découvrir de nouveaux univers stylistiques, j’ai mené beaucoup de recherches sur Internet, regardé des documentaires, visité des expositions, des musées, lu des dizaines d'articles. On ne cesse jamais d’apprendre. Je veux pouvoir continuer de maîtriser le stylisme de mes clips. J’ai signé en février dernier un contrat de mannequinat chez IMG, l'une des plus grandes agences, principalement pour avoir accès aux maisons de mode. Au début pour faire mes images, j’achetais des vêtements, puis je les retournais une fois les clichés en boîte. J’aime les belles boots et les costumes qui me composent un uniforme de super héros. Je chante mieux dans une veste croisée resserrée à la taille que dans un pull ample. Le mouvement du tissu, les revers épais, la doublure qui suit mes gestes, tout cela contribue à ma concentration et à la scénographie. J’ai conscience depuis toujours que la mode aide à s'approprier son corps. Quand j’avais 15 ans je portais surtout des longs manteaux, ça me donnait confiance en moi. Aujourd'hui, c'est le costume."

SON PROCESSUS CRÉATIF 

"Dans ma chambre, au piano, j’attaque par quelques accords qui se calquent sur une mélodie que j'ai déjà en tête. Les mots se posent dessus, ça devient un thème. C'est un processus hypnotique : commencer par la musicalité, les paroles viennent ensuite. Je découvre encore la gestion de ma voix, je me forme en travaillant. Mais je sais aussi qu’un jour, je reviendrai à la photo et à la mode. J'ai envie de vivre plusieurs vies. Aujourd’hui c'est le temps de la musique, mais l’image n’est jamais très loin. Ce serait dommage de me limiter à une seule possibilité. Les dix prochaines années seront consacrées à la musique, mais je réfléchis déjà à un ailleurs. Depuis le début de cette année tout va à cent à l’heure, je n'ai plus le temps de me poser, et ça me convient. Être très occupé évite de se perdre dans des considérations parasites. Je n'arrive déjà presque plus à voir mes amis alors que ça n'est que le tout début, mais je consolide mes bases à un moment où les évènements s’accélèrent."

SA SENSIBILITÉ

"Elle me projette dans le futur, c'est même tout le sujet de mon EP. Je chante mes visions utopiques, mon besoin d'amour tendre. Je n'écris pas sur ce que je vis, mais sur ce que je voudrais vivre. J’ai besoin d'attention, alors que je n’en ai jamais manqué. Pas plus que d’amour sincère. Pourtant j'en redemande. Parfois je digresse, comme dans la chanson "Menteur", qui raconte le soutien inconditionnel d’une mère à son fils qui se perd. "Un jour je marierai un ange" évoque la recherche de l'amour idéal. D’ailleurs je suis souvent tombée amoureux de personnages de fiction." On parierait que c’était réciproque.