"Into the Night" : on a parlé avec Pauline Étienne, l'actrice belge qui incarne Sylvie
En mai 2021, Pauline Étienne ne s’attendait à rien, de son propre aveu, lorsque la série de 6 épisodes Into the Night, première production belge signée Netflix, est sortie sur la plateforme au logo rouge. Un an et demi plus tard, la comédienne belge (Magritte du cinéma de la meilleure actrice pour La Religieuse en 2014) est pourtant à l’affiche de la deuxième saison de cette série évènement qui dépeint un monde post-apocalyptique où le soleil se révèle meurtrier. Une formule mêlant angoisse – les personnages vont-ils enfin parvenir à échapper aux rayons assassins du soleil ? – et sciences humaines –, cette situation de "fin du monde" révélant ce que les hommes ont de pire en eux ou de meilleur, c’est selon.
Alors que cette nouvelle saison débarque sur la plateforme, la comédienne belge, héroïne du show (son personnage Sylvie mène la bande de survivants d’une main de maître), s’est confiée sur cette première collaboration avec le géant du streaming et les nouveaux enjeux de l’industrie du cinéma. À l’heure où les plateformes de diffusion en ligne s’imposent de plus en plus face aux salles sombres et où le mouvement #MeToo a permis aux femmes de dénoncer les travers de l’industrie comme jamais auparavant.
La première saison de "Into the Night" a été très bien accueillie par le public, y compris à l’international. Vous vous attendiez à un tel engouement ?
Non, j’avoue que comme c’est la première fois que je participe à un projet d’une si grande ampleur, je ne m’attendais à rien pour ne pas être déçue. C’est vrai que la série a pris de l’ampleur à l’international, et je trouve ça super chouette qu’un tel projet, en grande partie belge, puisse avoir un écho même dans des pays super éloignés de la Belgique.
Que peut-on attendre de la saison 2 de "Into the Night" ?
Toujours autant d’action, toujours autant de belles relations entre les personnages qui apprennent à se connaître encore mieux. On va être moins dans l’avion, puisqu’on voit dans la fin de la saison 1 qu’on arrive au bunker. Mais ça ne va pas forcément bien se passer. La relation entre les personnages de l’avion va se renforcer, ils vont commencer à former une famille. Ils essayeront de rejoindre un endroit où sont cachées toutes les graines du monde et devront se séparer en deux équipes, ce qui va les affaiblir.
Y a-t-il une scène qui a été particulièrement compliquée à filmer ?
Oui, mais je ne peux pas encore en parler. Certaines scènes d’action sont très techniques et prennent du temps, mais elles sont aussi très drôles à tourner. Il y a pas mal de cascades, de fusillades et de bastons.
Quels points communs partagez-vous avec votre personnage Sylvie ?
J’ai un caractère aussi trempé qu’elle, et cette envie de protéger coûte que coûte les gens que j’aime et qui m’entourent.
Le show mise sur des personnages aux fortes personnalités, tous de nationalités et d’origines différentes. Comment est l’ambiance en tournage, avec autant d’horizons variés réunis au même endroit ?
Un tournage peut être considéré comme une minisociété. On peut donc faire des petites expérimentations sociales sur les tournages parce qu’on vit en minisociété pendant un temps très court et très intense. Ça peut rapidement monter dans les tours. Mais je trouve ça chouette de rencontrer des gens d’origines différentes, et de découvrir d’autres cultures. Ce sont des sonorités différentes et des langages différents. Mais on parlait tous anglais pour communiquer entre nous.
Travailler sur un projet comme celui-ci avec Netflix, c’est un booster de carrière ou pas forcément ?
La force de Netflix, c’est de brasser très large, et de proposer des projets très variés, que ce soit des films d’action, des comédies romantiques ou des drames. Je ne sais pas si je parlerais d’un "booster de carrière", mais Netflix permet en effet de découvrir des commédiens·nes qu’on n’a pas l’habitude de voir dans ces rôles. Je n’avais jamais interprété ce genre de personnage, et ça me donne une corde de plus à mon arc. Par ailleurs, le côté international est très chouette, et je pense que Netflix peut lancer certains commédiens·nes dans des pays auxquels ils·elles n’auraient pas pensé.
Avec la pandémie, les plateformes de streaming ont pris le pas sur les salles de cinéma. Les nouvelles générations ont aussi joué leur rôle. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?
Je ne pense pas que Netflix ou les plateformes en général signifient la mort du cinéma. Les gens qui ont envie d’aller au cinéma iront toujours au cinéma, c’est juste une question de fainéantise (rires). C’est ça l’avantage du cinéma, ça nous permet de sortir de chez nous, d’aller à la rencontre des autres. Je ne crache pas du tout sur les plateformes. L’industrie de la série ou du film génère énormément d’emplois, on ne s’en rend pas compte.
Maintenant que vous avez collaboré avec Netflix, quelles sont vos ambitions pour l’avenir ?
Je ne suis pas quelqu’un d’ambitieux. J’ai juste envie d’avoir de beaux scénarios ou de beaux rôles. Je suis assez chanceuse en ce moment, je n’arrête pas de travailler. J’espère pouvoir travailler jusqu’au bout, parce que j’aime profondément ce métier que je découvre jour après jour.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez en ce moment ?
Je tourne la saison 2 de "18h30", une série pour Arte qui est sortie l’année dernière. Ce sont des épisodes de 5 minutes en plans-séquences. Il y a la saison 3 d’ "Ennemis Publics" aussi, et j’ai tourné une série qui s’appelle "Match". Et je viens de décrocher un petit rôle dans le prochain film de Pietro Marcello.
Cette année, l’industrie du cinéma semble enfin reconnaître le travail des femmes, avec notamment Julia Ducournau qui a remporté la Palme d’or à Cannes ou encore Chloé Zhao récompensée aux Oscars. Est-ce un sujet qui vous préoccupe ?
Oui, beaucoup. Il ne s’agit pas uniquement de récompenser les femmes. Ce qui importe aussi, c’est de les respecter, de cesser d’avoir des comportements ou des regards irrespectueux envers les comédiennes sur les plateaux. Ce sont des choses qui sont importantes pour moi et pour lesquelles j’ai envie de me battre parce que j’en ai vraiment marre.
Vous avez déjà subi ce genre de comportement ?
Bien sûr, comme n’importe quelle comédienne je crois. On a toutes subi ce genre de comportement, pas forcément des agressions sexuelles, mais des agressions verbales, des propos déplacés. Ce qui est chouette avec Netflix, c’est qu’ils ont une charte sur laquelle ils sont très à cheval. Je trouve ça important que des politiques soient mises en place au niveau des assurances pour les tournages, ou avec les productions, pour que de tels comportements puissent être sanctionnés, que les tournages puissent s’arrêter et que les comédiennes ne craignent pas de dire ce qu’elles pensent ou ce qui s’est passé par peur d’arrêter un tournage.
Ce genre de charte, ça marche vraiment pour protéger les femmes ?
Il y a une évolution. Elle est très lente, certes, mais il y en a une. J’ai 32 ans, je suis arrivée à un âge où j’essaie de dire quand quelque chose ne me plaît pas. Mais c’est vrai qu’on manque d’une oreille, d’une protection ou d’une assurance qui pourrait prendre en charge les coûts liés à un arrêt de tournage. En France, le collectif 50/50 a été mis sur place, c’est super. Car comme je l’ai dit, il ne s’agit pas seulement de récompenser des femmes et de mettre notre travail en avant. Il faut que ces comportements rétrogrades cessent.
Quel conseil donneriez-vous à une jeune actrice qui se lance dans le métier ?
De ne pas se laisser faire ! (rires) D’aimer passionnément ce qu’elle fait. Et surtout de se dire : ce n’est qu’un film ou ce n’est qu’une série. Il y a des choses beaucoup plus importantes dans la vie.
Un jeune talent belge à suivre de près selon vous ?
Elle n’est pas jeune, mais Bérangère McNeese est une réalisatrice que j’aime beaucoup. Il y a aussi Mara Taquin qui commence à occuper une place importante dans le paysage belge.
Qui sont les modèles qui vous inspirent au quotidien ?
Une comédienne que j’ai toujours adorée, c’est Kate Winslet, car elle poursuit ce combat pour les femmes justement. Elle se bat pour qu’on abandonne cette représentation de la femme, et c’est une extrêmement bonne actrice, j’aime beaucoup ses projets. Et récemment, j’ai vu un documentaire sur Pink, elle m’a fort impressionnée. Elle mène sa carrière de front, avec ses enfants à ses côtés. C’est vrai que c’est compliqué quand on est maman de trouver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle parce que nous exerçons un métier qui prend beaucoup de temps. Pas juste le temps du plateau, mais aussi toute la préparation. Par ailleurs, on joue avec nos émotions constamment. Ce n’est donc pas facile de rentrer à la maison et de se décharger des émotions de la journée, alors qu’en face, il y a un enfant qui dit : "Maman, je ne veux pas mourir." (rires) Les femmes qui arrivent à mener de front leur carrière et leur rôle de maman, je les trouve absolument magnifiques.
Comment voyez-vous l’avenir du cinéma belge ?
J’ai l’impression qu’il se porte très bien ! J’ai vu tous les films belges présentés à Cannes, c’est génial. En plus, la jeune génération commence à arriver. Ça fait du bien de voir de nouvelles têtes et de nouveaux récits. Il va y avoir de plus en plus de productions Netflix ou autres. "Into the Night" était la première belge et a ouvert la porte à d’autres projets. Le cinéma belge ne peut qu'aller bien parce que nous avons des artistes fantastiques.
La saison 2 d'"Into the Night" est d'ores et déjà disponible sur Netflix.