Coming out, thérapie, carrière : Cynthia Nixon se confie à L'Officiel Belgique
Cynthia Nixon alias Miranda Hobbes dans Sex and the City est une fervente militante LGBT, évincée de justesse dans la course au poste de gouverneur de New York et mère lesbienne de trois enfants dont l'un est transsexuel. Cet automne, elle excelle dans la nouvelle série de Ryan Murphy, inspirée du film culte Vol au-dessus d'un nid de coucou. Ratched est un thriller sanglant où des antihéros se croisent entre les murs d’un établissement psychiatrique. En plein confinement et au cours d'un entretien zoom accordé à L'Officiel Belgique depuis sa terrasse de Long Island, Cynthia parle de son bien-être mental, de son coming out et du 42e anniversaire de sa carrière d'actrice.
Que peut-on attendre de votre nouvelle série "Ratched" ?
Avec "Ratched", Ryan Murphy est à son meilleur niveau. Les images témoignent d'une esthétique incroyable et inhabituelle. J'ai regardé la série avec mon fils ado, et ça nous a frappés à quel point il transforme des scènes initialement sinistres en séquences visuellement attrayantes par le biais de la lumière et de la couleur. Ajoutez à cela un casting de rêve et un scénario original. Il porte un regard intéressant sur la santé mentale, son histoire et la manière dont notre société l’aborde. Nous nous trouvons tous quelque part sur le spectre entre "sain" et "fou". Cette série rappelle que nous ne savons toujours pas aborder la problématique de la santé mentale.
Quel autre message la série véhicule-t-elle ?
Au début de l'histoire, les protagonistes féminines sont les ennemies jurées les unes des autres, mais il se passe ensuite quelque chose d’extraordinaire. Lorsqu'elles se mettent à conspirer, tant sur le plan amoureux que professionnel, elles sont capables de changer le monde. Bien qu'elles aient toutes un côté sordide, la morale de l'histoire met en lumière l'instinct féminin primitif : la volonté aveugle de protéger à tout prix sa famille ou ses proches.
Avec Sarah Paulson, Sharon Stone et Judy Davis, vous composez le casting de "Ratched". Vous vous connaissiez déjà ?
Sarah Paulson est une bonne amie depuis près de 15 ans, alors c'était formidable de jouer avec elle. Je n'avais rencontré Sharon Stone qu'une seule fois avant la série. Judy Davis est ma grande idole, celle de tout le monde sur le plateau d’ailleurs. Je pense qu'elle est la meilleure actrice de tous les temps et je l'ai enfin rencontrée. Est-ce que nous sommes amies ? Non ! (rires) Elle est et sera toujours une grande star. Pour la dernière scène de Judy, Sarah avait secrètement échafaudé un final. Soudain, tout le monde a enlevé son pull et arboré un tee-shirt portant l'inscription "Judy fucking Davis", devant lequel nous nous sommes tous inclinés. Un membre de l'équipe s'est même fait faire un tatouage reproduisant ces mots. Elle était flattée bien sûr, mais un peu gênée aussi. C'est une grande actrice, avec une communauté incroyable de fans.
Cela vous a plu de jouer un personnage qui se révèle être gay à la moitié de la série ?
C’était fascinant de me plonger dans le monde des femmes qui, dans les années 50, étaient juste assez lesbiennes pour avoir une maîtresse, tout en passant sous silence leurs préférences sexuelles pour ne pas nuire à leur carrière et à leur vie privée. La frontière reste mince : en tant qu'homosexuel, on peut s’épanouir en faisant son coming out, mais si on va trop loin, on brûle parfois ses vaisseaux.
Vous avez eu du mal à faire le vôtre ?
Pas vraiment. J'ai rencontré ma femme et je suis tombée amoureuse. Avant que je m'en rende compte, nous formions un couple. J'ai engagé une journaliste, qui est d'ailleurs lesbienne, pour soutenir mon coming out officiel. Elle m'a vraiment aidée et m’a conseillé d’être transparente. Dans les interviews, je n’ai jamais fait mystère de ma vie privée, il semblait donc logique que j’aborde ce sujet-là aussi, non ? Je n'ai jamais douté, mais j'avais besoin de quelqu'un qui puisse me prêter main forte sur le terrain professionnel.
Cela a-t-il affecté votre carrière ?
C'est difficile à dire, j'ai la chance d'être devenue célèbre grâce à une série très ouverte sur le plan de la sexualité (Sex and the City). De toute façon, je n'ai jamais été cataloguée comme la it-girl sexy, je ne suis donc jamais passée à côté de ces rôles de bimbo après mon coming out.
En parlant de santé mentale, avez-vous déjà suivi une thérapie ?
Oui. Plusieurs fois dans ma vie, que ce soit dans un moment de crise ou non. La thérapie de couple ou la thérapie familiale avec les enfants m'a vraiment aidée. C'est généralement la solution lorsqu’on a l’impression d’être dans une impasse. Mais le simple fait de donner une nouvelle orientation à sa vie peut aussi faire des merveilles.
Comment prenez-vous soin de vous ?
J'ai médité pour la première fois le mois dernier, et ça n’a pas été facile. Il faut se concentrer, mais j'aime ça. Pour m'évader, je lis un roman ou une biographie qui me transporte dans un autre lieu ou à une autre époque. Je le fais par exemple dans le métro à New York. Mon livre préféré est "La Vipère" de Lillian Hellman.
Vous estimez-vous chanceuse après avoir accompli tant de choses ?
Je n'aurais jamais imaginé que j'aurais une telle carrière, que je serais une mère de trois enfants et que j'aurais pour partenaire une femme aussi formidable. Ma mère était passionnée par la culture et mon père était journaliste politique. Mon parcours de vie semble le résultat de mon éducation, mais je n'aurais jamais osé en rêver. Même si cela a toujours été en moi. À 13 ans, je militais en faveur de l'avortement, des droits de la communauté LGBT, des subventions aux écoles publiques, etc. Et déjà à 12 ans, j'ai commencé à jouer. Après quarante ans, j'aime toujours autant ce métier, même si parfois mes collègues me chuchotent qu'ils en ont assez. Ces dernières années, un nouveau défi s'est présenté à moi, diriger un plateau, et j'adore ça.
De quelle performance d'actrice êtes-vous la plus fière ?
"A Quiet Passion" de Terence Davies. Je me suis sentie tellement proche du personnage principal d'Emily Dickinson. Le parcours qui la conduit de son statut de jeune fille naïve et romantique à celui de femme amère montre tant de facettes de sa personnalité fascinante. Elle n'était en aucun cas aimée. C’est tout le contraire de la plupart des rôles féminins, qui doivent toujours nous présenter comme attirantes. C’est amusant, car justement le film a été tourné en Belgique.
Quels sont vos plus beaux souvenirs de la Belgique ?
Mes meilleurs moments, je les ai vécus seule. Je suis restée en Belgique pendant six semaines avant le tournage, loin de ma famille. C'était intense, mais je me suis retirée dans mon cocon pour devenir Emily Dickinson. Je me souviens des promenades au bord de l'eau à Anvers, des grands restaurants, et des rues étroites et accueillantes. Ayant grandi à New York, je suis bien sûr avant tout une citadine, mais je trouve l'Europe vraiment magique.
"Ratched", disponible sur Netflix.