Le classement ultime des shows de Ryan Murphy, du pire au meilleur
Ratched, American Horror Story, Glee, Hollywood... Depuis 20 ans, Ryan Murphy bouscule le monde des séries et du petit écran. La raison ? Le showrunner fait partie de ces rares personnes du milieu à évoluer avec leur époque. Car lorsqu'il a débuté, on ne peut pas dire que le réalisateur prônait des valeurs particulièrement progressistes à travers ses programmes. On penses notamment à Nip/Tuck, sortie au début des années 2000, et bourrées de clichés oppressants et réactionnaires, allant même jusqu'à inclure des passages transphobes. Mais rapidement, l'homme semble remettre son art en question, et dévoile en 2009 Glee, série ado inclusive, carrément révolutionnaire pour l’époque de New Port Beach ou encore des Frères Scott.
Dix ans plus tard, Murphy est l'un des rares créateurs de séries à s'attarder autant sur la forme - avec une esthétique ultra travaillée et reconnaissable entre mille - que sur le fond - avec des histoires désormais inclusives, qui n'hésitent pas à mettre en lumière des sujets de société jusqu'ici invisibilisés. Ses dernières séries - Pose, Hollywood, Ratched, The Politician - ont été saluées à plusieurs reprises pour les valeurs véhiculées, ainsi que pour leur originalité. Pas étonnant donc que le géant américain des séries Netflix se soit intéressé au personnage en 2018, avant de conclure un contrat en béton avec lui. Ryan Murphy et la plateforme au logo rouge se sont ainsi accordés sur pas moins de 10 projets, dont certains ont déjà pu être découverts par le public, comme Hollywood, The Politician, Ratched, ou même la dernière saison d'American Crime Story centrée sur l'affaire Monica Lewinsky. "Les séries de Ryan Murphy ont influencé la culture mondiale de notre époque, réinventé les genres et changé le cours de l'histoire de la télévision. Son attachement à l'excellence et la mise en avant de groupes sous-représentés pour offrir une perspective originale ou pour choquer sont la marque de ses productions qui se jouent des genres", a ainsi souligné Ted Sarandos, directeur des contenus chez Netflix, suite à son accord passé avec le scénariste avant-gardiste. L'occasion de revenir sur le pire du meilleur de Ryan Murphy, et le classement ultime de ses séries.
Nip/Tuck (2003-2010)
En dernière position de ce classement, on retrouve, sans grand étonnement, Nip/Tuck. Suivant la vie de deux chirurgiens plasticiens qui jonglent entre leurs patients de la clinique privée de Miami et leurs vies privées mouvementées, la série sortie en 2003 peut être considérée comme celle la plus controversée de Murphy, notamment aux États-Unis, pour avoir traité des sujets tabous. Certains estimaient que, dans un monde où apparence et superficialité sont devenues des valeurs à part entière, il était temps que quelqu’un s’attaque au sujet. Mais cette série choc évoque bien plus que ces deux sujets ; la pédophilie, des pratiques sexuelles déviantes, ainsi que de la violence sont évoqués, le tout accompagné d’images choquantes et d’un ton irrévérencieux et provocateur, voire souvent choquant. Dénoncée pour son sexisme apparent, la femme est présentée dans ce show comme un objet que l’on manipule et que l’on utilise comme on le veut. Sans oublier un récit ultra opprimant et stigmatisant réservé aux personnes transgenres.
Scream Queens (2015-2016)
Dirigée par Chanel Oberlin, la maison Kappa Kappa Tau est la sororité la plus prisée de l’université de Wallace. Alors que la doyenne Cathy Munsch, totalement anti-Kappa, décidé d’ouvrir le recrutement à toutes les étudiantes, elle déclenche une guerre sans fin. En plus de cette rivalité, un tueur fou en costume de diable rôde dans les parages, créant la terreur à travers le campus, décimant les membres de la sororité un par un. Mélange improbable entre Glee et American Horror Story, les personnages de cette série sont des jeunes stéréotypés, plongés dans le milieu hostile qu’est l’université, et victimes de meurtres tous plus créatifs et gores les uns que les autres. Dans cette série signée Murphy, l’absurde est voulu et totalement assumé, pour mieux amener le spectateur à réaliser la ressemblance avec son époque actuelle. Le showrunner en a fait un portait grossier de notre société et de sa jeunesse, mais aussi de la surconsommation, de l’égocentrisme, de la superficialité, de la compétitivité, de la violence, de l’individualisme, des réseaux sociaux… Si elle a l'air de cocher les cases du succès sur le papier, malheureusement, la série n'a pas rencontré son public. Son taux d'absurdité étant probablement trop élevé.
The New Normal (2012-2013)
Bryan et David sont à la recherche de la mère-porteuse parfaite depuis qu’ils ont décidé de former une famille. Après des recherches acharnées, ils trouvent finalement Goldie, qui leur paraît parfaite, mais seulement au premier regard… Alors que la future mère-porteuse décide de déménager avec sa fille en Californie, afin de se rapprocher du couple, sa grand-mère décide de la suivre. C’est alors que Bryan et David réalisent que la vieille dame est plus que présente dans la vie de Goldie, et que ça ne va pas être aussi facile que prévu. Cette série montre à nouveau une nouvelle facette de Ryan Murphy… Dans ce show, il soulève plusieurs questions de société qui valent le coup, mais le format de 20 minutes par épisode ne permet malheureusement pas de les aborder en profondeur. Une fois encore, Murphy sert des clichés afin de dénoncer l’homophobie et l’intolérance. Si l'intention était bonne, la plupart des téléspectateurs qualifieront cette série de niaise, et non de drôle.
Feud (2017)
"A chaque nouvelle saison un affrontement épique célèbre." Voila ce qui était initialement prévu pour cette série anthologique. Alors que la première saison est dédiée à la rivalité légendaire entre les actrices Joan Crawford et Bette Davis sur le tournage de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, la deuxième saison de la série n’a jamais vu le jour, faute de temps de la part du réalisateur, trop occupé à finaliser son contrat avec Netflix. Ce mélange de vilaines rumeurs et d’infâmes manipulations nous offre un regard sur les dessous sombres de la culture de la célébrité, ainsi que de la dépression qui suit la mise à l’écart des spotlights. Feud combine parfaitement la ferveur de Murphy pour le spectacle et l’ironie, en mettant un accent sur le fait que les femmes sont la force principale d’Hollywood.
The Politician (depuis 2019)
Un riche élève de Santa Barbara, Payton Hobart, pressentait depuis son plus jeune âge qu’il serait un jour le Président des États-Unis. Avant d’atteindre son rêve, le jeune garçon se retrouve face à un premier parcours politique déjà semé d’embuches… Cette comédie loufoque, déjantée, colorée et totalement débridée fait de notre environnement politique actuel une source de rires. Premier show de Murphy présent sur Netflix ans le cadre de son contrat historique, il nous invite à une réflexion intime et politique sur la difficile conjugaison de l’ambition et des émotions. Au passage, le showrunner n'hésitent pas à inclure des acteur.rices transgenres ou non-binaires, sans faire de leur transidentité un sujet en soi. Et c'est ici que Ryan Murphy prouve son évolution, puisqu'il a permis de normaliser le fait de travailler avec des comédien.nes qui ne sont pas cisgenres.
The Watcher (depuis 2022)
The Watcher, c'est la série la plus récente de Ryan Murphy qui, disons-le, fait carrément tâche d'huile parmi ses dernières sorties. On s'explique. The Watcher s'inspire en 7 épisodes d'un histoire vraie centrée sur un couple marié, qui emménage dans la maison de leurs rêves. Peu de temps après, ils reçoivent des lettres de menace terrifiantes d'un harceleur signant sous le pseudo "The Watcher". Jusque-là, rien de spécial, on reconnaît bien le goût du créateur pour les histoires flippantes. Le problème, c'est que bon nombres de rebondissements inattendus ont été inventés de toutes pièces... et manquent cruellement de crédibilité. Ce qui est plutôt surprenant venant de Ryan Murphy, habitué dernièrement à ne livrer que des récits très précis. Autre problème majeur : si l'on pourrait croire que "L'Observateur" est la plus grande menace de cette série, au fur et à mesure des épisodes, impossible de ne pas désigner le père comme le vrai "méchant" déstabilisant l'équilibre de la famille. Entre masculinité toxique, slutshaming envers sa propre fille, paternalisme et autres éléments faisant les bons jours de patriarcat, on n'a pas pu s'empêcher d'être carrément déçu de ce choix de personnage de la part de Ryan Murphy. Et pourtant, du côté du public, le show a fait un carton - et ce, malgré une fin complètement lunaire - au point qu'une deuxième saison est en préparation.
Glee (2009-2015)
Will Schuester, professeur d’espagnol au lycée Mc Kinley, décide un beau jour de prendre les rênes du club de chant de son école, alors totalement laissé de côté par son prédécesseur. Retrouvant son aspiration de jeunesse, mais également la jalousie de sa femme, Will va se donner corps et âme pour constituer un nouveau groupe, composé d’élèves tous différents les uns des autres. L’objectif ? Ramener le Glee Club au prestigieux rang qu’il tenait quelques années plus tôt. Les personnages caricaturaux mais si attachants de Glee ont fait de cette série une révolution pour l’époque. Faisant référence au paradigme des lycées américains, Murphy propose la première série, basée autour de l’humour, au caractère féministe et LGBT-friendly. Révolutionnaire, inclusive, réalise, drôle, touchante, ce show humoristique est connu pour avoir provoqué beaucoup de sentiments contradictoires. Glee fût la première série à faire de la diversité un mot d’ordre ; les séries ado de l’époque ne célébraient que les corps minces, blancs, valides, dans lesquels vivaient des âmes cis et hétéros. Prenant la diversité au sérieux, la série éduquait et montrait qu’il existait de la beauté dans la différence. Plus de cinq ans après son arrêt, le message LGBT-friendly et féministe de la série est toujours autant d’actualité.
American Crime Story (depuis 2016)
A chaque saison son affaire judiciaire ; la saison 1 d'American Crime Story suit le procès controversé et ultra-médiatisé en 1995 de O.J. Simpson, star du football américain accusé du féminicide de son ex-femme ainsi que du meurtre de son compagnon. La saison 2 raconte l’assassinat du couturier italien Gianni Versace à travers le parcours de son tueur Andrew Cuanan dans l’Amérique des années 90. La saison 3, saluée par la critique, retrace l'affaire Monica Lewinsky, avec la principale intéressée en tant que co-productrice… Alors que les premières critiques portaient sur la crainte que la série soit traitée sur le ton de la blague, de manière hostile, les téléspectateurs ont été agréablement surpris par le traitement sérieux et réfléchi des affaires. Qualifié de "meilleure série de l’année" par Newsday, le show offre une étude des personnages et une observation profonde et minutieuse, une réelle plongée dans les abîmes des conflits raciaux, conflits de classe et de la culpabilité des médias. Une grande réussite pour le réalisateur.
Halston (2021)
La mini-série Halston, énième projet de Murphy en exclusivité pour Netflix, suit l'ascension du fameux styliste du même nom, incarné par un Ewan McGregor exceptionnel, à l'origine d'un véritable empire mondial de la mode synonyme de luxe, de sexe, de prestige et de célébrité ayant complètement défini le New York des années 1970 et 1980. Jusqu'à ce qu'un rachat hostile le force à se battre pour reprendre le contrôle de son bien le plus précieux... le nom Halston lui-même. Découpé en 5 épisodes d'environ 50 minutes, le show séduit tant par son esthétique que son casting, largement porté par Rebecca Dayan, qui incarne magistralement la créatrice de bijoux Elsa Peretti, connue pour son poste de directrice artistique de Tiffany & Co., mais aussi pour avoir été la muse du couturier phare des années 70. Seule repproche que l'on pourrait faire à la série : son manque de traitement dans le procédé créatif de Halston, au profit de scènes centrées sur son comportement scandaleux.
Ratched (2020)
D’apparence impeccable, Mildred Ratched est engagée en 1947 comme infirmière dans un hôpital psychiatrique de renom. Mais sous son apparence parfaite se dissimule une noirceur grandissante, faisant d’elle un monstre… Meurtre par meurtre, on découvre comment l'infirmière culte, qui a vu le jour pour la première fois en 1975 dans Vol au dessus d'un nid de coucou, est devenue un monstre au fil des années. Tout en portant un message fort et engagé, cette série jouissive, incisive, sanglante, macabre et touchante comporte une étude réfléchie et émouvante sur les conséquences du traumatisme. La série réhabilite une dimension queer de la féminité, ne présentant pas cette infirmière comme une vulgaire femme tyrannique. Au cours de ses premiers 28 jours de présence sur Netflix, Ratched a été visionné par pas moins de 48 millions d'utilisateurs, en faisant le meilleur lancement de l'année 2020 pour une première saison sur la plateforme.
Monstre - L'histoire de Jeffrey Dahmer (2022)
C'est sans aucun doute l'une des meilleures créations de Ryan Murphy. Dans cette série de 10 épisodes de 60 minutes, le réalisateur revient sur le parcours de Jeffrey Dahmer, alias le cannibale de Milwaukee, l’un des tueurs en série les plus connus aux Etats-Unis. Avec l'un de ses acteurs fétiches dans le rôle-titre, Evan Peters, le show retrace l'enfance difficile du meurtrier, jusqu'à sa condamnation en 1992, et n'oublie pas de mentionner à quel point l’incompétence, l’apathie et surtout le racisme de la police - Jeffrey Dahmer s'en prenait principalement à des hommes noirs - lui ont permis de poursuivre ses crimes durant plusieurs années.
Preuve de son succès, L'histoire de Jeffrey Dahmer est rapidement devenue la série la plus regardée sur Netflix, explosant tous les records, dont le dernier en date était détenu par Stranger Things. Cependant, malgré sa qualité et sa popularité, la série a été condamnée par les familles des victimes, qui ont dénoncé le traumatisme qu'elle leur faisait revivre. Ce qui ne l'a pas empêchée de décrocher pas moins de 4 nominations aux Emmy Awards.
Hollywood (2020)
Alors que la Deuxième Guerre Mondiale est terminée et que le monde commence doucement à reprendre ses marques, un groupe de jeunes acteurs et cinéastes plein d’ambition est prêt à tout donner pour percer dans le showbiz d’Hollywood. Avec son outrance et son clinquant caractéristiques à lui, Murphy aligne les ébats entre les personnages qu’il traite avec tendresse. Marginalisés en raison de leur couleur de peau, de leur sexualité ou encore de leur âge, ce groupe de jeunes à l’intuition qu’en révolutionnant Hollywood, ils abrogeront les préjugés de chacun. Le showrunner met en lumière les figures minoritaires que la Mecque du cinéma a laissé dans l’ombre, discriminées et ignorées pendant des décennies. Même si l'un des personnages principaux, Jack Castello, est un homme blanc hétéro, de nombreux autres personnages viennent de divers horizons, ce qui différencie la mini-série des autres œuvres qui se déroulent à cette époque. Entre Raymond Ainsley, réalisateur à moitié philippin qui sort avec Camille Washington, actrice noire, Archie Coleman qui rêve de devenir le premier scénariste gay noir et finalement Rock Hudson qui décide d'assumer son homosexualité, Murphy a réussi à faire de ce show pas comme les autres un aura d'ondes positives.
Pose (2018-2021)
New York, années 1980. Le nouveau hit de Madonna fait d’un coup du voguing et de la culture des ballrooms un phénomène pop planétaire. Alors qu’elle vient d’apprendre sa séropositivité, Blanca décide de suivre son rêve et sert de mère adoptive à des jeunes gays et personnes trans qui désirent faire carrière dans le monde des arts. Une nouvelle série au caractère LGBT+ pour Murphy, sujet longtemps tû de la communauté transgenre, abordé ici avec une belle sincérité, permettant la naissance d'une véritable révolution dans la pop culture. En plus du choix excellent du casting, leur authenticité et la façon dont les sujets sont traités sans tomber cette fois dans la caricature, ont fait de cette série une grande réussite. L’univers des bals portés par la communauté gay et transgenre des afro et latino-américain est mis sous le feu des projecteurs. Murphy a donc décidé de mettre à l’honneur ce monde underground dont les membres se sont continuellement battus pour exister et pour que leurs droits soient reconnus. C'est donc tout naturellement que Pose occupe la deuxième marche du podium de ce classement.
American Horror Story (depuis 2011)
Récits poignants et cauchemardesques, mêlant la peur et le gore, tout en sensibilisant le publique à des thématiques sensibles : c’est ce que propose cette série, dont la 11ème saison centrée sur la scène new-yorkaise gay des années 80, vient de sortir sur Disney+. Ce thriller supernaturel et psychosexuel est digne de Murphy ; malédictions, nudité partielle, violence… Contrairement aux polars actuels où la peur apparaît à un moment inattendu, le showrunner se démarque ici en proposant une série où la peur est constante lors de chaque épisode. Considérée comme le total opposé de Glee, American Horror Story est le "freak show" érotique, effrayant et maléfique né du duo Murphy-Falchuk. De quoi hisser la série à la première marche du podium.