"A Very British Scandal" : l'histoire vraie de Margaret Campbell
Margaret Campbell, ancienne duchesse d'Argyll et épouse de Ian Campbell, duc d'Argyll, a été au centre d'un scandale qui a éclaté dans la Grande-Bretagne des années 1960. La relation tumultueuse du couple et le divorce qui s'ensuivit précipitèrent les événements qui créèrent la frénésie des tabloïds et, des décennies plus tard, une série télévisée de la BBC avec Claire Foy, intitulée A Very British Scandal. L'occasion de revenir sur la chronologie des événements qui ont précédé et suivi ce moment explosif.
1930
Margaret Whigham a porté trois noms tout au long de sa vie : Margaret Whigham, Margaret Sweeny, et enfin (et le plus célèbre), Margaret Campbell. En 1930, la jeune Margaret est intronisée dans la haute société londonienne parmi les plus riches et l'élite de la ville. Elle est ensuite devenue une figure de proue de la scène sociale, oscillant constamment entre les fêtes et les clubs les plus huppés, prenant et laissant dans son sillage les célibataires les plus éligibles de Londres. Margaret était adorée, la coqueluche de la haute société.
1933
Après une série de promesses de mariage non tenues à d'autres hommes, Margaret épouse le financier américain Charles Sweeny, se convertissant au catholicisme en cours de route. La robe de mariée Hartnell qu'elle portait a suscité tant d'attention qu'elle est devenue un élément culturel incontournable - elle est aujourd'hui exposée dans la collection Victor & Albert à Londres. L'événement a été très médiatisé dans la presse et même pris d'assaut par des personnes non conviées. Le couple a ensuite eu trois enfants ensemble avant de divorcer en 1947 après la Seconde Guerre mondiale.
1951
Après avoir rencontré l'héritier du duc d'Argyll dans un train à Paris alors qu'il était encore marié à sa seconde épouse, les deux se sont mariés en mars 1951. C'est là que nous entrons dans le vif du scandale. Le couple est resté marié pendant 12 ans avant de divorcer très publiquement en 1963. Mais ce mariage était bien différent du précédent - il a commencé dans la tourmente.
Le duc d'Argyll est connu pour sa dépendance à l'alcool, aux jeux d'argent et aux médicaments. Il était également connu pour être froid et violent. Ses deux précédentes épouses ont rapporté de nombreux témoignages d'abus physiques et émotionnels.
1963
Le divorce qui a enserré la Grande-Bretagne dans ses griffes publicitaires a techniquement commencé en 1958, avec des années où le couple s'est empêtré dans le système juridique, se poursuivant et se contre poursuivant. Margaret a falsifié des documents pour tenter de prouver que les enfants que Campbell avait eus dans son précédent mariage étaient illégitimes et l'a également accusé d'aller jusqu'à avoir une liaison avec sa belle-mère.
En réaction, Campbell s'est introduit dans la maison de Margaret et l'a mise à sac, où il a volé des dizaines de documents personnels, des lettres, des extraits de journal intime et des photographies qu'il a ensuite présentés au tribunal. L'une d'entre elles, assez célèbre, était une photographie de Margaret, identifiable uniquement par les perles qu'elle portait autour du cou, en train de se livrer à un acte sexuel avec un inconnu qui devint par la suite le tristement célèbre "homme sans tête". Il s'agit du premier acte connu de ce que l'on appelle aujourd'hui le "revenge porn" dans l'histoire moderne.
Cette photographie a suscité un vif intérêt de la part du public - la recherche de "l'homme sans tête" a été lancée, avec 88 candidats présentés par le duc, comme des hommes avec lesquels Margaret avait eu des relations extraconjugales, y compris de nombreux politiciens de haut niveau, des membres de familles royales et des acteurs célèbres. Il faut toutefois préciser que nombre des personnes citées au tribunal se sont révélées par la suite être homosexuelles.
À l'époque, la loi sur l'homosexualité au Royaume-Uni était beaucoup moins favorable, et Margaret le savait. Afin de protéger les personnes nommées, elle ne s'est pas opposée aux demandes. La photographie a été présentée au tribunal et utilisée comme preuve contre la duchesse, la dépeignant comme une traînée, une femme déchue, le juge allant jusqu'à décrire Margaret comme "une femme complètement dévergondée dont l'appétit sexuel ne pouvait être satisfait qu'avec un certain nombre d'hommes". Le public s'est emparé de ces propos, calomniant et détruisant sa réputation au passage. Le tribunal refusera de permettre à Margaret de donner sa version des faits sans risquer l'emprisonnement, ce qui permet à sa diffamation très publique de gagner en intensité. Elle est bientôt connue comme la "sale duchesse".
Il y a une quantité infinie de choses à dire sur les changements survenus dans le monde depuis cette affaire en 1963, plus particulièrement en ce qui concerne l'incapacité de Margaret à donner sa version des faits, ce qui a permis une humiliation publique proche du biblique. Cependant, cette affaire suit une certaine tendance au Royaume-Uni - et partout ailleurs d'ailleurs - qui n'a pas beaucoup changé concernant l'omniprésence de la mise à mort publique des femmes dans les médias pour le divertissement.
Margaret a été victime d'un double standard extrême qui existe encore aujourd'hui. Dans les années 60, il était courant pour les hommes d'avoir des liaisons extraconjugales ou de prendre des amantes pendant leur mariage. Si Margaret a été si publiquement détruite, c'est simplement parce qu'elle était une femme qui refusait de céder aux pressions d'hommes et d'institutions très puissants. Le public n'a jamais considéré Margaret comme une personne à part entière, mais simplement comme une manifestation de choc et d'horreur dont il était suffisamment éloigné pour en être satisfait et captivé.
A Very British Scandal fait la lumière sur la version de l'histoire de Margaret - comment ces systèmes puissants ont joué contre elle, comment elle a été mise en pièces par les médias, comment un homme puissant qui n'était manifestement pas irréprochable a utilisé ces structures pour la diffamer. En outre, il explore le Londres de l'après-guerre et examine la manière dont la misogynie institutionnelle était ancrée dans la culture de l'époque. Après être morte en 1993 avec une réputation encore en morceaux, il faut espérer que le grand public pourra découvrir la vraie Margaret.
