Art & Culture

À quoi ressemblent les festivals d’été du monde d’après ?

Comme chaque été, notre agenda fait la part belle aux festivals. Ils sont partout, dans les champs et les châteaux, dans des villages perdus et des villes bien connues, à taille humaine ou en mode Coachella, sur sept jours ou une nuit, dans un style ou dans mille, en famille ou en roue libre… Et avec l’envie aussi d’évoluer dans un monde qui ne cesse de changer.  

WEANDANCE © Isaac Ponseele
WEANDANCE © Isaac Ponseele

Une petite centaine probablement, de mi-juin à mi-septembre : sur une quinzaine de week-ends, ça fait environ 6 par semaine. Le week-end du 6-7 juillet par exemple, il y avait LaSemo, les Ardentes, le Sjock, l’Ieperfest, le Cactus, et on en oublie sûrement… Ce n’est pas pour rien si la Belgique est souvent considérée comme la "terre des festivals", ce petit pays qui compte plus de festivals que de fritkots par habitants. On exagère à peine, mais une chose est sûre : depuis le monde d’avant, ce ne sont pas les événements festifs qui manquent… Avec un gros hic quand même, l’inflation galopante, qui rend certains festivals impayables pour qui veut rester raisonnable. Heureusement apparaissent de nouvelles formes de festivals, qui s’adaptent à notre nouveau monde et aux nouvelles attentes de leur public.

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Dour © Solenn Fort
Dour © Berthoud Lia
Dour © Mathieu Drouet

Le leurre et l’argent du leurre

On a tous été jeunes et vigoureux, à se rouler dans la boue et à camper sans se laver pendant trois jours : "The time of our lives", comme le chantait Green Day ou Bryan Adams, enfin peu importe. Aujourd’hui, on a envie d’un peu plus de confort et tant qu’à faire de mettre son argent dans des events qui font attention à ne pas saloper la planète : l’ère des "festi-veaux" qui vous trai(t)ent comme des vaches à lait avec leurs tarifs prohibitifs et leur prog’ cannibale cartonnent encore et toujours, mais bonne nouvelle : ils ne sont plus la panacée. Un autre monde de festivals existe : c’est celui où les festivaliers sont invités à prendre le temps, à se poser sans se faire bousculer ou piétiner, à réfléchir même… Et où ce qui prime, c’est l’expérience, le cadre, l’environnement, l’ambiance et l’esprit de communauté, bien davantage que les noms rutilants et clinquants qui squattent en général le haut de l’affiche. "C’est la nouvelle génération des festivals “boutique”", explique Didier Gosset, porte-parole de la FFMWB (Fédération des Festivals de Musique Wallonie-Bruxelles). "Des festivals qui refusent de rentrer dans une logique de “mega-headliners” pour vendre des tickets et qui préfèrent plutôt limiter leur jauge, retirer une scène voire une tête d’affiche qui coûte cher pour se concentrer sur d’autres choses." D’autres valeurs, comme l’éco-durabilité, l’inclusivité, la parité, l’accessibilité et la convivialité. "On est vraiment dans une logique de décroissance", qui va de pair avec une inflation que personne n’a vue venir (merci le Covid, merci la guerre). "Tout a augmenté de façon phénoménale depuis 2020, que ce soient les cachets des artistes ou les tarifs de location de matériel, sans parler de la pénurie de main d’œuvre… Et donc les festivals sont soit obligés de s’aligner en augmentant leurs prix et leurs services, soit ils choisissent de changer de paradigme." On se retrouve donc aujourd’hui avec des fests comme Esperanzah! ou LaSemo qui jouent la carte du "moins mais mieux" (le qualitatif, le green, le familial) et des Godzilla à la Werchter où certes il y a les stars au programme… mais mieux vaut ouvrir un nouveau compte d’épargne. D’ailleurs on s’est amusés (nous aussi) à jouer les banquiers : entre le combi 4 jours à 292 €, le parking à 25 € (par jour !), la bière à 3,50 € et le camping entre 37 € (le bout de terre) et… 649 € (le plancher + le lit + électricité et la porte verrouillable, cool), ça vaut bien une semaine au Club Med. "Ce qui est inquiétant", constate Didier Gosset, "c’est qu’on a d’un côté la Champion’s League des festivals (en gros Werchter & co, le Graspop, les Ardentes, Tomorrowland, Dour et le Pukkelpop, ndlr), et de l’autre le prolétariat (disons les festivals de niche, ndlr), avec presque plus rien au milieu. Entre les festivals de moins de 5 000 personnes et ceux de plus de 40 000, c’est un peu morne plaine, à quelques rares exceptions près (LaSemo et Esperanzah! donc, ou Ronquières, qui cartonne, ndlr). C’est un peu comme s’il ne restait plus que le Magasin 4 et Forest National à Bruxelles." Ou Typh Barrow d’un côté et Aksak Maboul de l’autre : l’hyper FM contre l’hyper-pointu, sans la moyenne des deux. 

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Esperanzah ! © Andy Tierce
Esperanzah ! © Julien Peeters

Free your mind and your fest will follow

Il y a donc les festivals qui répercutent l’inflation sur leurs prix d’entrée et tout le reste, et d’autres qui misent plutôt sur le lien social et un écosystème basé sur le local - que l’on parle des artistes, des food trucks ou de l’hébergement. Du Paradise City (le fest le plus green de Belgique, 100 % végé et presque "carbone free") au très chill Deep In The Woods (un mini-fest enfants admis, au domaine de Massembre), du Campo Solar à Damme (et ses scènes au milieu des champs de tournesols et de maïs) au fest électro/expé La Nature à la Baraque de Fraiture, l’heure est à la redéfinition des priorités et des valeurs que les festivaliers aimeraient défendre ou que l’on défende pour eux. À LaSemo par exemple, les stars ne sont pas du tout celles auxquelles on s’attend forcément, puisque Victoire Tuaillon (l’autrice du fameux podcast féministe Les Couilles sur la table), la cheffe étoilée végane Claire Vallée ou encore le collapsologue Gauthier Chapelle partagent l’affiche avec Ben Harper, Balthazar, Cali et Pierre de Maere…  C’est ça aussi, les festivals post-Covid : on se lève ou on s’assied pour écouter de la musique, mais également pour dénoncer certaines dérives et battre campagne, comme à Esperanzah! où "la culture est mise à profit du développement d’une société durable et solidaire" et où "les festivaliers sont les acteurs principaux" de ce nouveau monde en train de se (dé)construire. Ça fait du bien, non ? 

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Micro Festival © KAHORI
Micro Festival © KAHORI

Nos festivals coup de cœur 

Dour. Le plus gros fest wallon (avec les Ardentes) joue lui aussi la carte du bio avec son "green camping", ses cours de yoga et même ses… jacuzzis. De quoi vraiment se la couler douce entre deux concerts – surtout qu’il y en a plus de 200 (nos tips : Aphex Twin, Janelle Monáe, Peggy Gou, Boy Harsher, 070 Shake, Show Me The Body, Eliza Rose, Peet, Flavien Berger…) Du 12-16 juillet – Dour – dourfestival.eu

Le Micro. Un micro-fest indé en pleine ville, ultra-convivial (Liège quoi) et défricheur, qui sur trois jours vous fera découvrir le meilleur de la scène rock/post-punk/indie/outsider de demain (Deadletter, Fat Dog, Ogives, Daggers, Lambini Girls, Horse Lords…). Pour rester dans le coup à peu de frais, on ne fait vraiment pas mieux. Du 4 au 6 août – Liège – microfestival.be

Scène Sur Sambre & Ronquières Festival. On l’avoue, c’est plus pour le cadre (en bord de Sambre, avec les ruines de l’abbaye d’Aulne en arrière-plan) que pour le line-up (Gims, Dadju, Kid Noize, Daddy K…). Pareil pour le Ronquières (c’est la même team derrière et la même ambiance fluviale), avec quand même du lourd niveau variété (Adé, Biolay, Indochine, Placebo, Zaho de Sagazan et même The Prodigy). Du 25 au 27 août – Thuin – scenesursambre.be / Du 4 au 6 août – Ronquières – ronquieresfestival.be

Le Deep in the Woods. Dans le genre fest écolo en pleine nature, le DITW se pose en précurseur. On y va en famille pour décompresser entre deux live tranquille (pop, folk, électro), on se promène dans les bois, on se fait un sauna en mode Davy Crockett et puis une toile sous les étoiles… Et le lundi, on est prêts pour affronter la rentrée. Yihaaa ! Du 8 au 10 septembre – Massembre (Hastière) – deepinthewoods.be

Le festival de rave. Vous aimez danser ? La techno, la house, l’amapiano, le gabber, la hard trance ? Il y a donc le Paradise City, mais également Wecandance, Fantasia, Dreambeats, Sunrise, Good Mood, So W’Happy, Beauville, Festiloco, Cirque Magique, Wonderful Days, Land Of Love, Dance-D Vision, The Qontinent, Voodoo Village, Bermuda Festival… et encore plein d’autres. En général, en Flandres, au bord de l’eau, de la mer ou d’un château. Avec des fleurs dans les cheveux, c’est mieux.

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