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Comment la piscine du Molitor à Paris est-elle devenue un spot culte ?

C'est au bord de ses bassins que le bikini est apparu, tout comme la tendance "seins nus"… Molitor, piscine parisienne mythique, investie par la culture underground pendant plus de deux décennies, a rouvert ses portes il y a pile dix ans, au centre d'un luxueux complexe avec hôtel, club privé, spa et restaurant. Pèlerinage en terre culte. 

© Sebastien Giraud
© Sebastien Giraud

Dans un coin reculé du 16e arrondissement de Paris, entre Roland-Garros et le stade du Parc des Princes, ce complexe inspiré d'un paquebot a été inauguré en 1929 par deux nageurs olympiques, Aileen Riggin et Johnny Weissmuller (la superstar qui incarnera le personnage de Tarzan au cinéma dans les années 30). Le bikini a fait ses débuts ici en 1946, présenté par Micheline Bernardini, danseuse nue du Casino de Paris, ainsi que la mode du monokini en 1968. La piscine du Molitor est alors un lieu où il faut voir et être vu. "Il y avait des plongeoirs et des seins nus partout. C'était l'époque des piscines plaisir. Des lieux extrêmement vivants, ludiques, où l'on venait passer un moment très convivial. Les enfants sautaient, les femmes en faisaient trop, ça draguait dans tous les coins. C'était la vie", peut-on lire sur le site du photographe Gilles Rigoulet à l’origine de la série de photographies en noir et blanc Molitor 85. Un endroit populaire et glamour donc et ce, jusqu’en 1989 où, jugée insalubre, la piscine doit fermer ses portes, et devient une toile pour les graffeurs de la ville et le nouveau temple de l’underground parisien. Vaisseau de béton où les artistes expriment leur créativité, Molitor ressemble alors à un atelier à ciel ouvert, une œuvre d’art collaborative qui attire les street artists du monde entier. En 2001, près de 2000 personnes organisent même une rave party dans ses bassins vides jusqu’à 11h du matin. En 2012, la piscine est rasée malgré son classement à l'inventaire des Monuments historiques. Il faudra attendre 2014 pour que le lieu ressuscite en un hôtel cinq étoiles opéré par MGallery Hotel Collection, toujours avec ses deux piscines mais avec en plus, un restaurant, un spa by Clarins et un rooftop.

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Tel un phoenix… 

En grattant les couches de peinture au moment de la rénovation, les nouveaux propriétaires sont tombés sur du jaune ! Vérification faite dans les archives de l’époque, la piscine Molitor n'était pas blanche, mais bien "jaune tango" lors de son inauguration quatre-vingts ans plus tôt. Le nouvel espace Molitor sera donc moutarde à l’image du bâtiment original dessiné par Lucien Pollet dont ne subsistent aujourd'hui qu'une partie de la façade et des éléments du décor qui ont pu être restaurés, comme certaines coursives ou les emblématiques vitraux du maître verrier Louis Barillet. Tout le reste – les portes des cabines, les mosaïques, le plafond en staff du restaurant et surtout les deux bassins, l'un couvert, l'autre en plein air – est une copie presque conforme de l'original. La piscine de 50 m à l'air libre est amputée de quelques mètres et elle est désormais surplombée par deux étages supplémentaires où se logent un hôtel cinq étoiles de 124 chambres, un spa Clarins de 1 700 m2, une néo-brasserie supervisée par le chef Grégory Gbiorczyk, un bar et un toit-terrasse où siroter des cocktails jusque tard dans la nuit. 

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© Geraldine Martens

En être…

Pour vivre l’expérience Molitor et faire trempette dans sa cool pool chauffée à 28 °C, rien de plus simple… Il faut être client de l'hôtel ou adhérer à son club (très) privé. On a donc pris l’Eurostar, investi une chambre avec vue sur le bassin et tenté le grand plongeon… Contrairement aux parties communes, les chambres ont un look moderne et minimaliste. Le blanc, le gris et le beige se marient parfaitement aux lignes acier et au mobilier épuré. À travers les fenêtres ou les hublots, on observe la valse des nageurs… La nuit, on profite d’une literie étoilée et de produits Clarins dans la salle de bains. En sous-sol, le spa possède deux saunas et deux hammams, et propose des soins et massages spécialisés pour récupérer après avoir enchaîné les longueurs. Et puis il y a le petit-déjeuner qui propose un buffet réconfortant avec crêpes, pancakes, charcuteries et fromage de qualité, mini-légumes, jus de fruits frais et gâteaux maisons. Sans oublier, l’art urbain qui tient une place de choix dans chaque recoin de cet ex-temple de l’underground. Pour preuve : depuis 2018, les anciennes cabines de change du bassin intérieur ont été transformées en petites galeries d’art, vitrines d’artistes de renom comme Does, Marko93 et Nasty. Sur son site, on peut même acheter des NFT inspirés de ces œuvres de 2018 en passe d’être remplacées par de nouvelles. La boucle est bouclée.

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© Sebastien Giraud

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