Les diamants de culture sont-ils vraiment plus éthiques que les diamants naturels ?
C’est un fait : l’industrie du diamant, incontournable en Belgique, et dont la capitale se trouve à Anvers, est l’une des plus opaques. Difficile de savoir d’où provient sa pierre, si cette dernière a été récoltée en exploitant des enfants dans les mines, ou si elle ne cache pas une facette sombre : celle des diamants de conflit. Pour pallier ce manque d’éthique et de transparence, le diamant de culture s’est imposé comme l’alternative idéale ces dernières années. Le principe ? Créer de véritables diamants, en laboratoire, grâce à l’énergie solaire. La composition chimique des diamants est ainsi identique à celle des diamants extraits des mines. La seule différence entre les diamants de laboratoire et les diamants naturels est l'impact social et écologique, qui est nettement moindre.
Same but different
Traditionnellement, les diamants sont produits entre 150 et 250 km sous terre, et peuvent prendre de 1 à 3,5 milliards d’années à se former. En reproduisant ces conditions en laboratoire, les diamants peuvent désormais être cultivés et formés à partir de petites graines de carbone, qui fondent et se dissolvent. Chaque pierre réagissant différemment à ce processus, les diamants de culture conservent toute leur magie, mais ne sont impactés ni par la surexploitation de la terre, ni par celle des êtres humains, ou dans le pire des cas, des enfants.
Les quatre "C"
Aucun doute : les diamants de culture et les diamants naturels sont identiques. Les meilleurs experts sont d’ailleurs incapables de déterminer la différence entre les deux variétés à l’œil nu. Créés de la même manière, ils produisent les mêmes résultats, résumés par l’industrie en 4 C : couleur, coupe, carat et clarté. Ainsi, plus la coupe est nette, plus les facettes du diamant interagissent avec la lumière pour créer un éclat ultime. Les diamants doivent également varier en couleur selon une échelle alphabétique. Moins la couleur est élevée, plus la note sera haute. Ensuite, les diamants peuvent présenter des imperfections, cela affectera leur clarté. Plus la pierre est claire, plus sa qualité est élevée. Enfin, le carat est défini par la taille du diamant. Ces derniers sont pesés en carats métriques, avec une unité égale à 0,2 gramme. Résultat : les diamants de culture et les diamants naturels sont tout simplement indiscernables.
Pas d’intermédiaires
Si ces diamants sont semblables en tous points, c’est au niveau de la production que les différences existent. Et elles sont importantes. D’abord, les diamants de culture permettent de garder le contrôle sur la chaîne de production. Là où les diamants de mine sont échangés jusqu’à 15 fois avant d’atteindre le client final, le diamant de laboratoire sera simplement créé, taillé, poli, et monté. Sa provenance et ses conditions d’extraction ne laissent ainsi aucun doute. Des avantages conséquents pour le porte-monnaie – cela évite les majorations des détaillants et les coûts cachés –, mais aussi en termes d’impact social et environnemental. Des diamants plus durables et plus accessibles en somme.
Déjà adoptés par les stars
Propulsé par Meghan Markle sur le devant de la scène mode en janvier 2019, quelques mois seulement après son lancement, le jeune label de bijoux belge Kimaï imagine des créations éthiques, aux courbes ultradésirables. À sa tête ? Sidney Neuhaus et Jessica Warch, deux amies belges originaires d’Anvers. Si le label a connu une entrée fracassante sur la scène mode à peine trois mois après sa création, c’est notamment grâce à la Duchesse de Sussex. Alors qu’elle était enceinte d’Archie en janvier 2019, Meghan Markle, dont le style est étudié à la loupe à chacune de ses apparitions publiques, misait sur une paire de boucles d’oreilles signée de la maison belge. Avec leurs courbes flirtant entre l’arty et l’avant-gardiste, les BO Felicity sont devenues le best-seller de la marque. Destiné à être porté seul, le modèle est fabriqué à la main à partir d’or 18k recyclé et de diamants cultivés en laboratoire. Épousant parfaitement la courbe de l’oreille, il met notamment à l’honneur la tendance de l’œil porte-bonheur, joliment décliné en bijoux ces dernières années.
Une success story belge
Une joaillerie fine éco-friendly, c’est ce que propose Kimaï. Toutes deux issues de familles de diamantaires anversoises, Sidney et Jessica visent "une nouvelle génération de consommateurs écoresponsables", dont elles font partie, et à qui elles souhaitent proposer des pièces aussi luxueuses que respectueuses de l’environnement. Le pari est réussi et les créations on ne peut plus délicates. Au programme : de l’or recyclé 18 carats et des diamants de laboratoire dont la qualité n’a rien à envier à ceux extraits des mines. "Pour nous, le luxe c’est la qualité des produits, la transparence de la production et l’inclusivité de l’expérience", soulignent les deux créatrices, décidément bien dans l’air du temps. Colliers médaillons, bagues précieuses, boucles d’oreilles arty ou bracelets à porter en accumulation… Difficile de faire un choix parmi leurs créations, dévoilées tous les mois sur leur e-shop sous forme de drop. "Nos pièces sont réalisées sur commande, ce qui nous permet d’être très réactifs aux besoins et aux envies de nos clients", explique Jessica.
Moins de deux ans après son lancement, la griffe belge comptabilise plus de 17k abonnés sur Instagram, ainsi que des clientes telles que Emma Watson ou Jessica Alba en plus de Meghan Markle. Son dernier tour de force ? Avoir levé 1,2 million de dollars, à l’aide d’investisseurs parmi lesquels Coralie de Fontenay, ancienne Directrice de Cartier France.
Des diamants révolutionnaires, vraiment ?
Malgré les nombreux avantages des diamants de culture, les puristes du genre soutiennent qu’au fond, ces derniers ne sont pas si révolutionnaires. Dans une interview sans langue de bois, Sidney Neuhaus nous explique pourquoi ils se trompent. Car en plus de faire la part belle à des valeurs de modernité, ces derniers répondent à la demande d’une nouvelle génération de femmes, au point de devenir un symbole d’empowerment.
D’un point de vue éthique, quels sont les avantages des diamants de culture sur les diamants naturels ?
Nous savons tous que l’industrie minière porte atteinte à la planète et que les conditions de travail dans les mines sont parfois terribles. Le plus grand avantage des diamants de culture, c’est leur traçabilité. En utilisant ces diamants, nous connaissons la provenance des pierres, ainsi que les conditions dans lesquelles elles ont été créées. Ces diamants sont conçus en laboratoire dans le respect de l’humain et l’environnement.
De plus, les laboratoires et fournisseurs avec lesquels nous avons décidé de travailler utilisent uniquement de l’énergie renouvelable pour faire grandir ces diamants. En travaillant directement avec eux, nous réduisons les intermédiaires, et contrôlons notre supply chain.
Pour nous, c’était un choix évident de créer une marque avec ces diamants de synthèse qui correspondent aux valeurs que nous voulons transmettre à travers Kimaï.
Les diamants naturels sont produits en majorité par des hommes qui exploitent les ressources dans les cas des diamants de conflit. Pour au final être portés par des femmes. Jessica et vous êtes deux femmes qui produisent pour les femmes dans des conditions éthiques. D’après vous, peut-on dire que les diamants de culture reflètent une évolution de la société en vertu de laquelle les femmes sont indépendantes et n’ont pas besoin d’attendre qu’un homme leur offre un diamant ?
Complètement ! Nous avons pour mission de bousculer les codes d’une industrie qui a connu très peu de changements. Si on regarde les campagnes marketing de grand groupes joailliers, elles se ressemblent la plupart du temps : il y a souvent un homme et une femme qui est représentée de manière très glamour et sophistiquée.
Les diamants de culture peuvent-ils toujours symboliser l’amour, à l’image des diamants naturels ?
Bien sûr. Un diamant reste un diamant, peu importe sa provenance. Tout est dans la beauté de la pierre, sa signification et ce qu’elle représente. Un bijou a souvent une valeur émotionnelle très forte, et c’est ce que nous voulons transmettre avec Kimaï.
Les diamants de laboratoire sont tout simplement le résultat d’une évolution dans la joaillerie, du luxe responsable qui est selon nous une valeur très symbolique.
Le fait de créer des diamants en laboratoire ne risque-t-il pas finalement de tendre vers une surproduction de diamants et donc de renforcer la société de consommation, qu’on essaie pourtant de contrôler ces dernières années ?
Notre société est construite autour de la consommation. Ce qui est important pour nous, c’est de trouver des solutions pour produire mieux, dans le respect de l’humain et de l’environnement. La technologie aujourd’hui nous permet de faire d’énormes progrès dans cette direction, ce qui est le cas avec les diamants de culture.
Que répondez-vous aux puristes qui assurent alors que les diamants de culture ne sont pas plus éthiques que les diamants naturels ?
Personne ne peut nier que dans la grande majorité des mines, les conditions de travail sont totalement scandaleuses (travail des enfants, violation des droits de l’homme, accidents graves…) et les répercussions sur l’environnement ne sont pas sans conséquences. Les diamants de laboratoire sont indéniablement une alternative plus transparente que ceux puisés sous terre.
Comment avez-vous convaincu Coralie de Fontenay de vous soutenir ?
Le parcours de Coralie nous intéressait énormément en raison de son expérience dans la joaillerie chez Cartier pendant une dizaine d’années. Elle a très vite compris que le milieu de la joaillerie était en train d’évoluer, que les gens voulaient du changement. Elle a directement cru au diamant de synthèse, et surtout en notre vision du futur de la joaillerie.
Vous venez d’Anvers, la capitale mondiale du diamant, qui plus est de familles de diamantaires. Comment ont-elles réagi à votre envie de vous lancer dans l'aventure du diamant de culture ?
Ça n’a pas été facile! La plupart ont été réticents car ils ont directement vu les diamants de culture comme une sorte de concurrence. Il faut comprendre que les diamantaires travaillent de la même manière depuis plusieurs générations. L’arrivée et la montée des diamants de laboratoire les a quelque peu bousculés.
En revanche, nous pensons qu’une partie des diamantaires d’aujourd’hui voient une réelle opportunité et une réelle demande pour ces “nouveaux” diamants.
L'industrie du diamant n'a jamais été très claire sur la façon dont sont produits les diamants. En quoi est-ce différent dans le cas des diamants de culture ?
Les diamants de mine sont échangés entre 10 à 15 fois avant d’arriver à leur client final. C’est pourquoi il est extrêmement difficile de connaitre la provenance exacte de la pierre ainsi que les conditions dans laquelle elle a été extraite. Avec Kimaï, nous réduisons les intermédiaires, nous achetons les diamants à des fournisseurs de confiance qui travaillent directement avec les laboratoires. Une fois que nous avons les diamants, nos bijoux sont fabriqués à la main dans notre atelier anversois.
Qui achète des diamants de culture ?
Des femmes et des hommes qui sont plus conscients de l’environnement et qui valorisent la transparence dans leurs achats. Chez Kimaï, nos clients sont souvent des femmes qui ont envie de se faire plaisir avec des belles choses sans se sentir coupables de l’impact de leurs achats.
Il est aussi important de préciser qu’à part le coté éthique, les diamants de culture sont entre 50 et 60% moins chers que des diamants venant de mines. Cela attire donc aussi une nouvelle clientèle qui n’avait pas forcement le pouvoir d’achat nécessaire pour s’offrir des diamants.
On connaît le dicton "Les diamants sont éternels", car indestructibles. Qu’en est-il des diamants de culture ?
Un diamant de culture possède les mêmes propriétés physiques, chimiques et optiques qu’un diamant de mine. La seule différence entre les deux réside dans leur origine, le sol pour le diamant de mine, ou la manufacture pour le diamant de culture. Un diamant sera toujours un diamant.
Comment voyez-vous le futur de l’industrie diamantaire ?
La demande pour les diamants de culture ne fait qu’augmenter. Il est certain que nous ne sommes qu’au début. Le diamant de culture pourrait être la norme dans une dizaine d’années.
À ce jour, la plupart des gens ne savent toujours pas ce qu’est un diamant de laboratoire, il y a encore un énorme travail d’éducation à faire.