Mode

La dernière collection Schiaparelli m’a fait pleurer à la Fashion Week, voici pourquoi

Styliste, designer, créatrice de contenu... Loudmilla multiplie les casquettes. Présente à la Fashion Week de Paris, elle nous explique un moment personnel qui a bouleversé son expérience. 

© Instagram @loudmilla
© Instagram @loudmilla

En 10 min, une émotion m’a envahie, ma peau frissonne, mes poils de corps se soulèvent, mon cœur accélère, mes yeux deviennent humides et je sens une gouttelette glisser sur ma joue. C’est une larme et je n’en reviens pas. A ce niveau, l’expression "avoir les larmes aux yeux" ne suffit pas à exprimer mon état émotif. Une larme coule sur ma joue gauche, une autre suit sur celle de droite, et je fonds complètement dans la pièce du fond du re-see (présentation des collections pour découvrir les vêtements de près après les défilés) de la collection Schiaparelli automne-hiver 2023-2024.

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C’était seulement la 4ème journée de la Fashion Week de Paris, lorsque j’ai eu une révélation à la fois créative, mais aussi philosophique. Je sais, ça semble complètement abstrait mais croyez-moi, vous allez comprendre de quoi je parle. Je pourrais décrire ma Fashion Week, et ce que j’ai aimé ou pas. Ce que j’ai compris ou pas, mais cette saison a pris une autre tournure pour moi. Passionnée de ce monde à part, je ressens le devoir de partager plus que mon avis globale des collections FW 23.

Depuis déjà deux ans maintenant, je me demande pourquoi et comment je reste aussi passionnée de mode et pourquoi je pense m’épanouir dans ce domaine. Cette remise en question est devenue importante car je travaille dans ce milieu depuis déjà plusieurs années. Une expérience durant laquelle certains moments ont été compliqués car ils remettent en question ma conception de la mode et les valeurs que je veux défendre au quotidien, dans la vie professionnelle comme personnelle. Je consomme énormément les réseaux sociaux, et vu le flu de contenu que je digère chaque jour, j’ai réalisé que ce qui est mis en avant sur Instagram ou TikTok (que je n’ai expérimenté que 2 semaines) ne concerne que la surface de la mode. Le superficiel, ce à quoi tout le monde a accès, même ceux qui ne sont pas dans ce milieu. Les contenus comme les looks portés par les stars, célébrités, influenceurs/ses, les défilés, qui était en front row, qui a été à quel défilé, les modèles qui fonctionnent ou pas, les directeurs artistiques des maisons, les défilés qui ont marqué le coup ou fait un flop… Tout ce contenu reste excitant, mais il ne s’agit que de la surface de la mode. J’ai compris que malgré toute l’excitation que peut apporter ces informations, ce n’était pas ce qui m’intéressait le plus dans le milieu et je ne veux pas que la mode se limite qu’à ça. Alors, ma question était : "Pourquoi moi, Loudmilla, je suis réellement intéressée par ce monde ?" L’essentiel de tout ce milieu, ce sont les créations, les tissus, le travail derrière chaque pièce, chaque collection, les techniques de conception, les histoires racontées grace à ces techniques à travers le résultat final, une robe, une veste, un sac, une jupe, etc… Cet élément qui est l’essence même de la mode, j’ai l’impression que ma génération l’oublie. Je pense que très peut de gens savent réellement comment on confectionne un vêtement.

 

J’ai eu l’opportunité de voir les silhouettes de la collection Schiaparelli FW23 le lendemain du show qui s’est déroulé à Paris. C’était le premier défilé prêt-à-porter de la maison qui jusqu’à présent ne faisait que de la haute couture. J’ai découvert une exigence artistique et esthétique absolument exceptionnelle. Et c’est notamment une des raisons qui m’a fait pleurer en face de ces sculptures. Cela semble peut-être extrême mais j’ai lu par la suite que pleurer de beauté, c’était possible. Cette collection m’a rappelé d’où venait ma fascination de la mode. Elle m’a aussi prouvé comment cette industrie est capable de merveilles. C’est l’envie de créer des silhouettes pensées, réfléchies, travaillées et retravaillées. C’est comment sublimer ce qui est déjà sublime et créer des pièces qui tombent à la perfection sur le corps qui aura l’honneur de les porter. C’est comment transmettre une inspiration dans une esthétique la plus impactante. Ce jour-là, j’ai découvert en avant-première l’exposition qui vient d’ouvrir au Palais Galliera, consacrée à l’année 1997. Cette année que je n’avais jamais analysée ainsi, a été incroyablement importante pour la mode. J’ai compris que les collections ou les moments phares que j’admire des designers comme Rei Kawakubo pour Comme des Garçons, Martin Margiela, Ann Demeulemeester, Nicolas Ghesquière pour Balenciaga, Alexander McQueen pour Givenchy, John Galliano pour Christian Dior, Thierry Mugler ou encore Jeremy Scott, sont tous apparus cette année-là. Certains d’entre eux étant incompris, sont devenus les plus grands designers de l’histoire. Ils sont une source d’inspiration pour beaucoup de nouveaux créateurs actuels et sûrement pour encore beaucoup d’autres générations. Dans cette exposition, le travail de Comme des Garçons et de Thierry Mugler m’ont particulièrement émue, on comprend que les messages derrière chaque création et les techniques de confection représentent la force de leur travail.

 

C’est pour cette raison que très peu de collections m’ont marquée cette saison, peut-être à cause du manque d’âme de celles-ci. Néanmoins, j’aimerais influencer chacun d’entre nous à voir les vêtements pour ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent. Car les vêtements ont énormément à nous apprendre sur notre société et son fonctionnement. Les vêtements que j’admire le plus, et qui pour moi sont pertinents, ont une âme, une histoire. Cela n’est possible que par le travail et la technique qui se cache derrière et est appliquée dans chacun d’eux. Je ne voudrais pas que toute notre génération et les suivantes, ne s’intéressent à la mode que pour sa frénésie ou son glamour. J’ai envie que les gens voient ce que je vois dans celle-ci. C’est un moyen d’expression qui demande de la technique, de la patience ainsi que la volonté de concevoir. Je veux dire créer et inventer des techniques pour exprimer une thématique précise; créer des vêtements de qualité, qui ont une vraie structure et qui vivent même sans être portés. La mode c’est tout ça aussi. Je l’ai ré-appris et ça fait un bien fou.

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