Dries Van Noten se confie en exclusivité sur sa collection printemps-été 2020
Christian Lacroix
Dries Van Noten s'est inspiré, pour la collection homme, des feux d'artifice poétiques de l'art japonais et du mélange éclectique de films tels que Le Baiser de la femme araignée, Pink Narcissus, le chef-d'œuvre homoérotique de Fassbinder Querelle et Leaving Las Vegas; pour la collection femme, il a réalisé un tour de force inédit et audacieux dans le monumental Opéra Bastille. Pour offrir un contrepoids esthétique à un monde sinistre de catastrophes et de mensonges trumpiens, il a sollicité le roi absolu de la mode des années 80 et 90 : Christian Lacroix. Plein de contrastes, le résultat de cette collaboration est aussi étonnant que puissant. "Jouer avec la mode et tout le plaisir que cela comporte, je voulais y revenir avec cette collection." Que vous considériez le résultat comme un clash, un rêve ou une collaboration sans précédent, c’est la mode comme elle devrait être : fun. "Pour moi, c'était aussi avant tout une question de respect et d'amitié. Ce fût non seulement une expérience enrichissante, mais j’ai aussi pris un réel plaisir à créer en tandem. Parfois, il faut faire un pas en arrière, puis deux pas en avant."
Archétypes
"Pour cette collection, nous avons mélangé différents archétypes, à la fois d'hommes et de vêtements. Du businessman à l'homme flamboyant en passant par le marin et le soldat, nous avons tout combiné de manière intuitive dans un “mash-up”. Une fusion d'éléments qui ne vont généralement pas ensemble, mais qui fonctionnent au bout du compte. Nous avons d’ailleurs regardé beaucoup de films de Rainer Werner Fassbinder, qui laisse ses héros et héroïnes flotter, portés par leur instinct plutôt que par la raison."
Mika Ninagawa
Entre les motifs zèbre ou tigre, nous avons repéré quelques imprimés qui renvoient à l’œuvre de la photographe japonaise Mika Ninagawa. "Je l’ai connue en 2009 et j'ai toujours aimé ses photos. Son travail est surréaliste. Ses couleurs sont sursaturées, ce qui correspond parfaitement à l'atmosphère du réalisateur allemand. C'est pourquoi je lui ai demandé si je pouvais imprimer certains de ses clichés sur les vêtements. Cela va du néon au feu d'artifice jusqu’aux images de son propre corps dans des tons d'orange et de vert."
NY Lipps
Les arts visuels ne sont pas les seuls à toucher l'âme de Dries Van Noten. Pour compléter cette collection, il a choisi une bande sonore originale de NY Lipps, un “mash-up” par 2 Many DJ's de l'un de leurs grands succès "NY Excuse" et le morceau disco "Funky Town" de Lipps Inc. Dans cette version, retravaillée spécialement pour Dries Van Noten par Stephen et David Dewaele, les airs familiers du disco se mêlent à la voix de Nancy Whang de LCD Soundsystem. La chanteuse américaine lit un extrait d’un texte d'Oscar Wilde ("Chaque homme tue les choses qu'il aime"). Un mélange étrange mais magique, tout comme les couleurs de la collection.
Notre avis
Une chose est sûre, avec cette collection, le créateur a sorti ses talents d'esthète du placard pour mettre sous les projecteurs son sens de la subtilité. Le minimalisme combiné à des créations excentriques et des couleurs exubérantes, la couture et les pois, les imprimés zèbre et les broderies à gogo… Toutes les combinaisons sont puissantes et offrent un condensé de mode pur sang. Ce n'est pas un hommage à un passé glorieux, mais une nouvelle collection résolument tournée vers un avenir meilleur. "Dans chaque collection, il faut chercher l'équilibre. Le plus difficile n’a pas été de ne pas me perdre dans mon propre plaisir, mais de proposer quelque chose que l'on peut porter efficacement." Bien que Dries Van Noten aime jouer avec de nombreux éléments et couches, il a réussi – en partie sous l'influence de Christian Lacroix – à aller à l'essentiel. "Nous avons été contraints d'esquisser une image très contemporaine, en cherchant la juste dose d'excès."
