Comment la mode vintage est devenue incontournable sur le tapis rouge ?
Cette saison, les looks les plus tendance proviennent des archives des grandes maisons.
Il y a dix ans à peine, porter un vêtement de la saison précédente était considéré comme un faux pas, digne d'alimenter les tabloïds et d'être immédiatement relégué dans les listes des "pires tenues". Aujourd'hui, la mode d'archives semble avoir le vent en poupe sur le tapis rouge, depuis la robe Gucci portée par Bella Hadid et datant de l'époque de Tom Ford lors du Festival de Cannes 2022 jusqu'à la tenue Valentino de Zendaya lors de l'avant-première d'Euphoria. Si beaucoup qualifient de tendance l'augmentation "soudaine" du vintage sur le tapis rouge, certains affirment qu'elle est là pour durer.
Johnny Valencia, propriétaire de Pechuga Vintage à Los Angeles, fournit les amateurs de mode en styles vintage depuis des années. Aux premières loges de ce phénomène, il considère que l'essor du vintage sur le tapis rouge est le reflet du quotidien. "Pour bien comprendre une tendance, il faut d'abord regarder ce qui se passe dans la rue", explique-t-il.
En dehors de la bulle des célébrités, la conversation autour de la durabilité dans la mode se développe depuis des années. Alors que de nombreux créateurs et maisons de couture se sont tournés vers l'intégration de tissus et de techniques durables dans leurs processus de conception, les consommateurs soucieux de l'environnement se sont progressivement tournés vers la revente. Le rapport d'impact 2022 de Vestiaire Collective a révélé que plus de 33 millions de personnes ont acheté leur premier vêtement de seconde main en 2020, et le secteur de la revente devrait croître 11 fois plus vite que celui des vêtements neufs traditionnels.
Mimi Cuttrell, la styliste de stars telles que Gigi Hadid, Maude Apatow et Madelyn Cline, a toujours gardé le vintage au cœur de son processus. Pour elle, ce changement est "le reflet d'une industrie dans son ensemble qui devient plus soucieuse de l'environnement" et représente "une collaboration entre les clients et les stylistes pour passer à un mode d'habillement plus durable".
Comme l'explique Johnny Valencia, le changement culturel s'est accompagné d'une évolution des habitudes de consommation. "Plus c'est vieux, mieux c'est. C'est le paradoxe du vintage : le très vieux est bon et le très nouveau est mauvais". La demande des consommateurs a créé un espace où les vêtements "anciens" sont normalisés et même célébrés. Mais si la durabilité a allumé la flamme, la singularité du vintage a mis le feu aux poudres.
"Plutôt que de porter la dernière robe inspirée d'une collection d'il y a 30 ans, pourquoi ne pas porter l'original ?"
En 2011, Julie Ann Clauss a fondé The Wardrobe, un établissement où des clients comme Tom Ford entreposent et préservent leurs vêtements d'archives dans des conditions dignes d'un musée. En tant que fournisseur de collections d'archives depuis plus d'une décennie, elle voit dans le vintage un aspect pratique de la mode. "De nos jours, les magasins du monde entier proposent le même inventaire. Le vintage est donc l'un des seuls moyens de se démarquer et d'être unique", explique-t-elle.
"Il n'y a qu'un nombre limité d'options dans une nouvelle collection, alors que si vous plongez dans les archives, il y a des décennies et des décennies de pièces étonnantes", explique Brynn Jones, propriétaire d'Aralda Vintage, basée à Los Angeles. "Je pense qu'une fois que cette porte s'est ouverte, les gens ont compris que le plus récent n'est pas nécessairement le meilleur."
C'est cette quête d'unicité - qui, selon Valencia, Jones et Clauss, a été rendue possible et encouragée par Internet et les réseaux sociaux, que ce soit par l'accès à l'histoire de la mode ou par la crainte des critiques de mode dans la section des commentaires - qui a donné au vintage une nouvelle vie, d'autant plus, comme le note Clauss, que les nouvelles collections sont devenues "assez autoréférentielles" depuis une cinquantaine d'années. Valencia fait écho à cette affirmation en demandant : "Cela existe déjà, alors pourquoi nous compliquer la vie ?" Porter du vintage permet non seulement de se démarquer, mais aussi de montrer son appréciation et sa connaissance de l'histoire de la mode - comme l'appelle Valencia, ses "compétences en matière de mode".
Plutôt que de porter la dernière robe inspirée d'une collection d'il y a 30 ans, elle-même inspirée d'un créateur d'il y a 25 ans, pourquoi ne pas porter l'original ? Cette question suppose que cette évolution vers la mode vintage n'est pas une simple tendance, mais plutôt un changement réel et durable dans le comportement des consommateurs. Si des données viennent étayer cette hypothèse, Clauss n'en est pas aussi sûr. "Le pendule se déplace toujours, et je suis sûre qu'à un moment donné, les gens seront intéressés par ce qui est "nouveau" et "actuel" - mais je pense que la mode qui déclenchera cela devra être nouvelle et liée à un moment unique dans le temps", dit-elle, en faisant référence au style Space Age des années 60 de Courrèges, Paco Rabanne et Pierre Cardin.
Cependant, les vendeurs de vintage Valencia et Jones sont plus optimistes. La "combustion lente" de la popularité du vintage indique à Jones que "c'est là pour durer". Mais pour Valencia, il ne s'agit pas seulement d'une tendance, elle ne devrait pas l'être. "Cela va au-delà de ce que vous et moi portons, ou des personnes auxquelles nous prêtons attention. Il s'agit d'un effort communautaire qui part du sommet et va jusqu'à la base, et vice versa".
