Mode

Comment Chanel réinterprète en bijoux précieux le tweed qui compose ses vestes ?

Soucieuse d’entretenir la cohérence entre joaillerie et mode, Chanel réinterprète en bijoux précieux le fameux tweed qui compose ses vestes… Rencontre avec Patrice Leguéreau, directeur du Studio de création de joaillerie Chanel.  

Mi-juin dans un endroit tenu secret du cœur de Londres, une employée gantée détache de son socle une parure spectaculaire dont la pièce centrale n’est autre qu’une tête de lion en diamants avant de manipuler un bracelet tissé de pierres précieuses… Autour d’elle, un petit groupe de journalistes triés sur le volet observe médusé les nouvelles créations joaillières signées Chanel. Parmi les observateurs, Marianne Etchebarne, directrice internationale du marketing et de la communication du segment horlogerie-joaillerie, commente : "La joaillerie Chanel n’est pas une joaillerie d’apparat. Ce sont des bijoux plaisir qu’on s’approprie… Ils ne sont pas faits pour rester au coffre."

© Patrice Leguéreau, directeur du Studio de création joaillerie de Chanel.

Reproduire la souplesse de l’étoffe

L’histoire d’amour entre Chanel et le tweed remonte aux années 1920, lorsque Coco tombe amoureuse du duc de Westminster et découvre, en fréquentant l’aristocratie anglaise, cette étoffe d’origine écossaise confortable et duveteuse... Réinterprété et tissé de mille et une façons saison après saison, le tweed est aujourd’hui l’un des éléments majeurs de l’ADN de la maison de couture française. S’il était essentiellement utilisé dans la confection des vêtements et de quelques pièces de maroquinerie, ce tissu emblématique a fait son entrée pour la première fois dans l’univers de la joaillerie en 2020, sous l’œil créatif de Patrice Leguéreau, directeur du Studio de création joaillerie de Chanel. Trois ans plus tard, le tweed est à nouveau l’élément central de la nouvelle collection Chanel Haute Joaillerie 2023 avec pas moins de 63 pièces reprenant la trame de la fameuse étoffe, tissée à partir de fils d’or ou de platine, pavée de diamants et sertie de pierres précieuses. "J’ai souhaité aller encore plus loin dans l’interprétation du tweed, en imaginant un véritable tissu de pierres précieuses, souple et léger. Cette collection représente trois ans de travail à partir des premiers coups de crayon jusqu’au jour de la présentation. Je dessine beaucoup. Il y a des dessins d’inspiration mais aussi et surtout des dessins purement techniques qui permettent de concrétiser les pièces de joaillerie. Avec l’expérience, je m’émancipe de plus en plus du côté technique pour me concentrer sur la profondeur des collections et les messages qu’elles véhiculent. Pour la collection Chanel N°5, par exemple, je m’étais plongé dans l’histoire de ce parfum mythique pour en extraire toute l’émotion. Pour Le Tweed, c’est la même chose. Il m’a fallu entrer dans la matière pour pouvoir traduire le plus justement possible son essence." Le résultat est bluffant tant les métaux et les pierres donnent l’illusion d’un lainage en relief. "Dès mon entrée chez Chanel, en 2009, et ma rencontre avec François Lesage (du brodeur Lesage, propriété de Chanel, ndlr), j’ai eu envie de traduire le tweed en bijoux, retrace Patrice Leguéreau. Il a fallu beaucoup de recherche et développement pour parvenir à reproduire la précision et les jeux de croisement du tweed ainsi que sa souplesse." Car contrairement à la précédente collection où le tweed était surtout imité par des emmaillements de chaînes d’or, ce sont, cette fois, les pierres elles-mêmes qui s’entrecroisent à la place des fils de laine, aidées par "un système complexe de charnières et charnons". Assemblées, malgré leur dureté, les gemmes semblent alors épouser les courbes du décolleté et dégouliner des poignets avec une souplesse déconcertante... Divisée en cinq chapitres, cette nouvelle collection reprend également les icônes chères à Gabrielle Chanel: le ruban blanc, le camélia rose, la comète sur fond bleu, le soleil jaune et le lion, signe astrologique de la créatrice. Colliers, sautoirs, plastrons, bracelets, bagues, broches et boucles d’oreilles se parent ainsi du précieux maillage, sublimé par ces symboles représentés tantôt dans un fermoir caché, tantôt évoqués pleinement, sous forme de broche détachable ou à partir de pierres précieuses telles que le saphir, le diamant, le lapis-lazuli ou le grenat spessartite. "Ce qui est intéressant avec le tweed, c’est que toutes les couleurs sont permises. Après, il faut trouver la parfaite harmonie entre les pierres. Le collier Tweed royal, par exemple, est une pièce hors norme par sa densité mais aussi par ses couleurs. Il n’y a pas un élément sur cette pièce qui n’est emmaillé." Ce collier, fruit de 2 400 heures de travail, est une véritable prouesse technique. D’une souplesse incroyable, la trame du tweed de pierres entrelace l’or jaune avec un ensemble exceptionnel de rubis et de diamants. Au centre du bijou trône une tête de lion, symbole de la haute joaillerie de Chanel. Détachable, elle peut se porter en broche, tout comme le diamant poire central peut être porté sur un corps de bague. "J’aime quand les créations cachent des détails insoupçonnés. Une étoile cachée au niveau du fermoir, une tête de lion ajourée presque imperceptible comme motif d’une boucle d’oreille... Pour moi, la beauté et la rareté ne sont pas forcément dans la démesure mais plutôt dans la finesse des détails. J’aimerais encore perpétuer ce vocabulaire du tweed à l’avenir. Que les gens songent, en voyant ces bijoux tissés, à ce qu’ils pensent en voyant une veste en tweed: c’est du Chanel !", conclut Patrice Leguéreau.

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