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The Magician : dans l’univers magique de Stephen Fasano

"I, I follow, I follow you, deep sea, baby, I follow you…" Derrière ce remix et tube planétaire, se cache Stephen Fasano alias The Magician qui, à l’occasion de la sortie de son premier album à la fin de l’été, revient sur ses débuts en tant que DJ et producteur, et sa vie de globe-trotter. 

© Elodie Gerard Fasano
© Elodie Gerard Fasano

Son premier album sort en octobre prochain… "The Magic" promet d’être un opus pop, éclectique, joliment référencé à l’image de cet hédoniste qui parcourt le monde pour faire danser les foules, toujours accompagné de son épouse Élodie Gérard, photographe de talent. Ses débuts, c’était il y a plus de trente ans. Ado, Stephen s’essaye au deejaying dans des bars namurois avant de devenir l’un des DJ les plus cool du Plat Pays et de fonder le projet Aéroplane avec le producteur belge Vito de Luca. Avec ses sons pop baléariques et disco rock et son album "We Can’t Fly" (2010) plein de featurings prestigieux, le duo brille pendant trois ans avant de rompre définitivement. Six mois plus tard, Stephen Fasano signe en solo un must de la scène dance avec son remix de "I Follow Rivers" (2011) de Lykke Li. Fort de son énergie et de son amour de la club culture, il crée The Magician, son avatar roi du dancefloor, multipliant à l’envi les remix, sortant une poignée de maxis, mélange de french touch filtrée, de gimmicks italo et de house UK, parsemé de vocaux addictifs, et distillant ses mixes bras en l’air dans les plus gros festivals du monde entier. Quinze ans plus tard, le monde (les États-Unis et l’Amérique Latine en prime) lui déroulent le tapis rouge et sur son Soundcloud, ses Magic Tapes mensuelles bourrées d’exclus sous forme de voyages dans le meilleur de la pop club actuelle prouvent ses talents de défricheur. Pour son premier album baptisé "The Magic", véritable carte de visite à l'adresse du grand public, Stephen a choisi de se faire plaisir avec une formule pop indé qui lui ressemble et qui puise son énergie dans les années 1990, le funk, l’italo-disco… Bref, un projet frais et insouciant, "cheesy" et irrésistible, mais surtout brillant comme une boule à facettes. La marque d'un savoir-faire aiguisé par des années de live. Rencontre.

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© Elodie Gerard Fasano

Le goût de ton enfance ?

La musique rétro que mon père et mon oncle écoutaient, l’italo disco des années 80 et puis les voyages… Les virées dans le sud de la France en famille. Dans la voiture, je dessinais les paysages qui défilaient. Enfant, je créais des mondes imaginaires pour tuer l’ennui. Quand j’ai reçu ma première chaîne hifi, je faisais des cassettes avec des enchaînements de morceaux… Mes premiers mix ! À 11 ans, j’ai commencé à travailler sur les marchés pour pouvoir m’acheter des vinyles. À 18 ans, je suis allé pour la première fois à Londres. Ce fut une révélation! Les Dr. Martens, Camden Town, le style new beat… Je suis tombé amoureux de l’électro anglaise. The Prodigy, Daft Punk, The Chemical Brothers étaient mes groupes préférés… Une esthétique et des sons qui m’accompagnent toujours.

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© Elodie Gerard Fasano

Devenir DJ, une vocation ?

J’ai toujours rêvé d’être DJ mais ado, je n’imaginais pas que ça pouvait être un métier. À 18 ans, tout ce dont je rêvais, c’était de dénicher les morceaux les plus cool et rares possible, de les faire connaître au plus grand nombre et d’être reconnu pour ça. Au début, j’étais tellement timide que je jouais dos au public. Mes premiers sets, c’était dans un bar à Charleroi qui s’appelait La Petite Fugue. Je jouais de 21 h à 5 h du matin sans m’arrêter pour 500 francs belge (10 euros). Ensuite, j’ai été repéré par Rudy des soirées Mad Club à Bruxelles. Il m’a invité à jouer au Fuse… Et puis, de fil en aiguille, j’ai rencontré Renaud Deru qui aimait mon éclectisme et m’a proposé une place de résident au Dirty Dancing. C’était en 2002, le début des salons lounge dans les boîtes de nuit où on passait de la musique plus chill que de la House qui tapait. En parallèle, je bossais pour gagner ma vie. Je collais des affiches, distribuais des flyers pour des évènements culturels… Petit à petit, je me suis fait un nom. En 2005, je jouais partout en Belgique et puis j’ai rencontré Vito de Luca et on a créé notre projet Aeroplane…

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© Elodie Gerard Fasano

De DJ à producteur de musique, il n’y a eu qu’un pas ?

Je voulais produire ma musique mais je n’avais pas les compétences techniques. J’avais l’oreille mais je manquais de confiance. Dans Aeroplane, Vito et moi formions un binôme très complémentaire. Musicien et producteur, il aimait être en studio, faire les arrangements. C’était le technicien. Moi, j’aimais le contact avec les gens, l’image, je savais ce qui marchait… Mon objectif, c’était de faire la même musique que les Norvégiens Lindstrøm & Prins Thomas. C’était tendance à ce moment-là. Je voulais aussi qu’on signe sur le label Eskimo Recordings et on y est arrivés! On a sorti deux EP puis un album, les remix Paris de Friendly Fires et Forest de Grace Jones… Chacun donnait son input jusqu’au jour où Vito a décidé de continuer le projet seul. Cette rupture a été très douloureuse pour moi. Comme je n’étais pas musicien, je pensais que produire de la musique sans l’aide de quelqu’un était impossible pour moi.

Pourtant, six mois plus tard, tu sortiras un des remix les plus célèbres de tous les temps !

Si je voulais grimper les échelons, je savais qu’il fallait que je produise de la musique. J’ai alors créé le personnage de The Magician. Un magicien en costume rétro, énigmatique et décalé, qui partageait ses “Magic Tapes” sur SoundCloud. Comme c’était moi qui m'occupais de toute la communication pour Aeroplane, je connaissais tous les mecs des blogs de musique. Ils m’ont tout de suite soutenu et ont parlé de mon   projet. Très vite, j’ai reçu des propositions de remix dont celui de Atlantic Records pour le morceau de Lykke Li. Le label me proposait 2500 pounds pour le morceau mais il ne voulait pas me donner de points (pourcentage sur le royalties, NDLR)… Je me suis dit que c’était une belle opportunité, que ça allait m’apporter des bookings, que j’allais voyager dans le monde entier et que de toute façon ce serait un miracle si le track était diffusé. Je n’imaginais pas encore qu’on pouvait gagner de l’argent en produisant de la musique. (Rires.) Du coup, je fais ce remix dans ma chambre et je demande à mon pote Yüksek de m’aider à refaire certains synthés. J’envoie le morceau au label. Ils me disent qu’ils n’ont pas de retour de Lykke Li et que - vu qu’il n’y a pas vraiment d’engouement - je peux sortir le track en téléchargement gratuit sur mon SoundCloud si je veux. Comme la chanson originale I Follow Rivers n’était pas encore sortie, j’en ai profité pour envoyer mon remix à tous les blogs en avant première. Du coup, ma version a commencé à être jouée sur toutes les radios. Moins d’un an après, elle était dans le top des classements officiels presque partout en Europe, en Angleterre mais aussi aux États-Unis. L’ironie de l’histoire? C’est que je n’ai jamais rencontré Lykke Li et que je n’ai jamais touché un franc sur ce morceau.

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© Elodie Gerard Fasano

Comment ta vie a-t-elle changé après le succès du remix de "I follow Rivers" ?

Quand tu fais un hit planétaire comme celui-là, des centaines de propositions de bookings arrivent en un coup. On te propose aussi des dates bizarres, comme par exemple de jouer cinq minutes à Rome pour 20 000 euros! Je devais juste jouer le morceau sur scène et puis rentrer chez moi… J’ai refusé énormément de dates comme celle-là. De 2011 à 2013, j’ai eu un rythme de vie de dingue. J’étais tous les deux jours dans un avion vers l’Asie, les États-Unis ou encore l’Amérique Latine. En 2014, j’ai fait Coachella. Je l’avais déjà fait en 2010 avec Aeroplane mais cette fois, j’étais seul et dans mon élément. Ce n’est pas le festival où je m’amuse le plus mais c’est la meilleure publicité! C’est un événement où on rencontre plein d’artistes différents. Le melting pot de talents et de styles, c’est exactement ce que j’aime. Après ça, je suis devenu papa et ça n’a pas été facile de trouver un équilibre entre ma vie en tournée et ma vie privée. J’ai été longtemps “écartelé” entre les deux.

En parlant de vie privée, avec ton épouse Élodie Gérard, vous formez un power couple fusionnel à la ville comme à la scène. Quelle influence son regard de photographe a-t-il eu sur toi ? 

Le travail et l'œil d’Élodie inspirent beaucoup ma musique mais aussi mon image d’artiste… Quand on s’est rencontrés, c’était pour faire des photos pour The Magician. Tout était évident et on est très vite devenus inséparables. Quand je suis en tournée, elle m’accompagne sur chacun de mes sets ou presque. Avec elle, j’ai appris à m’écouter. Personne ne s’imagine à quel point le rythme des tournées est difficile. Surtout aux État-Unis où on est tout le temps dans les avions avec des décalages horaires de fou. Avant, je buvais pour me désinhiber. Aujourd’hui, je ne bois plus quand je joue. Du coup, jouer la nuit devient parfois un peu compliqué. De son côté, Élodie profite de nos déplacements à l’étranger pour organiser des shootings et y développer son portfolio. Je me transforme alors en assistant, en chauffeur, en casteur parfois… Et j’adore ça. On forme une vraie équipe.

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© Elodie Gerard Fasano

Pour le shooting mode Palm Springs publié dans le dernier L’Officiel, quelles ont été ses sources d’inspiration ?

Elle a profité de ma tournée en Californie pour organiser une grande production mode à Palm Springs. On adore l’esthétique rétro, solaire et colorée de cet endroit. Pour l’édito de L’Officiel, Élodie s’est inspirée du travail de photographes comme Helmut Newton, Tony Kelly World, Juergen Teller, Guy Bourdin. Des photographes qu’elle admire et qui l’inspirent dans son travail mais aussi dans beaucoup d'aspects de notre vie. Nous adorons la mode aussi. Mais une mode qui ne se prend pas au sérieux. Il faut toujours une touche d’humour, un petit décalage, comme chez Bottega Veneta. L’esthétique d’un chauffeur de bus japonais en 1992 qui porte un costume brun avec une cravate verte qui ne va pas avec le reste, c’est tout ce qu’on aime. C’est aussi un peu le mood du shooting d’Élodie dans notre nouvelle maison pour lequel j’ai joué le modèle.

Nous sommes dans votre nouvelle maison en périphérie bruxelloise dans laquelle vous venez d’emménager. On retrouve ici le style Mid-Century que vous aimez tant mais aussi des objets ludiques et des couleurs pop qui donnent une atmosphère décalée mais aussi intemporelle… Quelle est l’inspiration de cette esthétique singulière ? 

Un doux mélange de nos différentes cultures. Élodie est libanaise via sa maman, sarde de par sa grand-mère. Je suis d’origine italienne. On aime les atmosphères solaire très French Riviera mais aussi le côté kitsch qu’on peut parfois trouver en Italie. On s’est mariés dans les Pouilles dans une Masseria transformée en boutique hôtel dans la petite ville de Fasano. Et pour la petite anecdote, c’est Martin Parr qui a fait nos photos de mariage. On adore son côté vrai, décalé, coloré. L’esthétique de notre maison est dans la même veine. C’est une maison de 1976 de l’architecte Paul Noël avec différents niveaux et un grand séjour ouvert sur le jardin. On l’a rénové en respectant l’esprit d’origine. On a choisi de peindre tous les murs en blanc pour pouvoir ensuite s’amuser avec des objets et du mobilier colorés.

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© Elodie Gerard Fasano

Vos marques de mode préférées ? 

Il y a Bottega Veneta et ses matières incroyables. Aimé Leon Dore, un designer du Queens, et son univers sport rétro tout droit venu des années 30-40. Je remarque par contre que ces dernières années la mode ne se marre plus trop. Il y a beaucoup de labels qui sont devenus tristes. On aime aussi beaucoup l’âme de Courrèges. Je connais depuis longtemps Nicolas Di Felice qui est un pote. On vient tous les deux de la région de Charleroi. Quand on y pense, on a beaucoup de chouettes créatifs en Belgique! On est plus dans l’avant-garde que les Français. Par contre, les Français ont l’art de tout sublimer.

Vos destinations de voyage préférées ?

Je suis fan de magazines de voyage comme Travel + Leisure. Je connais tous les hôtels qui viennent d’ouvrir et je fais des listes d’endroits où aller. On choisit les hôtels en fonction de la déco. On adore par exemple La Minervetta à Sorrento en Italie mais aussi l’hôtel Nobu à Los Cabos au Mexique. Mexico City est vraiment notre ville coup de cœur pour le moment. C’est un endroit hyper créatif. On a l’impression que tout est encore possible là-bas. Mais rien ne vaut l’Italie. L’île d’Ischia, par exemple, est un de nos spots préférés. Sinon en tournée au States ou en Asie, dès qu’on peut loger dans un Soho House ou dans un hôtel The Standard, on le fait. Ce sont des valeurs sûres.  

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© Elodie Gerard Fasano

Et pour la sortie de ton premier album, il faut s’attendre à quoi ?  

Sa sortie est le 25 octobre mais la campagne débutera fin mai avec un premier titre baptisé The Magic avec Sofiane Pamart et Romuald. Ce sera un album plus à écouter qu’à danser. C’est un projet très personnel qui me ressemble et qui rassemble tout ce que j’ai toujours aimé comme musique. Un mélange de funk, de disco, de pop et de techno... Bref, je retrace un peu toute ma carrière en musique et ça donne un résultat assez intemporel. J’ai mis deux ans pour le finaliser. Je l’ai enregistré un peu partout dans le monde. Il y a des featurings avec de super artistes. Au final, je fais de la musique pour m’amuser. Je ne revendique rien à part le fait de vouloir partager ma passion.

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© Elodie Gerard Fasano

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