Pour ce génie du beat, rien n’est tout à fait blanc ou noir, triste ou heureux, c’est toujours un peu des deux.

Une dualit&eacute; que David Numwami, 26 ans, incarne physiquement avec ses cheveux blonds d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, noirs de l&rsquo;autre et les smileys &quot;joyeux&quot;&nbsp;et &quot;triste&quot;&nbsp;tatou&eacute;s sur ses doigts. Apr&egrave;s Le Colis&eacute;e, formation pop qu&rsquo;il avait cr&eacute;&eacute;e avec ses potes de lyc&eacute;e, le Belge a partag&eacute; des jams avec Flavien Berger, &eacute;crit pour Moodo&iuml;d et Nicolas Godin (Air), ou encore accompagn&eacute; Fr&agrave;n&ccedil;ois and The Atlas Mountains et Charlotte Gainsbourg sur sc&egrave;ne, y compris lors d&#39;un live de cette derni&egrave;re &agrave; Coachella. Alors, apr&egrave;s des ann&eacute;es &agrave; jouer la musique des autres, le temps est venu pour ce schizo au c&oelig;ur tendre de nous pr&eacute;senter son projet solo : &quot;The Blue Mixtape&quot;. En &eacute;quilibre entre la joie et la tristesse, l&rsquo;humour et la m&eacute;lancolie, l&rsquo;ironie et le r&eacute;el, David Numwami propose ici une recette singuli&egrave;re : danser le spleen sur des rythmes enjou&eacute;s et masquer d&rsquo;intimes confessions sur des m&eacute;lodies rose bonbon.

Ton projet solo, tu en r&ecirc;vais, tu l&rsquo;as enfin fait&hellip; 

C&rsquo;est un peu comme un coming out. Il faut trouver la force et le courage de sortir de l&rsquo;ombre. Pendant des ann&eacute;es, je me suis cach&eacute; derri&egrave;re quelqu&rsquo;un. Quand j&rsquo;&eacute;tais sur sc&egrave;ne avec Charlotte Gainsbourg par exemple, je me disais : si &ccedil;a se passe mal, c&rsquo;est elle qui se tape la honte. Moi, je restais anonyme et je trouvais &ccedil;a confortable. Apr&egrave;s, jouer de la musique toute la journ&eacute;e pour les autres, &ccedil;a te donne des id&eacute;es pour tes morceaux &agrave; toi. Chaque fois que je rentrais dans ma chambre d&rsquo;h&ocirc;tel apr&egrave;s un concert, je m&rsquo;amusais &agrave; composer. Je m&rsquo;&eacute;tais arrang&eacute; pour que le matos de musique soit stock&eacute; dans ma chambre. &Agrave; la longue, tu r&eacute;alises quand m&ecirc;me qu&rsquo;il est temps que tu fasses ton projet parce que tu deviens un peu frustr&eacute;.

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Comment s&rsquo;est pass&eacute;e la rencontre avec Charlotte Gainsbourg?

J&rsquo;avais fini mon master en philo &agrave; l&rsquo;UCL et comme c&rsquo;&eacute;tait un peu la gal&egrave;re financi&egrave;rement, je me suis dit que c&rsquo;&eacute;tait le moment de trouver un &quot;vrai&quot;&nbsp;travail. Un jour, j&rsquo;&eacute;tais en train d&rsquo;envoyer un e-mail pour postuler en tant que coursier Deliveroo quand j&rsquo;ai re&ccedil;u un appel du manager de Charlotte me demandant si je voulais jouer avec elle sur sc&egrave;ne. Ce qui est &eacute;tonnant, c&rsquo;est que sur le coup j&rsquo;ai dit non (rires). J&rsquo;avais commenc&eacute; &agrave; enregistrer des morceaux dans mon studio &agrave; la maison et je n&rsquo;avais pas envie de partir. Une semaine apr&egrave;s &quot;lundi mardi spaghettis, jeudi vendredi aussi&quot;, je le rappelais pour lui dire que j&rsquo;&eacute;tais partant. On &eacute;tait lundi et je commen&ccedil;ais &agrave; r&eacute;p&eacute;ter le jeudi &agrave; New York. C&rsquo;&eacute;tait la premi&egrave;re fois que j&rsquo;allais aux States. Je n&rsquo;avais pas de carte de cr&eacute;dit. Je vivais avec les quelques dollars que j&rsquo;avais pris avec moi. Le premier jour en studio, tout &eacute;tait tr&egrave;s naturel. On &eacute;coutait les d&eacute;mos. Je choisissais les instruments que je voulais jouer sur chaque morceau. La premi&egrave;re fois que j&rsquo;ai jou&eacute; de la basse, c&rsquo;&eacute;tait ce jour-l&agrave;. Je n&rsquo;avais pas trop la pression parce que je me disais que dans le pire des cas, s&rsquo;ils ne me prenaient pas, j&rsquo;&eacute;tais &agrave; New York pendant une semaine &agrave; l&rsquo;&oelig;il. Je ne comprenais pas tr&egrave;s bien pourquoi ils m&rsquo;avaient choisi d&rsquo;ailleurs, mais comme ils m&rsquo;avaient fait venir &agrave; New York, je me suis dit qu&rsquo;ils devaient &ecirc;tre s&eacute;rieux. J&rsquo;ai beaucoup appris aupr&egrave;s d&rsquo;elle, humainement parlant. Elle est vraiment cool et respectueuse de tous les gens avec qui elle travaille.&nbsp;

"J’ai reçu un appel du manager de Charlotte me demandant si je voulais jouer avec elle sur scène. Ce qui est étonnant, c’est que sur le coup j’ai dit non."

Du coup, tu as eu l&rsquo;occasion de voyager dans le monde entier. Quel est l&rsquo;endroit qui t&rsquo;a le plus marqu&eacute; ?

Tokyo, c&rsquo;&eacute;tait dingue. On logeait dans un des plus beaux h&ocirc;tels de la ville et on jouait dans des salles combles. Cette ville m&rsquo;a compl&egrave;tement fascin&eacute;.

&nbsp;

Pourquoi avoir choisi de te poser &agrave; Bruxelles ?

Bruxelles est une ville qui rassemble tout ce que j&rsquo;aime. Elle est absurde et &ccedil;a la rend belle. J&rsquo;adore quand son ciel est rose, c&rsquo;est magique. C&rsquo;est aussi une ville qui grouille d&rsquo;artistes. Tu as la sc&egrave;ne hip-hop &eacute;videmment, mais tu as aussi des musiciens de dingue comme le pianiste Casimir Liberski. Ici, on peut travailler assez sereinement. C&rsquo;est moins la course qu&rsquo;&agrave; Paris.

&nbsp;

Comment d&eacute;crirais-tu ton univers?

Gentil et d&eacute;cal&eacute;. J&rsquo;aime bien les choses &eacute;tranges et mignonnes en m&ecirc;me temps. Dans la lign&eacute;e du Kawaii japonais.

David Numwami - Beats! 1 - (C) Mathieu Teissier.jpg

Comment vis-tu le confinement, toi qui as eu l&rsquo;habitude pendant des mois de ne jamais dormir dans la m&ecirc;me ville deux soirs d&rsquo;affil&eacute;e ?&nbsp; 

Le confinement, je trouve &ccedil;a plut&ocirc;t relaxant. J&rsquo;aime bien ce rythme ralenti. De toute fa&ccedil;on, je travaille de chez moi. Le travail en studio me plait autant que la sc&egrave;ne. Beaucoup de gens fantasment la vie en tourn&eacute;e comme quelque chose de rock&rsquo;n&rsquo;roll, or ce n&rsquo;est pas toujours &eacute;vident. C&rsquo;est une vie sans rep&egrave;re o&ugrave; on n&rsquo;est plus jamais chez soi, ni avec ses proches. On vit non-stop avec des musiciens &ndash; qui ne sont pas les gens les plus sains de l&rsquo;univers. Et puis, c&rsquo;est perturbant de rencontrer des nouvelles personnes chaque jour en sachant que d&egrave;s le lendemain tu ne les reverras s&ucirc;rement plus jamais.

&nbsp;

Tu revendiques un processus cr&eacute;atif &quot;homemade&quot;. Comment &ccedil;a se passe en vrai ?

Je travaille en totale autarcie. Je fais tout chez moi, dans mon home studio. Travailler seul, &ccedil;a rend fou parfois. Quand il n&rsquo;y a personne pour te donner son avis, tu peux bosser sur un morceau ind&eacute;finiment. Surtout quand tu es un ind&eacute;cis comme je le suis. Un morceau n&rsquo;est jamais fini jusqu&rsquo;au moment o&ugrave; tu abandonnes. Pour le clip de &quot;Beats!&quot;, comme c&rsquo;&eacute;tait la premi&egrave;re fois que je faisais &ccedil;a, je me suis dit que j&rsquo;avais droit &agrave; l&rsquo;erreur. J&rsquo;ai fait les dessins, le montage, le sc&eacute;nario&hellip; Pour cet album, j&rsquo;ai jou&eacute; un peu tous les r&ocirc;les. Je travaillais tant&ocirc;t sur des logiciels de musique, tant&ocirc;t sur Photoshop, tant&ocirc;t sur des logiciels de montage pour faire des teasers&hellip; J&rsquo;aime bien cr&eacute;er plein de trucs diff&eacute;rents, que ce soit de la musique, du dessin, de l&rsquo;image.

"Travailler seul, ça rend fou parfois. Quand il n’y a personne pour te donner son avis, tu peux bosser sur un morceau indéfiniment."

Le plus beau compliment que l&rsquo;on puisse te faire ?

Une fois, un mec m&rsquo;a dit qu&rsquo;il faisait l&rsquo;amour sur mes morceaux. J&rsquo;ai trouv&eacute; &ccedil;a bizarre&hellip; Donc pas &ccedil;a ! J&rsquo;aime bien quand on dit que &ccedil;a sonne bien, ou qu&rsquo;on aime bien les paroles parce que c&rsquo;est &ccedil;a qui me prend le plus de temps.

&nbsp;

Parlons-en de tes paroles justement. Derri&egrave;re tes BPM enjou&eacute;s, il y a souvent un message cach&eacute;&hellip;

J&rsquo;ai encore du mal &agrave; assumer que je fais passer des messages. Je ne me sens pas tr&egrave;s l&eacute;gitime dans ce r&ocirc;le, alors je dis beaucoup de choses de mani&egrave;re dissimul&eacute;e. Dans &quot;Le Fisc de l&rsquo;Amour&quot;&nbsp;(premier morceau de son projet solo, ndlr), je parle d&rsquo;une rupture amoureuse et je dis que les mecs s&rsquo;en sortent toujours mieux que les femmes au final. Mais tu imagines si je disais &ccedil;a tel quel dans une chanson ? Ce ne serait pas tr&egrave;s subtil. Dans &quot;Beats!&quot;, je dis que je passe mon temps &agrave; faire des beats, non pas que &ccedil;a me plaise tant que &ccedil;a, mais plut&ocirc;t parce que je veux fuir la r&eacute;alit&eacute;. La chanson et le clip ont l&rsquo;air l&eacute;ger comme &ccedil;a, mais le propos est triste dans le fond. Je n&rsquo;arrive pas encore &agrave; parler de choses s&eacute;rieuses de mani&egrave;re frontale. Il y a toujours un pas de c&ocirc;t&eacute; dans mes chansons. Un message passe toujours mieux s&rsquo;il est enrob&eacute; d&rsquo;un peu d&rsquo;humour et de second degr&eacute;. Jacques Brel usait beaucoup de cette m&eacute;thode : choisir un sujet pr&eacute;texte, d&rsquo;apparence anodin, pour r&eacute;v&eacute;ler ses faces sombres. Ce que j&rsquo;essaie de dire est complexe, donc plut&ocirc;t que de le dire mal, je trace les grandes lignes et chacun y voit ce qu&rsquo;il veut y voir.

David Numwami - Beats! 4 - (C) Mathieu Teissier.jpg

Quels sont les sujets qui te tiennent &agrave; c&oelig;ur ?

L&rsquo;amour et l&rsquo;ambition. L&rsquo;amour, c&rsquo;est simple, je n&rsquo;ai connu qu&rsquo;une seule fille et nous sommes ensemble depuis 10 ans. Pour l&rsquo;ambition, c&rsquo;est plus compliqu&eacute;. Il y a des artistes qui assument leur ambition &agrave; fond et qui sont pr&ecirc;ts &agrave; tout pour y arriver. Et puis, il y en a d&rsquo;autres, comme moi, qui sont ambitieux mais qui ne sont pas pr&ecirc;ts &agrave; tout sacrifier. Les tourn&eacute;es m&rsquo;ont g&acirc;ch&eacute; la vie parce que j&rsquo;&eacute;tais loin de ma famille et en m&ecirc;me temps j&rsquo;ai ador&eacute; cette p&eacute;riode. C&rsquo;est tr&egrave;s ambivalent. Rien n&rsquo;est noir ou blanc. En fait, si je pouvais rester comme je suis l&agrave; maintenant, ce serait super. Je n&rsquo;ai pas vraiment besoin de plus.

&nbsp;

Tu as cr&eacute;&eacute; ton propre label. Pourquoi ?

Je voulais rester ind&eacute;pendant. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire pr&eacute;cis&eacute;ment. Il me sert &agrave; sortir mes morceaux, mais j&rsquo;ai aussi envie de signer d&rsquo;autres artistes en qui je crois. Mon premier album sortira en f&eacute;vrier 2021 (si tout va bien). Je l&rsquo;ai appel&eacute; &quot;Blue Mixtape&quot;&nbsp;parce que je range mes morceaux dans des dossiers class&eacute;s par couleur. Le suivant ce sera le rouge ou le jaune&hellip; J&rsquo;aimerais aussi le sortir en vinyle. C&rsquo;est marrant, c&rsquo;est limite moins old school de sortir un vinyle aujourd&rsquo;hui qu&rsquo;un CD.

&nbsp;

Le monde dans lequel on vit, tu le vois en rose bonbon aussi ? 

Affirmer que j&rsquo;aime le monde d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, c&rsquo;est beaucoup dire. On vit dans un monde qui appelle &agrave; choisir son camp. C&rsquo;est tr&egrave;s &eacute;trange pour moi cette tendance manich&eacute;enne de la soci&eacute;t&eacute;. C&rsquo;est nier la complexit&eacute; des probl&egrave;mes et des situations. Je me sens plut&ocirc;t un peu perdu. Il y a de plus en plus de clivages et de s&eacute;parations entre les gens. Or la solution est au contraire de se mettre tous ensemble pour r&eacute;gler les probl&egrave;mes. Par contre, je pense qu&rsquo;on est en train de vivre un moment charni&egrave;re o&ugrave; des changements importants vont s&rsquo;op&eacute;rer.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;

Qui est David Numwami, le musicien belge qui a séduit Charlotte Gainsbourg ?

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