Knott Shop : bienvenue dans le nouveau concept de Jean-Paul Knott
"Au fond, j’aime plus les vêtements que la mode." Désormais, le créateur remonte son univers vers le haut de la ville, dans un espace pluridimensionnel articulé autour d’un cœur d’îlot avec vue sur un poétique terrain de tennis envahi par la végétation, un jardin et une orangerie, où il a shooté son lookbook. Sur quatre étages traversés par la lumière des saisons, Knott Shop vit, évolue au rythme du temps qu’il fait et du temps qui passe, expose et fait galerie, sans en porter le nom. La boutique au rez-de-chaussée, et dans les étages une cabine d’essayage, des bureaux, un petit atelier de couture, et les appartements privés. Ses clients et ses amis passent et contribuent à la philosophie des lieux, formant un réseau d’artistes qui peignent et taguent leurs inspirations pour un échange et un enrichissement mutuel, créant des passerelles entre les disciplines. "La mode, c’est un groupe de gens ayant la même sensibilité en un endroit donné, à un moment précis." Comme un parti pris, Jean-Paul Knott décloisonne les arts entre les murs de sa maison.
Une réflexion comme une rénovation
"La mode est en train de changer radicalement. Il va falloir inventer une nouvelle façon de (re)construire toute notre façon de faire. À partir du moment où il y a les organisations sociales en évolution, il y a des modes." Créateur prescripteur, il a vu la mode se transformer, innover, parfois s’épuiser depuis les années "couturiers". Styliste pendant treize ans dans le studio d’Yves Saint Laurent, il a appris le métier par la base, d'abord responsable de la licence des bas et collants. Lors de la restructuration de la Maison au milieu des années 90, Jean-Paul Knott s’est vu confier la responsabilité de Rive Gauche Femme pendant cinq ans, sous la direction de Loulou de la Falaise. Il a assisté Yves Saint Laurent pour la Haute Couture, habillé 350 mannequins et quatre "géants" représentant les quatre saisons d'YSL sur les Champs-Élysées lors de la parade de 1998 à l’occasion de la Coupe du Monde. Depuis 2000, il signe ses créations de son nom, et pour ce qui est des turpitudes de l’industrie et de l’euphorie du succès, il a quelques saisons d’avance. Pour lui, "la mode va continuer à exister, mais différemment. J’ai toujours envie de créer des pièces simples, pratiques. Au moment de la première crise Covid en 2020, ma société avait 20 ans et elle était florissante, je voyageais sans arrêt. Puis brusquement, comme beaucoup, je me suis retrouvé en vacances forcées à Bruxelles. À cause de ce contexte bouleversé et des problèmes de production qui ont suivi, j’ai passé beaucoup de temps avec mes clientes. J’ai ralenti, réfléchi à mes années de travail, revisité mes archives, repris mes patrons. Il y a vingt ans, mon ambition était de proposer une garde-robe minimaliste à accessoiriser. Un vestiaire mixte, dans les genres et les usages. Aujourd’hui, on a besoin de vêtements interchangeables du matin au soir, de pouvoir vivre en pyjama. De peu de choses, mais de qualité." Il renoue le fil de son projet de départ : "Jean-Paul Knott, no season, no age, no sex, no colour, but colour, but sex." Une réflexion fondamentale, animée de nuances selon l’air du temps.
Un nouveau tempo
Ce showroom-boutique à l’atmosphère paisible et méditative invite aussi à tisser du lien humain, indissociable de la décision de "recevoir chez soi". D’ailleurs pour l’hiver prochain, Jean-Paul Knott prépare une ligne de vêtements-pyjamas : une veste interprétée en chemise, un peignoir devenu manteau. Mais d’abord, la collection de printemps : des lignes essentielles, du noir, du blanc, du bleu Klein, des mots qui lui tiennent à l’âme peints à même les tissus, des pièces customisées. Le designer affirme sa volonté de produire en fonction de la réalité de la météo et non plus de l’agenda décalé de l’industrie, de proposer ce qu’on a envie de porter quand on regarde par la fenêtre. Privilégier une logique de juste cadence, face à la tendance. Créateur-curateur attentif aux besoins des consommateurs, il conçoit du homewear de luxe, cultive son langage de grands volumes ajustés. "Cette crise devait arriver, et on se dirige vers un nouveau départ. On n’en pouvait plus de courir sans arrêt après quelque chose qui s’éloignait au fur et à mesure. Peut-être qu’il faut arrêter de courir, et continuer de réfléchir. Bien sûr que je suis frustré de ne plus découvrir le monde, mais on apprend à communiquer différemment, à être plus proche de certains, moins d’autres. Pour la première fois depuis vingt ans, je suis présent."
L’écoute et un service en direct, un échange plus intime, plus personnel
En parallèle à cette maison polyvalente, il développe un showroom virtuel qui affiche une évolution douce de la garde-robe toute l’année. Les ventes de la prochaine saison se sont faites par écrans interposés, de Los Angeles à Osaka, avec une nouvelle communauté digitale liée par une couture durable. "Il faut mettre un frein à cette surconsommation insensée." Fort de la conscience que le monde bascule et grandit, sous la casquette de l’entrepreneur, il ne s’entête pas dans un schéma obsolète. "Après, rien ne sera plus pareil." Lui qui a, à son échelle, fait grandir la mode l’anticipe, l’accepte et l’accompagne. Sa stratégie désormais sera de proposer des ajustements réguliers de ses collections au fur et à mesure des saisons, comme presque tous les créateurs indépendants le font en ce moment. Arrêter les soldes, comme ils sont nombreux à le réclamer, parce que les stocks seront réduits au minimum, et aussi pour respecter le travail des artisans. "Il est temps de travailler sur des quantités raisonnées." Chez Jean-Paul Knott, ce sera en deux formats de vêtements, grand/petit, en complétant avec une ligne sur mesure. Dans un second temps, il développera une ligne de design d’intérieur : des lampes, des plaids, des bougies. "Pour proposer des choses différentes et poursuivre ma réflexion sur le vêtement. Être en contact étroit avec les clients et le stock affûte l’analyse des besoins du moment." L’obsession actuelle dans les demandes de ses clientes ? La jupe droite. Étonnamment. Sans doute le signe d’une envie de revenir, entre deux Zoom, à une élégance un peu moins "canapé".
Comment reconstruire le monde de demain ?
"Je serai ravi que les choses reprennent leur cours, mais en attendant, il faut donner du sens à ce qu’il advient depuis des mois et en réalité, des années. J’ai longuement réfléchi à tout changer à propos de mes processus de production. Je ne collabore quasi plus qu’avec un petit atelier à Bruxelles." Tous ceux qui peuvent se le permettre en témoignent : travailler à côté de l’endroit où l’on fabrique est un luxe, qui permet de suivre le processus de production pas à pas. On investit aussi l’espace où l’on vit, crée et photographie l’époque différemment. Jean-Paul Knott propose à vendre aussi dans cette boutique cocon des bijoux légers, des objets épurés, des théières et éléments de décoration rapportés du Japon, fabriqués selon un art traditionnel. Posés en cohérence près d’un trench ciré à la wax blanche qui est une pièce unique, et pas loin des tee-shirts imprimés "homme", et "femme", à s’échanger. Des collections pas tout à fait genrées, bien rangées, à mélanger. Jean-Paul Knott investit sa Maison de voyages et de sentiments, qui, sans modifier sa patte créative radicale et sa grâce du détournement, installe ses arts mêlés dans un nouvel élan, instruit, reconstruit.
147 Franz Merjay, 1050 Ixelles
jeanpaulknott.com