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Abderrahmane Trabsini : on a rencontré celui à qui l'on doit le succès de Daily Paper

Abderrahmane Trabsini aka Captain Aoshima signe sa toute nouvelle collection pour la maison resolument hype Daily Paper. Nommée Under The Same Moon, la collection printemps-été 2023 s’inspire de ses origines marocaines. Rencontre avec le designer qui brise les frontières et disrupte les dogmes du streetwear.

Célébrer l’héritage et la richesse de l’Afrique, voilà le défi réussi et plein d’audace que s’est imposé Daily Paper. Une success story qui prend forme en 2012 grâce à un trio de choc, composé de Abderrahmane Trabsini, originaire du Maroc, Hussein Suleiman originaire de Somalie et Jefferson Osei originaire du Ghana. Diaspora ou nomades modernes, les 3 designers ont su redéfinir les codes du streetwear en montrant que la musique, la culture et la mode ne faisaient qu’un. Enchaînant collaborations et collections engagées, Daily Paper a affirmé sa position d’avant-gardiste en élevant les outfits de la street au rang d’art moderne.

Under The Same Moon, c’est avant tout la reconnection à la terre, à l’Afrique, berceau des 3 créateurs de la marque. En collaboration avec l’artiste Yasmin Elnour, certaines pièces du vestiaire se composent de créations florales et autres couleurs naturelles. On retrouve notamment un ensemble en denim dont le monogramme a été teint au henné puis imprimé numériquement. Avec cette nouvelle collection, Abderrahmane Trabsini, perpétue et exporte outre Atlantique les traditions marocaines. Bien plus qu’une simple marque, Daily Paper est aujourd’hui un mouvement, un emblème de l’empowerment africain.

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À quel moment avez-vous réalisé le fait que vous vouliez évoluer dans l’univers de la mode ?

C'était il y a 13 ans, avant le lancement de Daily Paper. J'ai toujours été un créatif. J’ai fait plusieurs écoles d'art, mais je n'ai jamais su ce que je voulais vraiment faire de ma créativité. J'aime la publicité, j'aime le graphisme, j'aime beaucoup de choses différentes. Le lancement de Daily Paper a été pour moi un véritable déclic. J'aime créer des choses, c’est une meilleure façon de dire que j'aime créer des vêtements.

 

Amis d’enfance, comment Hussein Suleiman, Jefferson Osei et vous-même avez-vous eu l’idée de lancer Daily Paper ? Pourquoi l'avoir appelé ainsi ?

Daily Paper était un blog. Son nom s’inspirait de la chanson "Mouths to feed" de Ludacris, et des paroles "Can't keep up with news but I get that Daily Paper". Daily Paper est une métaphore de la quête quotidienne à l'argent. Un jour, on a eu l'idée de faire des produits dérivés. On est allé chez American Apparel, on a acheté des vêtements, on a mis un logo dessus et on les a vendus à nos amis et à notre famille. C'était le début du voyage. 

 

Pourquoi avoir choisi un bouclier Masaï comme inspiration pour votre logo ?

C'est un bouclier nomade, et nous nous considérons comme des nomades modernes. Aujourd'hui, Amsterdam est ma base d'opération (safe space). J’y reviens pour travailler, pour me détendre, pour me ressourcer avant de repartir en voyage. J'aime être une éponge quand je voyage. Je veux m'imprégner de tout ce qui m’inspire. Puis j’y retourne, je déballe toutes mes idées et je commence à travailler dessus.

 

Comment se déroule votre processus créatif ?

Je voyage beaucoup. J'étudie les marques que j'aime vraiment. Je vais souvent aux Fashion Weeks. La mode est un secteur en constante évolution. Il faut aussi regarder ce que l'on a, et comment on peut le développer. Par exemple, nous avons une veste en cuir, comment pouvons-nous upgrader cette pièce ? Nous réfléchissons, nous créons, jusqu’au jour où elle devient un best-seller.

 

En tant que nomade moderne, les voyages sont-ils une source majeure d’inspiration ?

Absolument ! Lorsque nous avons lancé la marque, nous voyagions constamment en Europe. Les voyages m’ont changé en tant que personne. Ils ont changé ma façon de voir la vie. Alors, oui, je suis toujours inspiré quand je voyage. J'aime découvrir des choses en dehors des réseaux sociaux. Scroller constamment ne m’intéresse pas.

 

Daily Paper s’engage beaucoup pour des causes qui lui tiennent à cœur en prônant des messages forts, pourriez-vous nous en dire plus ?

Pour notre collaboration avec Off White, le collectif Surf Ghana avait besoin de collecter des fonds pour construire un skatepark. L'idée était de collaborer avec Virgil Abloh pour créer un tee-shirt dont les bénéfices iraient à ce skatepark. Le message est clair : les actes s’expriment mieux que les mots. Ce genre de collaboration permet aussi de rendre notre marque accessible en Afrique.

 

Bien plus que de simples pièces ready-to-wear, vos créations offrent toujours un réel background créatif, cela est-il lié à l’effervescence artistique des Pays-Bas ?

C'est une bonne question ! Oui, si vous regardez l'histoire des Pays-Bas, nous avons beaucoup de peintres comme Van Gogh, Rembrandt etc. Le fait d'avoir ce genre de peintres et d'artistes a façonné la perception de l'art néerlandais et a également été notre source d'inspiration.

 

Pourquoi avez-vous choisi de rendre hommage au Maroc pour cette collection printemps-été 2023 ?

Pour commencer, je suis marocain (rires). Je voulais vraiment consacrer une collection qui porte sur ma culture. Je voulais parler de cette nouvelle génération de créatifs. Apporter une vision différente sur le Maroc. Je m'inspire également de la culture Amazigh car c’est de cette région dont son originaire mes parents. Je voulais vraiment dédier cette collection à mon héritage, à ses traditions et à son lien avec la nature. Nous l'avons appelé Under The Same Moon parce que nous sommes tous sous la même lune. Elle nous représente en tant que personnes.

 

Dans quelle partie du Maroc avez-vous shooté la dernière campagne Under The Same Moon ?

Nous avons réalisé les street styles à Marrakech et d’autres contenus dans les montagnes aux alentours. Je voulais réaliser le shooting à Marrakech, car j'ai beaucoup d'amis là-bas. Je voulais aussi travailler avec la nouvelle génération de créatifs comme Yazid, un très bon ami à moi qui possède une société de production. J’aime pouvoir mettre tout cela en avant, utiliser mes ressources afin de participer au développement de la créativité au Maroc.

 

Vous aimez jouer avec les matières et les couleurs, quel a été votre challenge lors de la création de cette collection ?

Le coût des matières. Nous ne sommes pas positionné haut de gamme, nous ne pouvons pas vendre des produits trop chers. Notre plus gros challenge est respecter nos pricing, en proposant des matériaux de qualité à nos clients.

 

Avec quels artistes marocains avez-vous aimé collaborer ? Et avec lesquels aimeriez-vous collaborer ?

Nous avons fait quelques campagnes avec le photographe Mous Lamrabat. Je suis aussi un grand fan de Hassan Hajjaj, c'est un très bon ami à moi. J’avais participé à son exposition à Dubaï, qui mettait en avant différents artistes marocains. J'aimerais continuer à travailler avec lui. Je suis également un grand fan de Snor le rappeur, Small X, El Grande Toto et iceman vieze. Ce sont des artistes cools. Ils font de la bonne musique, et leur direction artistique est top !

 

En tant que designer, quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent évoluer dans ce milieu ?

Il faut rester passionné et être persévérant. Il ne faut jamais avoir peur de commencer en bas de l’échelle. Il y a dix ans, nous étions heureux lorsque nous avions dix commandes par semaine. C'est un secteur difficile, mais si vous avez un ADN fort, une histoire forte, et un objectif clair, vous réussirez. L'argent ne doit jamais être la principale motivation. Ce n'est pas facile de construire une marque. On y pense constamment. On se réveille et on se couche avec. Pour réussir, il faut bosser dur.

 

Après Amsterdam, New York et Londres, avez-vous songé à ouvrir une boutique en Afrique, peut-être au Maroc ?

Ce n'est pas vraiment l'objectif. Actuellement, notre objectif n°1 consiste à trouver un moyen de fabriquer des vêtements en Afrique, et de créer une ligne de vêtements Made In Africa. Je pense que ce sera un bon début. Nous avons ouvert nos magasins en nous basant sur la data. "Londres marche bien en ligne, commençons par ouvrir un pop-up puis ouvrons un magasin". Aujourd’hui, notre plus grand rêve est de fabriquer des vêtements en Afrique.

 

Vous pouvez commencer par un pop-up au Maroc ?

Oui, certainement, un jour, Inshallah, nous le ferons au Maroc. C'est aussi notre rêve. Nous devons juste trouver des moyens de rendre nos produits plus accessibles. Pour l'instant, nous nous concentrons sur les chiffres que nous réalisons. Par exemple, en France, nous avons remarqué que notre clientèle s’était bien développée. Ce ne sera pas une surprise si nous ouvrons à l’avenir un magasin à Paris.

 

Selon vous, à quoi ressemblera Daily Paper dans 5 ans ? Avez-vous déjà des projets en préparation ?

J’espère que dans 5 ans, Daily Paper sera présente dans plusieurs villes clés. Nous vendons nos pièces auprès de nombreux retailers, mais ils ne montrent jamais toute l’expérience Daily Paper. À travers nos collections, nous racontons vraiment une histoire. Nous voulons contrôler l’expérience client. En termes de nouveaux projets, oui, nous travaillons toujours sur de nouvelles collaborations. Par exemple, nous travaillons déjà sur la collection automne-hiver 2024.

Photographe Idriss Nassangar
Talents Sara Alwani Hawija, ansar.elyacoubi, mo, Abdo Diani
Production Somni Productions, Saida's Carpets

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