Art & Culture

Savage x Fenty : que révèle la polémique autour du show sur l'industrie de la mode ?

Suite à son défilé Savage x Fenty Vol. 2, Rihanna a été critiquée pour avoir inclus une chanson de la DJ Coucou Chloé qui présentait des enregistrements de textes islamiques sacrés, mettant l'appropriation de l'industrie de la mode et de la musique au premier plan.
person human festival crowd

Le show Savage x Fenty Vol. 2 de Rihanna a fait les gros titres deux fois la semaine de sa sortie sur la plateforme Amazon Prime Video. Tout d'abord, les principales publications et les utilisateurs des réseaux sociaux ont fait l'éloge de l'inclusivité du défilé, avec des mannequins de toutes tailles, ethnies et identités de genre présentés dans ce véritable spectacle de mode, musique et danse. Puis, une deuxième fois lorsque les téléspectateurs ont réalisé qu'une chanson remixée par la DJ Coucou Chloe figurant dans la bande sonore du show était en partie composée d'une lecture d'un texte religieux islamique sacré  - appelé un Hadith -, ce qui a suscité des critiques à l'égard de la marque. 

L'appropriation est un sujet brûlant pour de nombreuses formes d'art. À l'intersection de la mode et de la musique, les créateurs ont la possibilité d'amplifier leurs messages créatifs. Par exemple, Hedi Slimane chez Céline, publie les playlists de chacun de ses défilés sur Spotify, tandis que Kerby Jean-Raymond, qui officie chez Pyer Moss, a consacré un spectacle entier à l'héritage de la légende musicale Sister Rosetta Tharpe. Il est souvent très judicieux de réunir les éléments multimédias des défilés de mode, qui sont hautement chorégraphiés et planifiés. Les lumières, la musique et la mise en scène définissent ces présentations, et le cas du défilé Savage x Fenty montre un manque de responsabilité dans la coordination de l'événement. Cela montre que la playlist n'a pas été examinée pour détecter du matériel culturellement inapproprié.

La chanson en question, baptisée "Doom", de Coucou Chloe, a été diffusée alors que le rappeur Rico Nasty montait sur le podium du show. Sur Twitter, les téléspectateurs ont rapidement dénoncé cette chanson pour son manque de respect. Un utilisateur du réseau social a ainsi fait remarquer que lorsque Rihanna, à travers son show, présente des traditions islamiques au nom de l'esthétique de sa marque - comme un remix d'un hadith, ou la façon dont les mannequins de son premier défilé Savage x Fenty portaient le foulard -, cela ne rendait pas service aux communautés desquelles cela a été approprié.

 

Rihanna s'est excusée en stories sur Instagram, qualifiant l'inclusion de la chanson d'"erreur honnête et pourtant négligente." La chanteuse a ensuite remercié ses fans musulmans d'avoir mis son erreur au grand jour et a promis de veiller à ce que "rien de tel ne se reproduise plus jamais.Coucou Chloe a également partagé des excuses sur les réseaux sociaux, soulignant qu'elle revendique "l'entière responsabilité de cette polémique, née de l'absence de recherche correcte faite sur ces mots. Je souhaite remercier ceux d'entre vous qui ont pris le temps de m'expliquer cela." Aussi, l'artiste a déclaré que la chanson serait retirée de toutes les plateformes de streaming.

1602260470992714-rihanna-apologizes-muslim-community-doom-coucou-chloe.jpg

Le morceau "Doom" a probablement été choisi pour ses notes hyper électro et non pour ses paroles diffusées en accéléré. Coucou Chloé a elle-même sélectionné les paroles des Hadith uniquement pour leur contenu sonore, en insistant sur Twitter sur le fait qu'elle avait trouvé ces passages vocaux en ligne. Mais, quelle que soit son intention, le show a utilisé des textes sacrés pour commercialiser un produit sans tenir compte de l'objectif du Hadith.

Coucou Chloe n'a pas seulement samplé un Hadith, mais aussi du Baile Funk, un style de hip hop brésilien, avec des morceaux également trouvés en ligne. Si l'équipe de Rihanna et Coucou Chloe ne connaissaient pas les origines des paroles de la chanson, il va de soi que les artistes à l'origine de tant de parties intégrantes du morceau ne seront pas crédités pour leur travail. Cependant, dans ce cas, le comportement de Coucou Chloe fait état de ce qui semble être la norme dans l'industrie de la mode. Nous vivons à une époque où la conservation, l'assemblage de produits artistiques, est elle-même considérée comme une forme d'art. Des documentaires entiers sont réalisés à partir de matériel d'archives. Les remixes de chansons deviennent souvent plus populaires que les titres originaux. Les créateurs de contenu les plus populaires sur des applications comme TikTok, sont ceux qui prennent et modifient des morceaux avec les mêmes sons et les mêmes façon de faire que la DJ. Coucou Chloe a pris des morceaux gratuits sur Internet et les a mixés avec ses propres créations et sons pour créer une chanson unique. Ce faisant, elle a utilisé le travail des autres comme des blocs de construction pour créer sa propre vision artistique. 

1602262310310022-rico-nasty-rihanna-savage-fenty.jpg

Cependant, il est impossible de dépouiller des artefacts religieux ou culturels de leur signification originelle. Même avec de nouveaux rythmes, un Hadith reste un Hadith, et Coucou Chloe utilisait toujours un texte sacré dans sa chanson, bien qu'elle ait été remixée. Si internet permet aux créateurs d'obtenir et d'intégrer facilement des œuvres considérées comme libres de droits, il présente également la responsabilité pour les marques et les artistes de s'approvisionner correctement et d'en indiquer la source. Le label de Rihanna a la réputation d'être inclusif et de célébrer les diverses communautés, et cette controverse montre que les questions d'appropriation et de représentation sont des leçons constantes à tirer.

Recommandé pour vous