"Ripley" : pourquoi on a (largement) préféré le film à la série Netflix
Le génial acteur irlandais Andrew Scott a beau camper le rôle principal de Tom Ripley, la série Netflix explorant le roman de Patricia Highsmith ne parvient pas à faire oublier le film mythique "Le Talentueux Mr. Ripley" sorti en 1999.
Le 4 avril dernier, Netflix marquait le coup avec la sortie de sa nouvelle mini-série-événement Ripley. Inspiré du roman de Patricia Highsmith, le show réalisé par Steven Zaillian met en vedette l’acteur irlandais Andrew Scott (Fleabag, Sherlock, Sans jamais nous connaître) dans le rôle principal de Thomas Ripley. Si l’idée est convaincante sur le papier, elle l’est beaucoup moins dès la vision du premier épisode. La raison ? Impossible de ne pas comparer cette nouvelle création au film mythique de 1999 Le Talentueux Mr. Ripley.
Le Talentueux Mr. Ripley est bien plus qu'un simple film ; c'est une œuvre cinématographique captivante qui mérite toute l'attention et l'admiration qu'elle suscite. Ce n’est pas pour rien si en 2000, Jude Law, qui incarne le riche héritier Dickie Greenleaf, a décroché le BAFTA du Meilleur acteur dans un second rôle. Également adapté du roman de Patricia Highsmith et réalisé par Anthony Minghella, ce thriller psychologique explore les recoins les plus sombres de l'âme humaine tout en offrant une expérience visuelle et narrative inoubliable. Et c’est sur ces deux derniers points que la série peine à s’aligner, autant que sur la qualité de son casting.
Le casting de "Ripley" ne marche pas
Au cœur de l'excellence de Le Talentueux Mr. Ripley se trouve un casting impeccable. Matt Damon incarne magistralement le personnage complexe de Tom Ripley, un homme tourmenté par ses propres démons et obsédé par le désir de réussir. Sa performance subtile et nuancée captive le spectateur dès les premières minutes du film et le maintient en haleine jusqu'à la dernière scène. L’une des caractéristiques les plus évidente de Tom Ripley est qu’il n’a aucun charisme. Et c’est précisément sur ce point que Matt Damon était parfaitement choisi pour camper le rôle de l’escroc en 1999. Non pas que l’acteur manque naturellement de charisme, mais force est de constater qu’à l’écran, son interprétation rend son personnage extrêmement gênant. Andrew Scott, de par son âge – 47 ans – et son expérience au cinéma, est aussi talentueux que charismatique. Il est ainsi bien trop âgé pour incarner un Tom Ripley censé être diplômé depuis quelques années à peine. On a beau l’adorer, il ne convainc pas dans le rôle de l’escroc minable. Au point même où son interprétation rend Tom Ripley encore plus charismatique que Dickie Greenleaf et Marge Sherwood. Résultat ? On ne croit pas à cette histoire une seule seconde.
A ce propos, dans Le Talentueux Mr. Ripley, Jude Law et Gwyneth Paltrow offrent également des performances remarquables en tant que Dickie Greenleaf et Marge Sherwood, respectivement. Leur dynamique avec Tom Ripley ajoute une couche supplémentaire de tension et de suspense à l'histoire, faisant de chaque interaction un moment captivant à l'écran. Avant le tournage, Anthony Minghella a envoyé Jude Law en Grèce afin qu’il développe un bronzage naturel mais intense. Inutile de rappeler que l’acteur britannique est incroyablement beau dans ce film. Il est aussi très charismatique, tandis que son personnage est doté d’un style estival à l’italienne pointu, est profondément insouciant et surtout, extrêmement riche. Autant d’éléments qui le rendent magnétique, aussi bien aux yeux des spectateurs que ceux du Tom Ripley de Matt Damon.
Dans la série Netflix, Dickie Greenleaf est incarné par Johnny Flynn, qui prête ses traits à un héritier américain sans personnalité, très peu convaincant. Idem du côté de Dakota Fanning, qui campe le rôle de Marge Sherwood. Aussi talentueuse soit l’actrice, son interprétation de la fiancée de l’héritier est extrêmement froide, et sans aucune profondeur. Sans parler de son stylisme, quasi inexistant et limité à des pulls en maille sans allure. Pour rappel, dans la version de 1999, Gwyneth Paltrow déclinait une Marge ultra sociable, presque confidente de Tom Ripley – avant qu’elle ne commence à le voir pour ce qu’il est réellement – et surtout, à la pointe de la mode. Entre ses ensembles casual chic au charme estival, ses totals looks léopard et ses robes de gala, elle ne manquait jamais de prouver son statut d’icône mode.
Enfin, pointons également du doigt le casting d’Eliot Sumner dans le rôle de Freddie Miles, l’ami américain, riche également, de Dickie et Marge. Ultra suspicieux quant aux réelles intentions de Tom, Freddie ne manque jamais de le rabaisser et l’humilier. Une attitude parfaitement interprétée par Philip Seymour Hoffman dans le film de 1999, que Eliot Sumner ne parvient absolument pas à concurrencer.
La réalisation visuelle
Avec Le Talentueux Mr. Ripley, Anthony Minghella réussit brillamment à capturer l'atmosphère envoûtante de l'Italie des années 1950. Les magnifiques paysages méditerranéens servent de toile de fond à l'intrigue, ajoutant une dimension visuelle époustouflante au récit. Chaque plan est soigneusement composé, chaque cadre est méticuleusement choisi pour mettre en valeur les émotions et les conflits des personnages.
De plus, la direction artistique et la conception des costumes plongent le spectateur dans l'époque avec un réalisme saisissant. Chaque détail, des voitures de luxe aux vêtements élégants, contribue à créer un monde riche et immersif où les personnages évoluent. Ce qui se distingue le plus ? Les couleurs, aussi vivantes que captivantes.
C’est ici qu’on n’a toujours pas compris le choix de Steven Zaillian de réaliser la série Ripley en… noir et blanc. Si au départ, on pourrait trouver ce contrepied assumé plutôt cool, le spectateur a rapidement envie de voir ces magnifiques paysages d’Italie en couleurs. Tom Ripley est attiré par la beauté de la vie de Dickie. Son style impeccable, les plages, les mises en scène. Cette beauté n’est absolument pas mise en valeur par le noir et blanc. Ainsi, la série ne parvient pas à transporter le spectateur pour lui faire comprendre les raisons pour lesquelles Tom veut s’approprier la vie de Dickie.
L'exploration du rapport de domination
Au-delà de son esthétique envoûtante, Le Talentueux Mr. Ripley offre également une analyse perspicace du rapport de domination financière entre les personnages principaux. Dickie Greenleaf incarne l'archétype du privilégié insouciant, dont la richesse et le statut lui confèrent un pouvoir indéniable sur son entourage. Tom Ripley, en revanche, représente l'aspirant désespéré, prêt à tout pour s'élever dans la société, même s'il doit sacrifier son intégrité morale pour y parvenir.
Leur relation complexe est teintée de jalousie, de manipulation et de désir, illustrant de manière poignante les nuances du pouvoir financier. A travers son casting impeccable et ses visuels captivants, le film met brillamment en lumière les différentes facettes de cette dynamique toxique, montrant comment l'argent peut être à la fois un moyen d'émancipation et une source de destruction. La série Ripley ne parvenant pas à se hisser au niveau du film sur tous les points relevés, échoue également à évoquer finement les différences d’origine sociale ente Tom et Dickie, et ce que cela implique sur leur relation.