Marie de Brouwer : l'art des couleurs naturelles à la Grège Gallery de Bruxelles
"Ne me demandez pas pourquoi, mais j’apprécie le côté intègre et désarmant des couleurs naturelles. Rien n’empêche d’y ajouter des tons plus vifs, mais par petites doses, pour les savourer de manière optimale." Marie de Brouwer, le cerveau derrière la Grège Gallery bruxelloise, plaide en faveur de la beauté brute.
Ne vous méprenez pas sur la taille réduite de la Grège Gallery : cet espace intime au cœur de Bruxelles vous ouvre les portes d’un voyage sensoriel autour du monde dans le sillage d’objets d’art, de meubles et d’architectures uniques. L’histoire de Marie de Brouwer prend sa source dans son séjour de plusieurs mois à Bali dans le cadre de son stage de fin d’études au CAD. L’architecte d’intérieur écume la scène artisanale de ce paradis balnéaire et décide d’importer ses trouvailles en Belgique. Après l’arrivée du conteneur débordant des meubles qu’elle y a dénichés, l’idée de créer son entreprise germe dans son esprit. Elle y donne forme lorsqu’elle commence à travailler dans un bureau d’architectes. Concevoir des intérieurs, c’est bien, mais les peupler de pièces uniques qui ont plus à raconter que leur simple contenu esthétique, c’est mieux. Aussitôt dit, aussitôt fait : elle s’envole pour le Burkina Faso où elle noue des contacts avec des antiquaires locaux. Elle expose la collection rassemblée pas à pas au château de Westmalle. Un lieu surprenant, qui fait l’unanimité. En 2011, elle fonde la Grège Gallery et, depuis lors, elle met sur pied, trois fois par an, des expositions sur ses trouvailles et artistes dans des lieux uniques. Une formule qui lui permet de conjuguer sa passion pour l’architecture avec les beaux objets, l’art et le mobilier ancien. Les serres du château de La Hulpe, une villa brutaliste de Schilde ou, dernièrement, la chapelle des années 1950 du château de Maele, près de Bruges, servent de décor à la vision poétique de Marie de Brouwer. L’été passé, cette dernière a ainsi accueilli les œuvres de l’artiste hispano-guinéen Chidy Wayne. Une exposition qui a remporté un franc succès. "Je suis plutôt du genre à suivre le mouvement. Il n’a jamais été dans mes intentions d’ouvrir une galerie. D’ailleurs, les galéristes ne m’inspiraient pas une très haute opinion. Je les voyais plutôt comme des personnes qui passaient leur journée à attendre, assises au milieu d’un cube blanc... Je peux vous assurer que c’est tout le contraire de ce que je fais aujourd’hui. Je me laisse guider par le vent, qui m’emporte dans toutes les directions. Mon travail ressemble à un voyage de découverte permanent, qui me fait rebondir de surprise en surprise."
Actuellement, la galerie mêle art contemporain et meubles africains anciens : une chaise Baoulé de la Côte d’Ivoire, un lit Dagara, des tabourets Nupé du Nigeria ou encore un tabouret Senoufo d’Afrique de l’Ouest. Dès qu’elle pourra de nouveau s’échapper, Marie de Brouwer prévoit de repartir en exploration, cette fois en Asie. "J’observe une tendance de plus en plus marquée à rechercher plus qu’un nom en matière de design. Les gens veulent des objets purs et bruts, une intemporalité que je trouve dans des pays lointains. J’aime les matériaux nobles comme le bois et la pierre. Les meubles que j’ai achetés en Afrique ont été fabriqués mais aussi réparés selon les traditions locales, ce qui leur confère même une belle patine aujourd’hui. J’adore plonger dans l’histoire de chaque pièce : où a-t-elle été créée, qui l’a utilisée, quelle est sa symbolique ? Par sa multitude d’ethnies et de traditions, l’Afrique offre un univers garant d’une immersion extrêmement fascinante. Je me sens attirée par tout ce qui est spontané, simple et intègre. Les pièces qui ont résisté à l ’ épreuve du temps et ploient littéralement sous l ’utilisation qu’on en a faite possèdent ce côté brut qui m’intéresse. Ici, en Europe, nous avons encore tendance à tout polir au propre comme au figuré. Ce sont ces mêmes raisons qui me poussent à organiser mes expos dans des vieux édifices porteurs d’une âme : le contraste de toutes ces énergies crée des étincelles. Attention, ça ne signifie pas pour autant qu’il faut encombrer un espace de contradictions. Dans mes projets, je prends plaisir à rechercher un style épuré. Pour pouvoir profiter de manière optimale d’un espace, il faut éviter de le surcharger. Que ce soit en couleurs, textures ou objets."
Cette philosophie qui rime avec sobriété et poésie prend corps dans une offre étonnante d’artistes des quatre coins du globe. Une douceur insoupçonnée se dévoile dans les lutteurs de Chidy Wayne, les sculptures en béton du Franco-Polonais- Italien Mattia Listowski ou encore les céramiques brutes de l’Estonienne Laura Pasquino sans oublier les petits instants capturés sur des vieux draps de lin par le pinceau de la Française Juliette Lemontey ou encore les meubles bruts façonnés par Victor Giannotta (Sepa) dans du frêne et le bois qu’il ramasse au cœur des Cévennes où il vit. "Je ne veux pas m’enfermer dans un style et je me laisse guider dans chacun de mes choix par un coup de cœur. L’authenticité joue un rôle primordial dans les rapports que j’entretiens avec mes artistes. Je ne peux pas représenter une personne avec qui ça coince sur le plan personnel. Avec la plupart d’entre eux, une véritable amitié se tisse au fil du temps. De ce rapprochement authentique naissent de belles collaborations qui font oublier la relation de travail. Et une interaction intéressante jaillit : presque toutes les œuvres que je présente dans mes expos sur site ont été conçues en fonction de la spécificité des lieux. Je crois beaucoup aux énergies et je suis convaincue que l ’ histoire unique d ’un bâtiment peut stimuler notre créativité. Et s’il présente une ou une dix fissures, c’est d’autant mieux en ce qui me concerne. Le mot imperfection est plus que primordial dans mon vocabulaire : l’imperfection est ce qui donne son caractère unique à une chose ou une personne et nous en avons plus que jamais besoin dans ce bain d’uniformité."
