Rencontre avec Kiernan Shipka, aka la nouvelle sorcière Sabrina de Netflix
Créateur de Mad Men, Matthew Weiner a récemment songé à donner une suite à son chef-d’œuvre en déclarant : “La seule raison, c’est de voir ce qui est arrivé à Sally Draper. Ça, je le dois à Kiernan, elle est le cœur de cette série.” En incarnant, de 2007 à 2015, Sally, la fille impertinente du publicitaire Don Draper, Kiernan Shipka l’a effectivement rendue inoubliable. Son secret : jouer cette petite privilégiée comme une rebelle, tout en montrant qu’elle reste un pur produit de son environnement conservateur. Mad Men fut aussi l’occasion pour la comédienne d’affirmer son style. Grâce à la garde-robe de Sally Draper, son interprète, d’origine irlando-slovaque, née à Chicago de parents totalement étrangers au milieu du cinéma et de la mode, a rendu jalouses les filles en vue de Hollywood, sans avoir le temps de prendre la grosse tête. Matt Weiner rallongeait les scènes dans lesquelles elle figurait, et Kiernan se forge une réputation en or qui lui permet de durer à Hollywood, et d’être aujourd’hui la star des Nouvelles Aventures de Sabrina. Seconde adaptation télé, cette fois assez sombre, parfois horrifique, d’un comics ultra-populaire, après celle, très kitsch, des années 1990, cette version Netflix est une relecture moderne du personnage de Sabrina, qui doit choisir entre deux mondes incompatibles : celui des mortels et celui des sorciers. Tours de magie, mots d’esprit sur le féminisme intersectionnel, voire sur l’autoritarisme patriarcal de Satan… Kiernan éblouit les fans de Sabrina. “Parfois, il faut une icône pour jouer une autre icône”, résume Roberto Aguirre‑Sacasa, le showrunner de la série.
Vous incarnez Sabrina, mi-sorcière, mi-humaine. C’est facile ?
Kiernan Shipka : Le vrai défi, c’est quatorze heures de tournage chaque jour : rire à gorge déployée lors d’une prise, combattre un démon dans la suivante, puis piquer un sprint, éclater en larmes et résoudre un mystère en récitant deux pages de latin. Sans oublier de donner la réplique à Salem, le chat noir auquel je suis allergique. Dans ces moments-là, j’aurais bien besoin des superpouvoirs de Sabrina.
Vous sentez-vous vulnérable ?
Je vis depuis longtemps dans le milieu du cinéma. En grandissant, j’ai heureusement réussi à le considérer comme un métier. Ce recul m’a permis de me demander : “Est-ce que je veux en faire ma vie ?” C’est révélateur du besoin d’organiser mon existence. D’ailleurs, j’adore faire des listes de projets !
Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné ?
Trouver l’équilibre entre fun et professionnalisme !
La personnalité de Sally Draper a-t-elle déteint sur vous ?
Le temps de la série, oui, j’ai été fashion addict comme elle. Puis j’ai eu une période de sevrage où j’ai réussi à cultiver ma fascination pour la mode tout en trouvant mon propre style vestimentaire.
Et Sabrina, ne prend-elle pas aussi beaucoup de place dans votre vie ?
Son fan-club est tel que je suis devenue l’objet d’une immense attention. Mais je garde en tête que Sabrina est une formidable source d’inspiration pour les kids : partagée entre deux mondes, elle trace finalement sa propre voie, et j’espère qu’elle incitera ses fans à être eux-mêmes.
Passer votre vie dans l’œil du public a donc un avantage ?
J’ai longtemps été la seule enfant sur le plateau, mais je ne me suis jamais sentie en danger. C’est inestimable, d’autant qu’à mon âge, les expériences sont toujours nouvelles. Mais mon entourage veille à ce que je garde la tête sur les épaules.
Votre collaboration avec Fendi en est une ?
La grande variété de leurs vêtements me touche : avec Fendi, je peux être séductrice, fun, fashion ou edgy. Quant aux lunettes, je ne peux plus m’en passer.
Vous êtes active sur les réseaux sociaux, et pourtant, votre ascension médiatique vous a préservée des campagnes de dénigrement. Comment expliquer ce miracle ?
Si vous creusez dans les tréfonds d’internet, vous trouverez des photos de moi à 7 et 19 ans, avec ce commentaire : “La taille des seins est identique.” Alors, je ne me google jamais. Je gère seulement mon compte Instagram et je touche du bois pour le préserver des trolls. Je préférerais que Wes Anderson et Sofia Coppola le remarquent, car je rêve de tourner avec eux.
Photographie par Danny Lowe
Stylisme par Vanessa Bellugeon
Coiffure Massimo Serini
Maquillage Luigi Rizzello
Assistant photo Stefano Moiraghi
Assistante stylisme Gabriela Cambero